L'Actualité et La Semaine invités au procès de PKP

David Santerre - Ruefrontenac
2010-11-24 08:30:00
En matinée, les avocats du chef de l’empire Quebecor, Mes James Woods et Richard Vachon, ont demandé au juge la permission de rouvrir le procès qui s’était clos la veille et de faire entendre trois nouveaux témoins.
Cette requête fait suite aux commentaires inquiets formulés par le juge la veille, lui qui avait exhibé deux récentes unes de magazines, soit L’actualité et La Semaine, consacrées à l’empereur.
La première faisait état de son règne autoritaire et tout-puissant sur l’empire fondé par son père, avec en plus un billet dévastateur sur Péladeau rédigé par une ancienne rédactrice en chef du Journal de Montréal, Paule Beaugrand-Champagne.
Le second consistait en un reportage judiciaire, écrit par l’auteur de ces lignes embauché à la pige l’instant d’une publication, sur le procès opposant les deux tsars médiatiques du Québec. Avec la une montrant Péladeau et sa conjointe tout sourire lors d’un événement mondain bien plus joyeux que ce procès qui dure depuis 10 jours.
Le juge, bien qu’aucun des deux magazines n’appartiennent à Quebecor, L’actualité appartenant à Rogers et La Semaine à Claude J. Charron, se demandait si Pierre Karl aurait pu avoir le bras assez long pour commander ses articles le concernant et redorer son image. Une analyse étonnante puisque outre la une de La Semaine, aucun des deux textes n’est particulièrement élogieux à son égard.
Me Woods a décidé de faire entendre les responsables des deux publications pour écarter toute confusion dans la tête du magistrat.
«Pourquoi les quotidiens et pas nous?»
Claude J. Charron s’est donc amené dans le box des témoins pour, étonnamment, livrer un témoignage à la faveur de la prétention de son rival Péladeau.
M. Charron a expliqué au juge qu’après avoir travaillé pour Pierre Péladeau dans les années 1960, il avait fondé le magazine Le Lundi en 1977, qu’il a vendu en 1984 à Jacques Francœur. Éventuellement, la publication allait échoir aux mains de Quebecor.
Après la vente, il a pris cinq ans de «sabbatique», période au cours de laquelle il respectait en réalité une clause de non-concurrence signée avec les acheteurs du Lundi.
Cinq ans, top chrono, plus tard, il lançait le 7 jours, «une version améliorée du Lundi» selon ses dires, pour encore vendre en 2000, à TVA cette fois. Peu après, TVA allait passer sous la gouverne de Quebecor lorsque celle-ci a acheté Vidéotron avec le concours de la Caisse de dépôt et de placement du Québec.
S’ensuivirent cinq autres années de «sabbatique», clause de non-concurrence oblige, puis il créa La Semaine en 2005. «Une version améliorée du 7 jours», précisa-t-il au juge sans surprise.
«Vous avez dans les mains le Paris Match du Québec», ajouta-t-il.
Au sujet de l’article, il a juré que rien n’avait été organisé, au contraire, et il savait au surplus que l’auteur du reportage (l’auteur de ces lignes, NDLR), qu’il ne connaissait pas, était un reporter judiciaire à l’emploi de RueFrontenac.com et un lock-outé du Journal de Montréal.
Quant à la une, ce qui a surtout fait réagir le juge, il a précisé que c’est lui qui l’avait choisie.
«Vous avez une animatrice d’émission de télé qui fait deux millions de cote d’écoute, vous avez un personnage qui s’appelle Pierre Karl Péladeau. Vous êtes le Paris Match québécois, qu’est-ce qui mérite la une?» a-t-il expliqué au juge, expliquant que traiter des sujets qui font jaser «dans les familles» a toujours été son objectif.
«J’ai lu tout ça et c’était absolument bien fait. Les quotidiens en parlent, les télés en parlent, pourquoi ne pourrions-nous pas en parler?» a-t-il plaidé.
Il a conclu en disant que de toutes façons, selon lui, un juge se devait d’être imperméable à tout article concernant la cause qu’il préside.
Trois refus de PKP
Puis, l’éditrice et rédactrice en chef de L’actualité, Carole Beaulieu, est venue à son tour défendre son magazine de toute influence du chef de Quebecor.
«L’idée de ce reportage nous est venue en juin 2010, quand Quebecor a annoncé qu’elle lancerait une chaîne de télé surnommée la Fox News du nord», a-t-elle expliqué.
Elle a ajouté que le journaliste Jonathan Trudel avait alors suggéré de faire un portrait de Péladeau, alors qu’approchait le dixième anniversaire de l’achat de Vidéotron.
Preuve que l’homme d’affaires n’a pas demandé cet article, elle dit que M. Trudel a essuyé trois refus d’entrevue de la part de la garde rapprochée de Pierre Karl Péladeau.
«Mais on est entêtés, et on peut décider de faire des portraits même sans la participation du sujet. (…) J’ai approché Luc Lavoie, qui est un ami (de M. Péladeau) et je lui ai expliqué ce que nous voulions faire; Luc Lavoie devait faire des représentations auprès de M. Péladeau, et ça a marché», a récité Mme Beaulieu.
Le journaliste l’a ainsi interviewé le 30 juillet dernier, pendant une heure et demie, en vue d’une publication dans le numéro de novembre du mensuel.
Les avocats des deux parties feront entendre leurs plaidoiries mercredi au juge Larouche, question de la convaincre du bien-fondé ou non de la réclamation de Péladeau, qui demande à Lafrance 700 000$ en dommages pour l’avoir comparé à un voyou dans un article du Devoir en janvier 2007.
Note
Cet article a été publié sur RueFrontenac.com. Il est reproduit ici avec l'autorisation de l'auteur.