Point Fort

Dominic Jaar
2011-01-25 10:15:00
En fait, Me Lucas a tout à fait raison ! Par contre, ce puissant argument devrait plutôt pousser l'avocat à utiliser ces outils de nature à l'aider à représenter efficacement ses clients, qu'à soulever une objection.
Cette dernière se fondait semble-t-il, entre autres, sur l’article 17 du règlement de procédure civile, qui édicte :
« Après émission du certificat d'état de cause, nul autre document, extrait de témoignage, rapport ou autre pièce ne sera produit sans la permission du tribunal, laquelle ne sera accordée que s'il le considère nécessaire dans l'intérêt de la justice et aux conditions estimées justes. »
Le juge Godbout a volontier accepté la patère qu’on lui offrait en concluant que « vu la complexité du sujet traité, il est dans l'intérêt de la justice d'en faciliter la présentation, et le document sera admis».
Par ailleurs, au-delà des motifs derrière cette décision juste, il faut s’interroger quant à l’applicabilité même du règlement. Une telle objection me rappelle celles formulées par certains avocats lorsqu’un plaideur propose un plan d’argumentation écrit au juge, en sus de la plaidoirie orale, afin de faciliter sa compréhension et l’aider dans la rédaction de son jugement.
Quant à moi, rien n’empêche une telle façon de procéder et les procureurs qui choisissent de ne pas adopter cette pratique ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Depuis quand est-il interdit d’aider le tribunal ? N’est-ce pas là l’un des rôles de l’officier de justice ?
Malgré tout, j’admettrai que, dans ce cas, il est question d’un support utilisé par un témoin expert. Il est bien connu qu’un expert ne peut témoigner sans avoir préalablement déposé un rapport. On sait aussi que l’expertise vise normalement des sujets complexes, d’où la nécessité d’un expert et d’un rapport. Vu la nature et le contenu du témoignage d’un expert, ne va-t-il pas de soi qu’on s’assure de la compréhension de tous ?
Puisqu’une image vaut mille mots, l’usage d’un support visuel me semble tout à fait approprié. D’ailleurs, dans cette affaire, le juge a noté que « bien qu'il soit différent par sa forme du rapport déposé en cour, le document PowerPoint ne contient aucune nouvelle donnée. » Ainsi, est-il question d’un autre document ou d’une autre pièce comme s’y intéresse l’article 17 ? Je crois humblement que non. Il ne s’agit que d’une présentation dans une forme autre des documents et pièces déjà produites.
En fait, à de nombreuses reprises, j’ai moi-même utilisé un projecteur et un écran afin de présenter des pièces en preuve dans le cadre d’auditions. Dans chaque cas, il s’agissait d’éléments extraits de pièces déjà produites : une clause provenant d’un contrat sur laquelle je désirais attirer l’attention du tribunal; un élément dans une photo qu’on devait agrandir pour y voir clair; etc.
En serait-il de même du support visuel utilisé par un témoin idoine ? Serait-ce là l’équivalent de notes, avec les règles y applicables? Encore une fois, il me semble que, dans la mesure où le témoin n’utilisait que des pièces déjà produites, cet usage serait tout à fait légitime. Plus encore, il devrait être encouragé!
Heureusement, il semble que dans le cadre de sa plaidoirie, Me Lucas se soit entendu et rendu à son puissant argument, ayant " laissé entendre qu'il pourrait demander des délais pour permettre à ses propres témoins d'utiliser eux aussi ce type de document."