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Gilbert Rozon dit se défendre pour empêcher « une forme de légalisation de l’extorsion »

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Radio Canada

2025-06-06 13:30:33

L'ex-magnat de l'humour a dit aussi « regretter d'avoir plaidé coupable en 1998 » dans un procès pour agression sexuelle.


Gilbert Rozon - source : Radio Canada


En Cour supérieure du Québec, au deuxième jour de son témoignage dans le cadre du procès civil intenté contre lui par neuf femmes, le fondateur de Juste pour rire, Gilbert Rozon, a affirmé avoir été « emporté dans le mouvement #MoiAussi » et avoir servi de « bouc émissaire ». Ce n'est pas à la juge Chantal Tremblay que l'ex-magnat de l'humour a fait cette déclaration, mais aux médias qui le pressent de questions à chaque pause de ce procès civil ayant débuté en décembre dernier.

Habitué des projecteurs après 40 ans de showbiz, Gilbert Rozon a l'habitude de leur répondre. Jeudi, donc, Gilbert Rozon s'est vu demander s'il considérait avoir été emporté dans la vague du mouvement #MoiAussi.

« Je pense que oui », a-t-il déclaré, haussant les épaules en souriant. « Pourquoi? Ils cherchaient des boucs émissaires. Et j'étais le parfait... le gars idéal ». Le fondateur de Juste pour rire a évoqué la folie qu'il y avait dans l'air, en lien avec #MoiAussi, un mouvement important, a-t-il dit, importé d'Hollywood et qui emporte tout.

Selon Gilbert Rozon, cette vindicte publique, alimentée, voire amplifiée par les médias, pose un risque pour l'État de droit, pilier de notre civilisation, a-t-il rappelé. Et il a ajouté que c'est parce qu'il a foi en la justice qu'il se trouve là, dans ce procès civil : « On n’est pas dans coupable ou pas coupable, c’est ça qu’il faut comprendre. On est dans un procès pour de l’argent ».

Les neuf plaignantes (Patricia Tulasne, Lyne Charlebois, Anne-Marie Charrette, Annick Charrette, Sophie Moreau, Danie Frenette, Guylaine Courcelles, Mary Sicari et Martine Roy) lui réclament près de 14 millions de dollars en dommages pour des attouchements et des agressions sexuelles qu'elles disent avoir subis et qui se seraient déroulés entre 1982 et 2004. Depuis le début, Gilbert Rozon n'a eu de cesse de nier toutes ces allégations.

Mercredi, l'ex-premier ministre Pierre Marc Johnson, venu témoigner au procès, avait répété que Gilbert Rozon – homme riche, séduisant et womanizer (coureur de jupons, NDLR) – avait pu représenter une cible dans le contexte du mouvement #MoiAussi.

M. Johnson a rappelé qu'une seule plainte avait été retenue contre Gilbert Rozon au criminel et que ce dernier avait été, en 2020, acquitté des accusations de viol et d'attentat à la pudeur qui pesaient contre lui. En fin de journée, la cour a entendu Serge Postigo par visioconférence, depuis l’Europe. L'acteur et metteur en scène dit ne jamais avoir été témoin de comportements inappropriés de la part de Gilbert Rozon.

M. Postigo a par ailleurs expliqué qu'il était très, très dur (de témoigner) et qu'il y avait eu acharnement à son endroit lorsqu'il avait été écrit dans les journaux qu'il témoignerait. On est tous coupables par association, a-t-il dénoncé, ajoutant qu'il ne considérait pas M. Rozon comme un ami et qu'il avait été assigné à comparaître. Jeudi matin, sur l'esplanade devant le palais de justice de Montréal, des manifestants sont venus bruyamment dénoncer le témoignage de Gilbert Rozon et ceux des témoins appelés en cour pour le soutenir.

Un plaidoyer de culpabilité « qu'il regrette »

Dans son témoignage, jeudi, Gilbert Rozon a par ailleurs dit regretter d’avoir plaidé coupable en 1998, dans un procès pour agression sexuelle. Avant l'histoire du Manoir Rouville-Campbell, comme il l'appelle lui-même, le producteur était au sommet. Une histoire d'audace et de succès qu'il a relatée avec aplomb à la cour, campé dans son complet bleu, pochette au veston, une chevalière à chaque main. Il était à l'étranger lorsqu'a éclaté cet enfer médiatique.

Mon frère m'appelle et me dit : Il faut que tu rentres, ça sort partout dans les médias. M. Rozon a raconté avoir été accueilli à l'aéroport par une meute de journalistes qui voulaient en savoir plus sur cette accusation d'agression sexuelle sur une femme de 19 ans qui avait été déposée contre lui. Dans la foulée du scandale, il a perdu le rôle de juré qu'il tenait dans une populaire émission télévisée en France. Surtout, les pertes financières s'accumulaient : « On perdait quelques dizaines de milliers (de dollars) par jour. Ça a atteint 2 millions rapidement ».

Un plaidoyer de culpabilité doit être rendu sans contrainte, et les juges le rappellent invariablement aux accusés qui plaident coupables. Mais Gilbert Rozon affirme aujourd'hui avoir été mal conseillé à l'époque par son entourage, notamment familial, qui lui a enjoint de plaider coupable.

« J’en ai longtemps voulu à ceux qui m’ont conseillé ça, a déclaré M. Rozon, avant d’expliquer qu'il avait plaidé coupable et que son avocat avait ensuite demandé l’absolution inconditionnelle, qui lui a été accordée l'année suivante ».

Cet épisode a jeté une ombre sur le portrait éclatant et triomphant qu'il a tracé jeudi de son ascension, lui, le petit gars de la campagne, l'enfant de la Révolution tranquille qui voulait faire de Montréal la capitale mondiale de l'humour.

Ses relations avec les femmes

À la question de son avocate au sujet du nombre de relations amoureuses qu’il avait pu avoir, Gilbert Rozon a sursauté : Dans ma vie? Je n’ai pas eu des centaines de femmes, a-t-il poursuivi, mais j’en ai quand même rencontré beaucoup. Lui qui dit vivre depuis une quinzaine d’années avec une femme qu’il a épousée a, de son propre aveu, été libertin par le passé. Il est revenu sur sa relation tumultueuse avec Danielle Roy, la mère de ses trois garçons, et sur celle, non moins mouvementée, qu’il a eue avec Véronique Moreau – l’une des filles du défunt humoriste Jean-Guy Moreau –, dont il a été fou amoureux.

Dans ce procès intenté par neuf femmes, dont plusieurs étaient dans la salle d’audience jeudi, Gilbert Rozon a pris soin de dire qu’au sein de son entreprise, il faisait la part belle aux femmes. Il a cité le cas de Guylaine Lalonde, qui avait commencé comme simple secrétaire et qui s’est hissée jusqu’à être le numéro 2 dans l’entreprise. Gilbert Rozon, aîné de famille nombreuse, a aussi parlé de ses sœurs, des femmes fortes et autonomes qui ont été ses collaboratrices.

Aujourd’hui, Gilbert Rozon se dit ruiné et ces femmes qui travaillaient avec lui ont perdu leur emploi. « J’ai été condamné et exécuté le même jour, a-t-il lancé aux journalistes jeudi. Et après, j’ai tout perdu. Alors, qu’est-ce que vous voulez de plus? ». Gilbert Rozon doit poursuivre son témoignage dans les semaines à venir.

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