La saga du « mot en n » en Cour d’appel
Radio -canada
2022-09-16 12:30:00
La Cour d’appel fédérale a en effet accueilli favorablement lundi la demande de Radio-Canada et entendra sa cause à une date qui n’a pas encore été déterminée.
Cependant, la Cour n’a pas révélé les motifs qui l’ont conduite à accepter d’entendre l’appel de Radio-Canada dans cette affaire – mais c’est la pratique usuelle. Radio-Canada a publié une déclaration le 13 juillet dernier dans la foulée de la décision du CRTC.
Pour la SRC, « la décision du CRTC soulève des enjeux importants sur l’indépendance de notre journalisme », indique dans un courriel le premier directeur, promotion et relations publiques à Radio-Canada, Marc Pichette. C’est la raison pour laquelle, ajoute-t-il, « la Société fait appel de la décision » du CRTC.
Comme l’affaire est devant les tribunaux, M. Pichette précise que la Société Radio-Canada ne fera pas d’autres commentaires « au-delà de ce que nous avons affirmé dans notre déclaration du 13 juillet ».
Dans la déclaration du 13 juillet, Radio-Canada reconnaissait toutefois que « le "mot en n" est une insulte raciste et blessante, en français et en anglais ». Mais la Société expliquait aussi que « dans les rares occasions où ce mot est utilisé par une organisation médiatique, il doit être mis en contexte afin d’essayer de minimiser le mal que son utilisation pourrait causer ».
Radio-Canada avait donc présenté ses « excuses à la personne qui a déposé une plainte », Ricardo Lamour, mais soulignait du même souffle que « nous devons faire appel (de la décision) quant au droit juridictionnel du CRTC de prendre des décisions qui devraient relever de nos chefs des nouvelles. L’indépendance journalistique est primordiale pour l’ensemble d’entre nous », peut-on lire dans la déclaration.
La SRC considère que « le CRTC a outrepassé ses pouvoirs en ce qui a trait à l'indépendance du diffuseur public ». C’est dans ce contexte que Radio-Canada a décidé de porter la décision du CRTC devant la Cour d’appel fédérale, qui accueille favorablement cette demande.
La plainte d’un auditeur
L'affaire remonte au mois d’août 2020. Durant un segment de l’émission Le 15-18 animée par Annie Desrochers sur ICI Radio-Canada Première dans le Grand Montréal, le chroniqueur Simon Jodoin a utilisé à quatre reprises le « mot en n ». Le chroniqueur partageait son avis sur l’acceptabilité sociale de nommer le titre du livre de Pierre Vallières, Nègres blancs d’Amérique, après le lancement d’une pétition exigeant le renvoi d’une professeure de l’Université Concordia qui avait cité l’ouvrage en classe.
Irrité par l’emploi du « mot en n », l’auditeur à l'origine de cette décision, Ricardo Lamour, a d’abord porté plainte au Conseil et à l’ombudsman des services français de la SRC. La plainte a été transmise à la première cheffe de contenu de l’émission. Le plaignant y condamnait la mention du titre complet de l’œuvre et l’absence de mise en garde et d’explications sur la charge du mot.
Le plaignant, insatisfait de la réponse qu’il a obtenue de la cheffe de contenu de l’émission, s’était alors adressé à l’ombudsman des services français de Radio-Canada pour obtenir une révision. Celui-ci avait conclu que la SRC n’avait pas contrevenu aux normes et pratiques journalistiques de Radio-Canada dans le cadre de cette chronique.
M. Lamour s’était donc tourné vers le CRTC pour obtenir un réexamen de la décision de l’ombudsman de la SRC.
Dans sa décision rendue le 29 juin dernier, le CRTC a blâmé la SRC pour l’utilisation répétée du « mot en n » durant une émission radiophonique et a exigé que le diffuseur public offre des excuses écrites publiques, ainsi qu’un plan pour éviter que pareille situation ne se reproduise.