De réfugiée à diplômée en droit!

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Florence Tison

2020-06-02 15:00:00

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Cette future avocate a fui les conflits armés avec ses sept frères et soeurs. Elle est la première d’entre eux à avoir un diplôme universitaire…en droit!
Photo de finissant. Photo de courtoisie
Photo de finissant. Photo de courtoisie
Née en 1993 au Congo, Ruth Maniriho Bansoba a dû être déracinée deux ans plus tard par des conflits armés découlant du génocide rwandais.

Ses parents, ses septs frères et soeurs et elle-même ont survécu cinq ans dans un camp de réfugiés en Ouganda avant d’atterrir dans la ville de Québec, où les parents de Ruth habitent toujours.

Avec la peine de la famille à apprendre le français, et pour les parents, à trouver des emplois convenables, peu de choses semblaient destiner la petite Ruth à des études supérieures.

Ruth vient pourtant de compléter son bac en droit à l’Université d’Ottawa, et se dirige vers un stage du Barreau à la Cour d’appel à Québec. En attendant, elle fera sa common law cet automne à l’Université de Sherbrooke.

« Dès 11 ou 12 ans, je voulais faire du droit, se rappelle Ruth. J’avais une frustration par rapport à ce qui se passe mondialement. Ma frustration première, c'était les massacres qu’il y a eu à cause des génocides... j’avais comme une envie de justice. »

« Bien évidement, je me suis rendu compte qu’on peut pas mettre tout le monde en prison, poursuit la future avocate, mais au tout début, j’avais envie que certaines personnes paient. J’ai perdu des gens de ma famille, évidemment. Je me disais que ces responsables-là devaient faire de la prison, mais qu’on n’allait jamais les rattraper. C’est comme une frustration, et je me suis dit, bon, il faut que je fasse quelque chose avec ça. »

Apprendre le français en trois mois

Photo des membres de l'association 20219-2020 (Olga Abimana, Mimi Diarra, Edynne Grand-Pierre, Tina Amadou, Dillon Antoine (J'étais la présidente 2019-2020). Photo de courtoisie
Photo des membres de l'association 20219-2020 (Olga Abimana, Mimi Diarra, Edynne Grand-Pierre, Tina Amadou, Dillon Antoine (J'étais la présidente 2019-2020). Photo de courtoisie
Pas facile pour des immigrants de s’intégrer à une société dont ils ne parlent pas la langue. Dans la famille de Ruth, seul son père maîtrisait le français. Les autres ont dû suivre des cours de francisation.

Si Ruth a appris le français en trois mois, d’autres aspects ardus de l’intégration des immigrants l’ont marquée, et poussée davantage vers le droit. Exemple : la professeure de français les « traitait comme si on était des retardés ».

« Ça a causé d’autres frustrations », en dit simplement la future avocate, en mentionnant notamment le racisme, bien sûr, et la difficulté de se trouver un travail pour les nouveaux arrivants.

Avec le temps, ses parents s’en sont bien tirés. Son père, diplômé au baccalauréat en théologie à l’Université Laval, donne des cours de conduite. Sa mère est infirmière auxiliaire. Mais ils n’ont pas eu les moyens de contribuer aux frais de scolarité de leur fille.

Pas grave : Ruth s’est débrouillée… et a quand même eu cinq bourses au fil de sa carrière d’étudiante, dont deux pour excellence académique.

Le droit : « pas une option pour elle »

Photo de famille et des amis (prise en 2000, à Kyangwali refugees settlement of UNHCR, Uganda). Photo de courtoisie
Photo de famille et des amis (prise en 2000, à Kyangwali refugees settlement of UNHCR, Uganda). Photo de courtoisie
Au secondaire, Ruth est allée à Vanier, la pire école de Québec, selon elle : un taux de décrochage de 50 %!

À sa dernière année du secondaire, lorsqu’elle a dit à la conseillère en orientation vouloir aller vers le droit, elle s’est fait répondre que ce n’était pas une option pour elle. è

« C'était tellement gratuit! » s’exclame Ruth, qui malgré elle l’a écoutée pour aller en sciences humaines « comme tout le monde », au lieu de se diriger vers une technique juridique comme elle en avait l’intention.

Au cégep, « on niaise beaucoup quand on est jeune », rappelle Ruth. Elle-même a niaisé un peu, ce qui a fait en sorte qu’il lui manquait deux points de cote R pour entrer au baccalauréat en droit.

Encore une fois, Ruth s’est débrouillée. Elle est entrée au certificat en communications publiques à l’Université d’Ottawa pour monter sa cote, et après neuf mois en Alberta pour enseigner à des classes d’immersion en français, elle entrait au certificat en droit, qu’elle a terminé avec une moyenne générale de 9,1 sur 10.

« J’étais motivée! » rigole l’étudiante.

L’Association des étudiants noirs en droit

En 1996 au camp de réfugiés. Photo de courtoisie
En 1996 au camp de réfugiés. Photo de courtoisie
Ruth est entrée au baccalauréat avec beaucoup d’appréhension, il faut le dire : Ruth n’avait jamais vu d’avocat noir et se demandait même si ça existait! Et s’il y en a, « est-ce qu’ils performent? »

« J’ai rencontré mes premiers avocats noirs après ma deuxième année de droit », indique Ruth en riant. D’elle-même, elle leur a écrit pour jaser un peu, et ils l’ont rassurée.

Sa peur était partagée par plusieurs étudiants noirs à l’Université d’Ottawa. Ruth a d’ailleurs remarqué que le nombre d’étudiants noirs en droit avait fondu de moitié entre la première année et la seconde.

« Il fallait qu’on fasse quelque chose, ne serait-ce que de parler de cette peur-là! » s’exclame Ruth.

Il n’en fallait pas plus pour lui donner l’idée de fonder une association. Ruth a donc créé la branche de l’Association des étudiants noirs en droit à l’Université Ottawa, dont elle était la présidente lors de l’année 2019-2020.

Ruth se dirige maintenant vers son Barreau. Et après? Sans surprise, le droit international, le droit de l’immigration et le droit du travail l'inspirent beaucoup, de même que le droit criminel.

« J’en mange, du droit, à part le droit administratif! » rigole la future avocate, qui conclut par un message d’espoir.

« Les circonstances, l’âge, la couleur de peau, l'expérience, le background ne déterminent pas nécessairement où tu vas arriver dans la vie. Les limites, c'est nous qui nous les imposons. »

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26 commentaires
  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 5 ans
    Me
    il est parfois surprenant de voir à quel point le Québec est peu sensible à ces questions de racisme systémique. En raison de son statut de minorité au Canada, on pourrait croire que la majorité francophone prête à décrier le Québec bashing comprendrait ces éléments. C'est pourtant le contraire qui se produit. Aux francophones qui ne comprennent pas les questions liées au racisme systémique, remplacez tout couleur de peau dans ces phrases par francophone et prenez le point de vue d'un francophone en contexte minoritaire. Vous comprendrez les enjeux et la montagne que représente le racisme systémique.

  2. Qu'est-ce vous racontez là?
    Qu'est-ce vous racontez là?
    il y a 5 ans
    M.
    "Quant on va voir le vrai visages des présentements mouvements, soit l'anticapitalisme et la détestation de la civilisation occidentales, alors peut-être sera t'il encore temps de sauver les meubles."

    Où voyez-vous l'anticapitalisme dans le mouvement actuel? Au contraire,il s'inscrit parfaitement dans logique neo-libérale. Il est d'ailleurs de bon ton dans les milieux bourgeois de s'associer à toutes ces causes, à condition bien sûr, de ne jamais soulever les questions de disparités socio-économique. Pourquoi croyez-vous qu'on parle de privilège blanc et jamais de privilège de classe?

  3. Ça ne vaut même pas la peine de le mentionner.
    Ça ne vaut même pas la peine de le mentionner.
    il y a 5 ans
    Tout le monde s'en fou du titre
    Ce n'est que des questions dont j'aimerais une réponse réfléchis!! (Rare)

    1. Quand ont dit "racisme" on voit un blanc "contre" un noir. Pourquoi l'inverse n'est jamais vrai??? Pourtant il y en a bien plus que le racisme qu'on connais!!!
    2. Pourquoi chaque action ou parole d'un blanc est interprété comme du racisme???
    3. Pourquoi quand un blanc fait quelque chose qui n'a ABSOLUMENT AUCUN RAPPORT avec le racisme un noir répond agressivement "pourquoi? Parce que je suis noir?" ... Pourquoi je DEVRAIS me sentir mal quand mes actes ou mes propos ne sont pas reliés!!!
    4. Quand j'entre m'acheter quelque chose à manger dans un marché antillais je dois attendre que les noirs soient servis avant que je me fasse servir??? Ce n'est pas du racisme? Mais si je le dénonce ce racisme qui me prendra au sérieux???

    J'aimerais bien voir un juge statuer sur cette question de racisme. Si je dis que je bois du café au lait, on me dira que je suis raciste parce que je ne le prend pas noir???

    À un point ça en ait rendu de la paranoïa, il faut l'avouer!!

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 5 ans
      Pourquoi ?
      Vous semblez aimer les questions. En voilà une de plus. Pourquoi mettez vous trois points d'interrogation à la fin de vos phrases ?

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 5 ans
    Merci de me donner raison
    Vous voyez, une vrai réponse à mes questions m'aurait plutôt surprise, on est quand même sur droit inc.! Les points d'interrogations vous dérangent??? ... et puis trois autres de plus pour vous faire plaisir???

  5. Pirlouit
    Pirlouit
    il y a 4 ans
    Surréaliste
    Mais qu'elle déformation ? Du gran n'importe quoi ! On attend encore vos exemples.

  6. Pirlouit
    Pirlouit
    il y a 4 ans
    Un beau insultor ...
    Beau champ lexical d'insultes. Quant à vos soi-disant arguments qui les suivent, je vais les déconstruire.

    1. Vous évitez de dire en quoi ne pas aimer l'immigration "pour les raisons qui se dégagent de ces commentaires" serait du racisme ou de la xénophobie. En fait, vous évitez de préciser quelles seraient ces "raisons". Bref, du beau néant. Je vais vous aider : en quoi faudrait-il aimer l'immigartion ? J'attends votre réponse;
    2. Bien, vous voyez du racisme partout là où on n’en vois pas. On tourne en rond. Sauf que le fardeau de prouver le « racisme » est sur vos épaules. Quant à Mamadou, il s'agit de discrimination, pas de racisme. D'accord, cela démontre que certaines personnes sont victimes de discrimination pour le logement. Vous ne pouvez pas prendre cette preuve et l’appliquer à notre future avocate ou la Terre entière.. Sans preuve, c'est dans la tête. C'est cela du racisme imaginaire.
    3. Vous êtes sûr d'avoir lu l'article ? Il n'y a pas qu'un seul paragraphe qui parle de "racisme". Moi j'en compte 7.

    Rien ne justifie le recours aux insultes ? Je serais curieux de voir où j'ai insulté quelqu'un mais je vous invite à mettre en pratique votre affirmation et ... cesser vos insultes. Vous en faites tellement que je vous baptise ... Insultor ! vous gagnez un titre au-moins.

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