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Le manque de juges crée de la souffrance

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Didier Bert

2021-08-05 15:00:00

Un avocat tire la sonnette d’alarme sur la situation dans les tribunaux de droit civil...
Me Francis Hemmings. Source : LinkedIn
Me Francis Hemmings. Source : LinkedIn
L’avocat en litige civil et commercial Me Francis Hemmings partage son désarroi sur LinkedIn.

« Les rôles des tribunaux explosent. Personne n'en parle. Tout le monde s'en fout. Pourquoi? Pourquoi l'accès à un juge n'est-il pas important? »

Contacté par Droit-inc, Me Francis Hemmings affirme qu’en droit civil, « il y a trop de causes et pas assez de juges pour les traiter. »

Le droit civil oublié

« Le système judiciaire québécois est réputé être d’une lenteur exceptionnelle. Le ministère de la Justice publie très peu de données, mais en moyenne, le temps pour obtenir le jugement sur le fonds à la Cour supérieure du Québec en droit civil est de deux ans… Quand ça se passe bien. Il faut ensuite exécuter le jugement », détaille Me Francis Hemmings, avant de comparer la situation canadienne avec les autres pays industrialisés.

« Dans les autres juridictions à l’extérieur du Canada, tout particulièrement dans les pays du G7, c’est la moitié du temps. »

L’avocat longueuillois croit que le droit civil est un grand oublié dans le système judiciaire. « L’arrêt Jordan a réglé de nombreux problèmes en droit criminel. Toutefois, presque rien n’a été fait pour le droit civil. »

Le manque de moyens, latent avant la pandémie, est devenu critique depuis 18 mois. « Avec la Covid, les litiges familiaux et les problèmes de santé mentale ont été exacerbés. Résultats, il y a des débordements tant en familial qu’en droit de la santé mentale. Ces litiges étant prioritaires, on relègue aux oubliettes les causes autrefois jugées pressantes comme celles portant sur l’inaptitude, etc. » observe Me Hemmings.

Quand le manque crée de la souffrance

L’allongement des délais au civil a des conséquences négatives, très concrètes, sur les citoyens. « Plusieurs causes dans lesquelles les clients souffrent considérablement et qui étaient autrefois jugées prioritaires sont entendues beaucoup plus tardivement, simplement parce qu’on manque de juges. Les juges sont débordés, alerte Me Francis Hemmings. Le manque de juges est particulièrement criant en région. »

L’avocat constate l’ampleur de cette souffrance. « L’impact se fait sentir en familial - incluant les enfants -, en santé mentale, à la DPJ, et en droit civil. Les gens souffrent dans l’attente, déplore-t-il. On dit souvent qu’il faut régler son litige. Oui, lorsque c’est possible. Mais parfois ça prend un décideur et le temps d’attente pour un procès au Québec est significativement plus long qu’ailleurs. Les enfants souffrent, les parents souffrent, les personnes âgées vulnérables souffrent, les gens ayant des problèmes de santé mentale souffrent, c’est le chaos : nous n’accédons pas au juge, car il n’y en a pas assez. »

Même les affaires les plus pressantes sont différées. « Une urgence devant être plaidée au stade provisoire a été reportée de 2 mois, relate-t-il. Récemment, dans un dossier de protection, j’ai fixé une date d’audition à la fin du mois de janvier 2021. En raison de l’excès de causes, j’ai été reporté à la fin du mois d’avril 2021 pour demande en cours d’instance. »

Me Francis Hemmings ne se montre guère optimiste. « Je n’ai pas espoir que ça se règle, lâche-t-il. Il manquait des gens avant la pandémie. La situation est toutefois beaucoup plus grave depuis. »



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7 commentaires
  1. Mès-Rhrines
    Mès-Rhrines
    il y a 3 ans
    Il a bien raison, Hemmings!
    Chapeau à lui et au journaliste qui s'est intéressé au sujet.

  2. Daniel Rolland
    Daniel Rolland
    il y a 3 ans
    Journaliste independant
    Cher maître
    On se fout de pas mal trop d'affaires dans la Belle Province. Même les policiers sont déprimés.
    Daniel Rollandm8x4u

  3. David Schulze
    David Schulze
    il y a 3 ans
    Une autre chose
    Nous avons adopté un modèle dans la procédure civile au Québec que j'appellerais "hurry up and wait": les avocats se dépêchent pour mettre leur dossier en état pour ensuite attendre très longtemps avant d'être entendus. À Vancouver, ça fonctionne plutôt à rebours : une date d'audience est fixée et les parties se préparent en conséquence. La divulgation de la preuve peut continuer jusqu'à la veille mais doit être terminée pour la date du procès.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 3 ans
      Stop and go
      Très belle analyze David, quoique je vous soumettrai qu'il y a aussi un énorme aspect "stop and go", surtout depuis l'avènement de ce très lourd protocole de l'instance qui n'a rien arrangé en soi si de faire plus de papier et de lourdeur.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 3 ans
      Le "Stop 'n go" devient du "Stop ou encore", en fonction des moyens du client !
      http://www.youtube.com/watch?v=uI3-1a2OpwA

  4. Francis Hemmings
    Francis Hemmings
    il y a 3 ans
    Données
    Pour avoir des données sur le sujet: https://canliiconnects.org/fr/commentaires/71705

  5. Aanonyme
    Aanonyme
    il y a 3 ans
    Protocole
    Le protocole d'instance est l'invention la plus ridicule du nCpc : on a aboli les défenses et les réponses pour tout inscrire en petit caractère dans un document qui est censé plutôt prévoir le déroulement des incidents et dont l'ajustement coûte juste des sous aux justiciables.

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