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Procès Hockey Canada : les vidéos témoigneraient d’une incompréhension du consentement

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Radio Canada

2025-07-22 13:15:28

Des experts dénoncent un malentendu national sur le consentement. Le jugement à venir pourrait devenir une leçon juridique… bien au-delà de la patinoire.…

Dillon Dubé, Cal Foote, Alex Formenton, Carter Hart et Michael McLeod - Source : Radio-Canada

À quelques jours du verdict dans l’affaire Hockey Canada, des experts en droit affirment que les vidéos montrées en cour de la plaignante disant qu’elle était d’accord avec ce qui s’était déroulé témoignent d’une mauvaise compréhension, à une échelle plus large, du consentement et de la loi en matière d'agression sexuelle au pays.

Deux vidéos captées par des téléphones cellulaires dans lesquelles elle dit qu’elle était d’accord avec ce qui s’est passé et que « tout était consensuel » ont été présentées en preuve lors du procès de Michael McLeod, Carter Hart, Alex Formenton, Dillon Dubé et Callan Foote.

Les cinq hommes ont plaidé non coupables à un chef d’accusation d’agression sexuelle après une rencontre dans un hôtel de London, en Ontario, le matin du 19 juin 2018. Michael McLeod a aussi plaidé non coupable à une accusation supplémentaire de participation à l’infraction.

Jeudi, la juge de la Cour supérieure de l’Ontario Maria Carroccia rendra son verdict dans ce dossier dans lequel le consentement est au cœur de l’affaire.

Un consentement volontaire?

Les procureurs ont fait valoir que la plaignante n’a pas participé de façon volontaire aux actes sexuels qui ont eu lieu ce soir-là et que les joueurs n’ont pas pris des mesures raisonnables afin d’obtenir son consentement.

La Couronne a décrit les vidéos de la femme comme des « paroles en l’air ». Selon les procureurs, la victime présumée n’avait pas le choix de dire qu’elle était d’accord lorsqu’un groupe d’hommes qu’elle ne connaissait pas ont commencé à lui demander de faire des choses dans une chambre d’hôtel. Les avocats de la défense, en revanche, ont à plusieurs reprises remis en question la crédibilité de la plaignante et sa fiabilité en tant que témoin. Ils estiment qu’elle a participé de façon active aux actes sexuels et qu’elle a inventé les allégations puisqu’elle ne voulait être tenue responsable de ses actions ce soir-là.

« Pas très pertinent »

Des déclarations vidéo comme les clips montrés en cour ne représentent pas nécessairement un consentement, d’après la professeure de droit Daphne Gilbert, de l’Université d’Ottawa.

« Légalement parlant, elles ne sont pas très pertinentes, car le consentement doit être obtenu de façon continue et concomitante avec les activités sexuelles et vous devez consentir à toutes les choses qui surviennent », explique la professeure Gilbert, qui effectue des recherches sur la violence sexuelle et l’abus dans le sport canadien.

« Le consentement préalable n’existe pas, tout comme le consentement après les faits. Ce n’est pas consensuel parce que vous avez dit que "tout était consensuel" », dit-elle.

Lisa Dufraimont, professeure de droit à l’Université York, dit que ce type de vidéo pourrait aussi être perçue comme une forme de ouï-dire puisqu’elle ne contient aucune déclaration dite sous serment en cour.

« Si la plaignante vient à la barre durant le procès et témoigne qu’elle consentait à ce moment, cela prouve qu’elle consentait à ce moment », dit Lisa Dufraimont, qui fait des recherches sur l’enjeu de la preuve dans des cas d’agression sexuelle. Mais elle ajoute que les vidéos peuvent être utilisées pour d’autres arguments légaux, comme ceux qui requièrent une description de l’état d’âme du plaignant ou du défendeur au moment des faits. « Si la vidéo est filmée près du moment de l’agression sexuelle alléguée, elle pourrait témoigner du niveau d’intoxication d’une personne ou de leur état émotionnel, ce qui pourrait correspondre ou non à l’état émotionnel tel que décrit ultérieurement », dit-elle.

Pas une forme de consentement, dit la Couronne

Durant le procès, la Couronne a fait valoir que les vidéos ne prouvent pas que la plaignante a consenti de manière volontaire aux événements allégués. « L’enregistrement de la vidéo ne représente pas une forme de consentement. Tout était déjà arrivé », a mentionné la procureure Meaghan Cunningham au sujet de la vidéo dans laquelle la femme dit que « tout était consensuel ». Seul un des accusés, Carter Hart, a été appelé à la barre lors du procès. La cour a aussi entendu et regardé des entrevues réalisées par la police avec trois autres accusés en 2018 : Michael McLeod, Alex Formenton et Dillon Dubé.

Les personnes faisant face à des chefs d’accusation lors d’un procès ne sont pas obligées de témoigner et la défense n’a pas besoin de présenter de preuve. C’est à la Couronne de prouver la culpabilité d’un individu hors de tout doute raisonnable. Durant son entrevue avec la police, en 2018, Michael McLeod a dit au détective qu’il avait enregistré l’une des vidéos puisqu’il était « juste inquiet que quelque chose du genre se produise ».

À la barre, Carter Hart a quant à lui témoigné que les vidéos de consentement ne sont pas inhabituelles pour les athlètes professionnels. La professeure Gilbert, de l’Université d’Ottawa, estime que le Canada, de façon générale, doit en faire plus pour éduquer les jeunes en ce qui concerne le consentement, particulièrement dans le sport.

Le consentement doit être « enthousiaste, affirmatif, continu et cohérent », dit la professeure. « Je ne pense pas que les gens comprennent ce que requiert la loi. Si vous comprenez cela, ainsi que l’approche appropriée en matière de consentement, c’est plus facile de comprendre pourquoi ces vidéos ne veulent pas dire grand-chose ».

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