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La Cour suprême du Canada commence à traduire ses vieux jugements unilingues

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Radio Canada

2025-07-30 11:15:07

La Cour suprême se contentera dans un premier temps de traduire…

La Cour suprême - Source : Radio-Canada

Le Bureau du registraire de la Cour suprême du Canada annonce que 24 des quelque 6000 décisions unilingues rendues avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles, en 1970, seront traduites en français pour les 150 ans du tribunal. Un premier jugement, rendu dans l’affaire Roncarelli c. Duplessis, a d'ailleurs commencé à être adapté dans la langue de Vigneault, et devrait être rendu accessible sur le site web du tribunal plus tard cet automne, a-t-il fait savoir par communiqué mardi.

Cette annonce donne intégralement suite à la publication, le 6 juin dernier, d'un rapport du comité indépendant pour la sélection des décisions les plus pertinentes rendues par la Cour suprême du Canada avant 1970, dont l'existence et la composition n'avaient pas été rendues publiques jusqu'à présent.

Ce groupe de travail, présidé par les juges à la retraite Marshall Rothstein et Clément Gascon, avait reçu pour mandat de sélectionner une vingtaine de jugements unilingues à traduire de manière prioritaire. Il avait entamé ses travaux en janvier dernier.

Après six mois de travail, le comité s'est finalement entendu sur 24 décisions parmi celles qui sont les plus souvent citées par la Cour suprême, par les tribunaux inférieurs, par les décideurs administratifs, par les avocats, ainsi que parmi celles qui sont les plus pertinentes pour l’enseignement du droit et les plus consultées par le public en général.

Trop cher traduire 6000 jugements?

Dans son communiqué, le Bureau du registraire rappelle qu'avant 1970, la Cour rendait habituellement ses décisions dans la langue dans laquelle l’affaire avait été plaidée. Or, le plus haut tribunal du pays a retiré de son site web toutes les décisions non traduites le 8 novembre dernier, après le dépôt en Cour fédérale, une semaine plus tôt, d'une poursuite lancée par l'organisme Droits collectifs Québec (DCQ).

Ce dernier avait alors justifié sa démarche en s'appuyant sur deux rapports accablants du commissaire aux Langues officielles, Raymond Théberge, qui, en octobre 2021 et en septembre 2024, avait sommé le Bureau du registraire de se conformer à la loi.

La Cour suprême avait chaque fois refusé d'obéir, plaidant que la traduction des jugements en question coûterait trop cher, et ce, malgré les sommes additionnelles prévues dans le budget fédéral de 2024 pour accroître la capacité des tribunaux fédéraux à fournir des décisions traduites en français et en anglais.

Elle avait aussi fait valoir – c'est toujours le cas – que la Loi sur les langues officielles n'était pas rétroactive, un argument que n'avait pas contredit le commissaire Théberge, qui avait plutôt plaidé que c'est la publication de ces décisions sur le web qui posait problème.

Parmi les 24 jugements mentionnés par le comité Rothstein-Gascon, 17 n'ont été rédigés qu'en anglais, alors que les 7 autres ont été rédigés en partie en anglais et en partie en français. Aucune des décisions à traduire de manière prioritaire n'a été écrite en français seulement. Sept jugements sont du ressort fédéral. Les autres concernent le Québec (7), les provinces de l'Ouest (4), l'Ontario (3) et les Maritimes (3). Le comité a toutefois souligné dans son rapport qu'au regard du travail qu’il a effectué et de la méthodologie qu’il a suivie, plusieurs autres décisions [mériteraient] également une attention particulière et une traduction.

Des versions françaises sans caractère officiel

Le communiqué transmis mardi par la Cour suprême ne dit pas quand ces jugements seront traduits, seulement que cette initiative est entreprise à l’occasion du 150e anniversaire de la Cour suprême du Canada en 2025. Une fois que la décision dans l'affaire Roncarelli c. Duplessis aura été rendue accessible en français, cet automne, les autres suivront à mesure que leur traduction sera terminée.

L'adaptation de ce jugement, qui figure dans le rapport du comité Rothstein-Gascon, avait été amorcée avant l’établissement de celui-ci, indique-t-on, sans préciser la date de formation du groupe de travail en question. Les décisions traduites n’auront toutefois pas un caractère officiel, étant donné qu’elles ne peuvent pas être approuvées par les juges qui les ont rendues, ceux-ci étant tous décédés, mentionne le Bureau du registraire.

Le communiqué, enfin, ne dit rien des milliers de jugements unilingues qui n'ont pas été sélectionnés par le comité Rothstein-Gascon. On ne sait pas s'ils seront traduits dans un deuxième temps, une fois que les versions françaises des 24 décisions jugées prioritaires seront complétées.

DCQ maintient son recours

Appelé à commenter ce nouveau développement mardi, le président de DCQ, Daniel Turp, a salué l'annonce de la Cour suprême, déclarant qu'il s'agissait d'un petit pas dans la bonne direction.

« Ça prouve que, quand la société civile s'organise, elle peut faire bouger les choses », a-t-il dit. « On se rend compte qu'on a bien fait de poursuivre, parce que sinon, il n'y aurait même pas eu de traductions », a ajouté M. Turp.

La poursuite intentée par son organisme, cela dit, sera maintenue. On garde le cap, car c'est une question de principe, a-t-il fait valoir. M. Turp s'est dit notamment choqué de lire que les versions françaises des décisions unilingues rendues avant 1970 n'auront pas de caractère officiel. Il s'agit là de l'une des nombreuses questions que DCQ voudra approfondir en Cour fédérale, a-t-il souligné.

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