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Le palais de justice de Sept-Îles sous pression

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Radio Canada

2024-11-25 10:50:20

Le palais de justice de Sept-Îles connaît une hausse significative d'achalandage depuis l'année dernière…

« De la part de tout le système judiciaire, actuellement, il y a des craintes », admet Steeve Beaupré, le directeur du bureau d’aide juridique de Sept-Îles. Déjà aux prises avec une grave pénurie de main-d’œuvre, ce système fait face à une importante vague de dossiers à traiter, soulevée notamment par l’essor de la criminalité.

Steeve Beaupré. Source : Ma Côte-Nord

De plus en plus, les forces policières amènent aux procureurs de Sept-Îles des dossiers d’enquête et leur demandent d’intenter des procédures judiciaires, ce qui mène à une forte augmentation du nombre de dossiers ouverts.

Enfin, le nombre de chefs d’accusation autorisés par le DPCP met en lumière une augmentation de la criminalité dans le secteur, notamment en ce qui a trait aux voies de fait et à la possession ou l’utilisation illicite d’armes.

Entre le 1er janvier et le 19 octobre 2024, le nombre de demandes d’intenter des procédures judiciaires est passé à 1267, alors qu’il était de 862 durant la même période en 2023. C’est une augmentation fulgurante de 47 %.

Entre les deux mêmes périodes, le nombre de dossiers judiciaires autorisés est passé de 541 à 768; une augmentation de 42 %. Le nombre de chefs d’accusation, un bon indicateur du nombre de crimes commis dans le secteur selon le DPCP, a pour sa part augmenté de 47 %, en passant de 866 à 1277.

L’explosion de ces chiffres en a surpris plusieurs, notamment le bâtonnier du Barreau pour la Côte-Nord, David Héroux, qui se dit pourtant « conscient qu’il y a une hausse de la criminalité dans la région. »

David Héroux. Source : Radio-Canada / Catherine Paquette

Dans sa réponse à notre demande d’accès à l’information, le DPCP prévient que ces données pourraient être incomplètes. Le ministère public précise par ailleurs que l’autorisation d’un dossier ou d’un chef d’accusation n’arrive pas toujours la date même du crime. Certaines autorisations délivrées en 2024 pourraient donc concerner des crimes commis en 2023.

Un accès à la justice menacé

« Ça mène le poursuivant à faire des choix dans certains dossiers », poursuit M. Beaupré, qui brandit le spectre des arrêts Jordan. Le DPCP, selon lui, est poussé à choisir quels dossiers lui sont prioritaires, confronté à la possibilité d’interruptions des procédures en raison de délais trop longs.

Annie Landreville, la procureure en chef aux poursuites criminelles et pénales du Bureau de l’Est-du-Québec, confirme qu’un allongement des délais judiciaires pourrait être à prévoir à moyen-long terme. Elle reconnaît aussi que, quand les délais s’allongent et risquent de dépasser ceux prescrits par l’arrêt Jordan, certains dossiers sont effectivement priorisés.

Selon l’aide juridique et le Barreau du Québec, la situation risque aussi de nuire à l’accès à un avocat. David Héroux, le bâtonnier du barreau pour la Côte-Nord, envisage que des personnes pourraient échouer à être représentées dès les prochaines semaines.

Or, affronter le système judiciaire sans défense d’un avocat est risqué, selon M. Héroux : on ne connaît pas les droits, on ne connaît pas l’administration de la preuve, on ne connaît pas les moyens qu’on peut soulever en défense, explique-t-il.

Victime collatérale du crime organisé

« Le conflit armé dans l’Est est assurément responsable d’une portion de cette augmentation dans les charges du palais de justice de Sept-Îles », affirme Annie Landreville.

Le DPCP reste toutefois prudent par rapport aux données, et précise que « la recherche de leurs causes sous-jacentes relève plutôt du domaine de la science criminologique ».

Une attention pointue des chefs d’accusation permet de relever une hausse plus importante que la moyenne en ce qui concerne les crimes contre la personne, mais aussi la possession et l’utilisation illégale d’armes.

Le nombre de chefs d’accusation liés à des voies de fait, à des agressions armées ou à des lésions corporelles est passé de 209 (entre le 1er janvier au 19 octobre 2023) à 356 (entre le 1er janvier au 19 octobre 2024), une hausse de plus de 70 %.

La violence par armes à feu, elle aussi, se fait sentir dans les données du DPCP, alors que les infractions qui y sont associées ont plus que doublé, passant de 19 à 49 pour les mêmes périodes.

Les mains liées, en pleine pénurie de main-d’œuvre

Le DPCP compte sur les services de sept procureurs, qui verront vraisemblablement leurs charges augmenter. Or, le bureau de l’Est-du-Québec se voit dans l’impossibilité de procéder à de nouvelles embauches.

En effet, Mme Landreville note que le ministère public, comme plusieurs organismes gouvernementaux, est frappé depuis le 1er novembre d’un gel de recrutement.

Pour sa part, le Barreau du Québec a lancé une campagne de recrutement pour attirer des avocats dans la région. Le Barreau est très préoccupé par le manque de relève en région, insiste M. Héroux.

« Dans quelques années, si on n’attire pas de personnes pour remplacer les avocats qui partiront à la retraite, on va avoir des problèmes plus sérieux qu’actuellement », appréhende-t-il.

David Héroux, dans sa campagne de recrutement, met l’accent sur la qualité de vie sur la Côte-Nord. Il souligne aussi que l’un des avantages que trouveront les jeunes avocats à venir s'installer dans la région, c’est le développement de leur carrière. Il y a vraisemblablement beaucoup de travail.

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