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Dossier Claude Paquin : le Procureur général essuie un autre revers

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Élisabeth Fleury

Élisabeth Fleury

2025-11-12 14:15:30

Le tribunal rejette la demande du Procureur général, qui voulait soumettre Claude Paquin à un examen médical…

Sébastien L. Pyzik et Charbel G. Abi-Saad (source : Woods), Claude Paquin (source : Radio-Canada) et Jennifer Price (source : Woods)


La Cour supérieure refuse la demande du Procureur général du Québec (PGQ) d’obliger Claude Paquin, qui a été privé de sa liberté pendant plus de 41 ans — dont 18 ans et 3 mois derrière les barreaux — dans l'une des plus longues erreurs judiciaires du Québec, à se soumettre à un examen médical forcé.

Dans sa décision rendue le 7 novembre, la juge Geeta Narang a donné préséance au droit fondamental à l'intégrité du demandeur, qui réclame plus de 64 millions de dollars au PGQ et à la Ville de Montréal, jugeant l'examen ni nécessaire ni justifié pour la résolution du litige.

Claude Paquin était représenté par Mes Sebastian L. Pyzik, Charbel Abi-Saad et Jennifer Price, du cabinet Woods, alors que la position du PGQ était défendue par Mes Alexandre Baril-Lemire, Ruth Arless-Frandsen et Amélie Savard.

Le contexte

Le 6 novembre 2024, 41 ans après sa condamnation pour deux meurtres, la Cour supérieure prononce l'acquittement de Claude Paquin. Il a alors purgé 18 ans et 3 mois en prison et 23 ans et 2 mois en liberté conditionnelle.


Alexandre Baril-Lemire (source : Bélanger Longtin) et Ruth Arless-Frandsen (source : LinkedIn)
Le 2 mai 2025, Claude Paquin intente une poursuite contre le PGQ et la Ville de Montréal, réclamant plus de 64M$. Il allègue que la police a mené une enquête bâclée à la suite des deux meurtres pour lesquels il a été accusé, qu'elle a agi de façon abusive, et que le Directeur des poursuites pénales et criminelles a, par la suite, agit de manière négligente, abusive et malicieuse dans le cadre du processus judiciaire qui a mené à la privation de sa liberté.

Les positions des parties

La poursuite intentée par M. Paquin repose principalement sur le préjudice moral massif découlant de sa privation de liberté, ainsi que sur des pertes de revenus et des dommages punitifs. L'ampleur de la réclamation plaçait le PGQ en position de vouloir se défendre sur le lien de causalité et le quantum des dommages.

Le PGQ soutenait qu'il était nécessaire que son expert, le Dr Alexandre Dumais, procède à une évaluation psychiatrique de M. Paquin. Le but était d'établir le profil psychiatrique complet du demandeur, incluant sa « trajectoire antisociale avant son incarcération », afin de pouvoir évaluer les dommages moraux et pécuniaires et d'établir un lien de causalité plus précis.

En substance, le PGQ affirmait que l'état mental actuel de M. Paquin devait être considéré pour déterminer si ses pertes étaient entièrement attribuables à l'incarcération, ou si elles étaient liées à son profil antérieur.

Claude Paquin et ses avocats s'opposaient à cet examen, le jugeant abusif et attentatoire à son droit à l’inviolabilité.

Ils ont d'abord proposé une solution alternative : que l'expert assiste aux interrogatoires au préalable de M. Paquin pour recueillir des informations. Le PGQ ne s’est pas prévalu de cette option.

Les avocats de Claude Paquin ont également annoncé leur intention de simplifier le débat pour « éviter d’alimenter ce détour théorique » en retirant deux réclamations, soit celle pour perte de revenus et celle pour troubles psychologiques futurs ou passés.

Pour eux, cela rendait l'examen médical proposé par le PGQ complètement inutile.

La décision de la Cour supérieure

La juge Geeta Narang a tranché en faveur de Claude Paquin, rappelant que l'article 242 du Code de procédure civile fait de l'examen physique ou mental forcé une mesure exceptionnelle qui doit être « nécessaire pour statuer » et « justifiée ». Le tribunal a souligné que la commodité ou l'utilité pour le défendeur n'est pas le critère pertinent face à une atteinte aux droits fondamentaux.

Concernant le critère de la nécessité, la juge Narang a estimé que, puisque M. Paquin s'était engagé à retirer toutes les réclamations pour troubles psychologiques et pertes de revenus, l'état physique ou mental du demandeur n'était plus au cœur du litige. Le recours se concentre désormais sur le préjudice moral découlant de l'injuste privation de liberté elle-même, et non sur un trouble psychologique.

Quant au critère de la justification, la Cour supérieure a noté que le PGQ disposait déjà d'une abondance de documents sur le demandeur accumulés au fil des ans, incluant des rapports d'évaluation psychologique et psychiatrique datant des années 90.

Compte tenu de cette documentation existante et de l'absence de réclamation pour dommages psychologiques futurs, le PGQ n'a pas réussi à démontrer qu'un examen actuel était indispensable pour que son expert puisse produire un rapport, a statué la juge Narang.

L'ordonnance a donc été rejetée. La Cour supérieure a donné au PGQ 21 jours pour communiquer l’expertise qu'il produira malgré le refus d'examen.

Le PGQ et la Ville de Montréal ont aussi essuyé un revers en août dernier lorsque la Cour supérieure a, malgré leur opposition, autorisé Claude Paquin à interroger un témoin mourant, l'ex-policier Pierre Sangollo, pour obtenir des réponses sur les événements ayant mené à son incarcération injustifiée.

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