Les tarifs d’aide juridique s’invitent dans un procès pour homicide involontaire
Florence Tison
2020-11-03 14:15:00
L'audience portait sur la demande en rejet du procureur général dans le dossier de Michée Roy à la Cour supérieure. M. Roy est accusé d’avoir causé la mort de son bébé en le secouant en 2015, et avait écopé d’une peine de 12 ans lors de son premier procès.
Son avocat Me Félix-Antoine Doyon avait obtenu en mars 2019 que M.Roy subisse un nouveau procès, à la lumière d’une preuve nouvelle qu’il a fallu près de deux ans à compiler, faute de ressources. L’avocat avait jusque là consacré gratuitement quelque 200 heures à ce dossier.
C’est dans ce contexte que Me Doyon a présenté en 2019 une demande en inconstitutionnalité du tarif d'aide juridique ainsi qu’une ordonnance pour une réforme complète des tarifs de l’aide juridique.
« Dans un dossier complexe, il faut préparer notre dossier pour répondre aux exigences des tribunaux. Or, on n'est pas payé pour cette préparation. On est simplement payé pour faire acte de présence à la cour. Dans la mesure où notre nom apparaît dans un procès verbal, que ça dure 15 minutes ou six heures, le tarif est le même. Alors, nous, on se retrouve à financer littéralement nos dossiers » expliquait alors l’avocat à Droit-inc.
Le procureur général du Québec conteste l’opportunité de la demande, et maintient que légalement, les tribunaux ne peuvent pas décréter comment le gouvernement du Québec devrait dépenser ses argents.
« Cette requête-là, c’est la boîte de Pandore, c’est carrément une brèche qu’on ouvre dans la séparation des pouvoirs », a plaidé lors de l'audience le représentant du procureur général Me Jean-François Paré.
« On veut ni plus ni moins envoyer ce dossier-là au fond pour pouvoir discuter sur la place publique, a poursuivi Me Paré. Ce sont des intérêts purement économiques qui sont en jeu en ce moment. Les injustices qui sont clamées, peut-être à raison, concernent les avocats. »
L'AQAAD, l'AADM et l'AADQ interviennent
Après l’attribution d’une allocation spéciale, Me Félix-Antoine Doyon est de retour à la barre pour défendre Michée Roy. Son second procès débutait ce lundi au palais de justice de Sherbrooke.
Le procureur général affirme depuis que la demande en inconstitutionnalité est désormais sans objet, puisque Me Doyon a reçu une allocation spéciale pour ses services.
Au contraire, le combat pour les tarifs d’aide juridique de Me Doyon n’est pas terminé, et ce même si le ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette a annoncé le 2 octobre dernier que les tarifs de l’aide juridique seront bonifiés.
« Il y a eu une entente pour améliorer ou augmenter certains tarifs de façon négligeable. Ce que nous prétendons, c’est que le système doit être complètement remanié pour assurer une représentation adéquate. Ce n’est pas en augmentant les tarifs de 5 $ de l’heure qu’on va accomplir ça », estime l’associé du cabinet IMK Me Doug Mitchell, qui vient en aide pro bono dans le recours juridique de Me Doyon et de l’Association québécoise des avocats et avocates de la défense (AQAAD).
Le Barreau, l’AQAAD, l'Association des avocats et avocates de la défense de Montréal (AADM) et l'Association des avocats et avocates de la défense de Québec (AADQ) entendent bien pouvoir donner le point de vue de leurs membres quant à la déclaration d’inconstitutionnalité demandée par Me Doyon.
« Devant l'intervention des associations, le PG a déposé une demande en rejet, plaidant que la question est théorique et que les associations n'ont pas l'intérêt pour ester dans ce dossier », déplore Me Éliot Girard Tremblay de Guérin Tremblay Blouin Morneau dans un courriel adressé aux membres de AADQ et obtenu par Droit-inc.
Les associations ont plaidé leur cause, et la décision de la juge Manon Lavoie dans ce dossier devrait tomber à la fin de ce mois-ci ou au début de décembre.
Anonyme
il y a 3 ansLà où n'importe quel quidam aurait été extradé depuis longtemps, on est en train de voir le vent tourner dans l'affaire Wanzou, qui se distingue principalement par les moyens colossaux dont dispose la défense.
Le fait qu'il s'agisse d'une affaire d'extradition n'est pas banal non plus sur le plan symbolique. Cela met en lumière que l'état Canadien peut, sans état d'âmes, livrer en patûre un justiciable à un état étranger sans que la demande de ce dernier ne soit sérieusement scrutée, et sans aucune forme de garantie sur la suite du processus. Tout ça n'est pas très cohérent, pour un pays qui se targue d'être un champion des garanties constitutionnelles (entre autre en matière pénale).
L'affaire Wanzhou met en première page des journaux une réalité autrement occulté quotidiennement dans le cas de 99% des justiciables: pas d'argent, pas de justice. Jusqu'ici cette réalité n'a pas empêché de dormir la machine judiciaire, qui elle aussi fonctionne sans état d'âmes (sauf quant il est question de pondre un jugement phare à la demande de groupes minoritaires s'opposant à la volonté d'un gouvernement démocratiquement élu).