Une juge sous enquête disciplinaire essuie un revers

Élisabeth Fleury
2025-08-19 15:00:58

Le juge Patrick Girard a confirmé une décisiondu Conseil de la magistrature, qui a refusé de scinder l’enquête disciplinaire d’une juge de la Division des petites créances.
La demanderesse, la juge Brigitte Gouin, était représentée par Mes Raymond Doray et Catherine Pariseault, de Lavery, alors que le Conseil de la magistrature et son Comité d’enquête étaient représentés par Mes Emmanuelle Rolland et Marc-André Grou, d’Audren Rolland.
La juge Gouin réclamait que son enquête disciplinaire se fasse en deux étapes distinctes : une pour déterminer si elle a commis des manquements déontologiques, et une seconde pour déterminer la sanction. Elle souhaitait pouvoir plaider la question de la sanction seulement après avoir été informée des manquements qui pourraient lui être reprochés.
Le contexte: une plainte pour un ton « démesuré »

L'affaire fait suite à une plainte déposée par des justiciables à la suite d'une audience à la Division des petites créances, en avril et octobre 2022. Les plaignants reprochent à la juge Gouin d'avoir utilisé un ton « démesuré, inacceptable, intransigeant, impatient et inutilement agressif ».
Selon la plainte, la juge aurait interrompu un plaideur nerveux en lui rappelant qu'il n'y a pas d'avocats aux petites créances et qu'elle était une « vraie juge », ce qui aurait intimidé les plaignants.
Après une analyse initiale, le Conseil de la magistrature a jugé que le ton et les déclarations de la juge pouvaient être problématiques et a constitué un Comité d'enquête pour faire la lumière sur la situation.
Les positions des parties: justice en une ou deux étapes?
La juge Gouin a plaidé que l'équité procédurale exigeait une scission de l'enquête. Selon elle, il serait injuste de devoir présenter ses arguments sur une éventuelle sanction sans connaître les griefs exacts retenus contre elle.
Cette situation est d'autant plus délicate qu'elle a déjà fait l'objet d'une autre plainte, la rendant potentiellement en situation de récidive, ce qui pourrait influencer la sanction, a-t-elle fait valoir.
Selon la demanderesse, le processus disciplinaire devrait permettre de faire valoir une défense éclairée et non spéculative.
En décembre 2022, le Comité d’enquête a recommandé au Conseil de la magistrature d’adresser une réprimande à la juge Brigitte Gouin pour son attitude « inappropriée » lors d’une audience à la Division des petites créances.
De son côté, le Conseil de la magistrature a soutenu que les règles d'équité procédurale ne requièrent pas une telle division, tant que la juge a l'opportunité de se faire entendre sur la question des sanctions.
Le Conseil a également plaidé qu'une enquête en deux parties nuirait à la célérité et à l'efficacité du processus, ce qui pourrait miner la confiance du public envers l'institution judiciaire.
Selon lui, le préjudice allégué par la juge n'est pas « irrémédiable ». Le tribunal devrait à son avis faire preuve de retenue et ne pas intervenir dans une décision interlocutoire de l'organisme administratif.
La décision du tribunal
Après avoir déterminé qu’il y avait lieu « exceptionnellement » pour le tribunal d’exercer sa discrétion d’entendre le pourvoi en contrôle judiciaire de la demanderesse, le juge Patrick Girard a conclu que celle-ci était en mesure de saisir l’ensemble des conclusions d’inconduite susceptibles d’être tirées contre elle et d’y répondre adéquatement, tant sur les questions d’inconduites que de sanctions.
Selon lui, les règles de justice naturelle n'exigeaient pas une scission de l’instance afin de permettre à la demanderesse de faire ses représentations sur sanction à une étape ultérieure, et la décision du Comité d’enquête du 1er février 2024 ne constituait pas une violation de l’équité procédurale.
Droit-inc a invité les procureurs de la demanderesse à commenter la décision de la Cour supérieure mais n’avait pas eu de retour au moment de mettre cet article en ligne.