La Cour suprême du Canada refuse de traduire ses anciens arrêts
Radio -canada
2023-11-22 13:15:00
Le commissaire, Raymond Théberge, a fait cette recommandation en octobre 2021, après avoir enquêté sur une plainte formulée par une avocate montréalaise. Cette dernière dénonçait le fait que de nombreux arrêts rendus avant l’entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles en 1970 sont uniquement disponibles dans une seule langue sur le site Internet de la Cour.
Dans son rapport final d'enquête, le commissaire avait conclu que l’absence des décisions dans les deux langues officielles en ligne contrevenait à la loi.
Or, dans son rapport de suivi publié en octobre dernier, le commissaire souligne que la Cour suprême du Canada (CSC) a non seulement refusé de mettre en œuvre la recommandation, mais elle a aussi soulevé les mêmes objections qu’elle avait formulées dans l’enquête.
« (L)a Cour suprême du Canada n‘a pris aucune mesure tangible pour rendre disponibles ses décisions antérieures à 1970 dans les deux langues », peut-on lire dans le Rapport préliminaire de suivi des recommandations du commissaire aux langues officielles.
Il ajoute que la CSC a envisagé quatre solutions, soit de faire traduire par des humains toutes les décisions, de faire ce travail avec des outils de traduction, de traduire uniquement certaines décisions ou de retirer toutes les décisions antérieures à 1970 de son site Internet.
La Cour a toutefois soulevé des objections à toutes ces propositions, en invoquant le coût que cela représenterait, les limites techniques de la traduction automatique et la disparition des auteurs de ces décisions. Quant à la dernière proposition, la Cour conclut que retirer les décisions de son site Internet serait contraire à ses efforts d’améliorer l’accès à la justice.
Interpellé par Radio-Canada, le commissaire aux langues officielles a décliné notre demande d’entrevue en précisant que le suivi de la plainte était encore au stade préliminaire et que « de nouvelles informations pourraient être fournies par la Cour suprême d’ici l’envoi du rapport final de suivi ».
Radio-Canada a tenté à plusieurs reprises de contacter la Cour suprême du Canada, sans succès.
Déception dans le monde juridique francophone
L’inaction de la Cour suprême déçoit grandement la plaignante à l’origine de ce dossier, Me Marie-Andrée Denis-Boileau. Elle reconnaît l’ampleur du travail nécessaire pour traduire l’ensemble des décisions rendues dans une seule langue par la Cour au long de son histoire. L’avocate note toutefois que c’est elle qui doit faire ce travail lorsqu’elle consulte une décision archaïque dans sa seconde langue.
« Des fois, mon client, c'est le gouvernement du Québec (...). Des fois, mon client, c'est un particulier. Des fois, ce sont des universités. Il y a quelqu'un qui paye pour cette traduction-là en quelque part parce que ce n‘est pas vrai que tous les francophones comprennent très bien l'anglais. Donc, il faut qu'on le traduise pour nos clients, on n'a pas le choix », dit-elle.
Selon elle, il est nécessaire de faire ce travail pour que l’accès à la justice soit équivalent entre les francophones et les anglophones dans un pays qui se targue d’être bilingue. Me Denis-Boileau estime qu’il serait possible pour la Cour suprême de trouver des solutions pour répondre à la recommandation, par exemple, de procéder à la traduction de ces décisions en étapes.
Elle n’est pas la seule à être déçue de la conduite de la Cour suprême dans ce dossier. La Fédération des associations de juristes d’expression française de common law (FAJEF) estime que l’inaction du plus haut tribunal est inacceptable.
Son président, Me Justin Kingston, estime que cette situation crée un risque que des juristes ne comprennent pas bien une règle de droit énoncée dans une décision rendue dans une seule langue qu’ils ne maîtrisent pas.
Il donne comme exemple la décision Roncarelli c. Duplessis, rendue en 1959, opposant le premier ministre du Québec Maurice Duplessis à un restaurateur membre des Témoins de Jéhovah. Justin Kingston souligne que cet arrêt fondamental en droit constitutionnel canadien est uniquement disponible en anglais malgré son importance et le fait que les faits se sont déroulés au Québec.
Il ajoute que ce sont généralement les juristes francophones qui sont désavantagés puisque la grande majorité des décisions antérieures à la Loi sur les langues officielles sont rédigées seulement en anglais.
« Si c'était mon choix, je demanderais que toutes les décisions pré-1970 soient traduites purement et simplement », mentionne Justin Kingston,
Interpellé par Radio-Canada, le bureau du ministre de la Justice, Arif Virani, a dans un premier temps refusé de répondre à nos questions « pour des raisons d’indépendance judiciaire ». On nous a aussi dirigés vers le bureau du ministre des Langues officielles, Randy Boissonnault. Celui-ci n’était pas disponible pour répondre à nos questions et a indiqué qu’il laissait le commissaire, qui est un agent indépendant, faire son travail.
A
il y a 10 moisÇa n'appartient pas à la Cour suprême.
Une fois qu'un Tribunal a parlé, les jugements appartiennent à l'ensemble du patrimoine du pays. La Cour n'a plus ni jurisdiction, ni contrôle, ni rien sur ça.
C'est au gouvernement de sortir le chèque.
Anonyme
il y a 10 mois"Selon nos informations, des fonctionnaires ont expliqué à différents intervenants qu’il serait « trop coûteux » de publier toutes les décisions « parce qu’il faudrait tout traduire » pour respecter la Loi sur les langues officielles. Plutôt que de contrevenir à celle-ci, on a donc choisi de sélectionner les décisions qui seront publiées."
https://www.ledevoir.com/politique/canada/397410/trop-cher-de-traduire-toutes-les-decisions-dit-ottawa?
ALAIN TREMBLAY
il y a 10 moisLes décisions constitutionnelles les plus importantes furent traduites par Marx et Chevrette.