Procès Rozon : « La preuve est écrasante », plaide l’avocat des demanderesses

Radio Canada
2025-09-23 10:15:01
L’avocat des demanderesses dénonce un « one-man show » sans crédibilité et présente un portrait accablant de l’ex-magnat…

Les avocats des neuf femmes qui poursuivent Gilbert Rozon au civil pour agressions sexuelles alléguées ont plaidé lundi, à la reprise du procès, que la crédibilité du défendeur était « complètement nulle », tant ce dernier aurait menti à la cour.
Dans ce procès qui a débuté en décembre dernier en Cour supérieure du Québec, le fondateur de l'empire Juste pour rire est poursuivi pour près de 14 millions de dollars par neuf femmes qui allèguent avoir été agressées par l'ex-magnat de l'humour sur une période couvrant quelques décennies. Gilbert Rozon, 70 ans, nie toutes les allégations. Il soutient que les relations avec les demanderesses ont été consentantes ou qu’elles n’ont tout simplement pas eu lieu.
Il affirme en outre que les neuf femmes se sont inventé une vérité, qu'elles lui ont intenté un procès pour de l'argent et qu'elles ont échangé entre elles des informations de manière à contaminer leur témoignage.


Dans d'autres cas, celui de Guylaine Courcelles entre autres, il aurait profité de l'état de somnolence de cette dernière.
Certaines demanderesses étaient très jeunes, a poursuivi l'avocat; Sophie Moreau n'avait que 15 ans au moment des faits allégués. D'autres auraient été agressées au travail, comme Mary Sicari, qui prétend aussi avoir été harcelée pendant des années par Gilbert Rozon, alors son employeur. Je n'ai jamais été dans une situation où la preuve est aussi écrasante, a déclaré l'avocat Bruce Johnston.
L'avocat des demanderesses n'a eu de cesse d'attaquer la crédibilité de Gilbert Rozon, affirmant à la juge Chantal Tremblay qu'il y a tellement de mensonges faits sous serment (par Gilbert Rozon) que vous ne pouvez pas prendre quoi que ce soit de ce que dit le défendeur comme étant vrai. Comparant les 10 jours de témoignage du défendeur à un one-man show, Me Johnston a aussi dit qu'il avait été sans pertinence.

Le chemin de croix des demanderesses
Lors de son témoignage devant la juge Tremblay, Lyne Charlebois avait ainsi décrit sa motivation à l'égard de M. Rozon dans ce procès : Ce n'est pas pour l'argent, c'est pour que cet être-là l'admette et se fasse soigner. La citant, Me Johnston estime invraisemblable que les demanderesses aient pu dénoncer et s'engager dans un tel chemin de croix sans que ce qu'elles disent avoir subi soit vrai.
Deux autres procès intentés à Gilbert Rozon
L'avocat des demanderesses a aussi relevé des contradictions entre le témoignage livré par Gilbert Rozon dans le présent procès et l'exposé conjoint des faits qu'avaient livré la défense et la Couronne dans l'affaire du manoir Rouville-Campbell. Le fondateur de Juste pour rire avait plaidé coupable en 1998 de l'accusation d'agression sexuelle portée contre lui par une jeune croupière de cet établissement de la Montérégie, un plaidoyer de culpabilité que l'homme d'affaires déchu a dit « regretter », en juin dernier, devant la juge Tremblay.
L'homme d'affaires déchu avait par ailleurs été acquitté au terme du procès criminel pour agression sexuelle que lui avait intenté Annick Charrette. Une agression sexuelle est un mal qui est intentionnellement infligé à la victime et ça cause des dommages qui ne sont pas comparables aux dommages qui peuvent être causés par un accident, un acte non intentionnel, a fait valoir Me Johnston, lundi. Ce dernier a ajouté que des dommages, l'entourage des victimes en subissait aussi.
Gilbert Rozon se considère comme une victime

Comme il l'a fait à de nombreuses reprises durant ce procès civil, Gilbert Rozon s'est adressé aux journalistes, lundi, dans un couloir du palais de justice de Montréal. L'homme d'affaires déchu estime être traité injustement par les médias qui, dit-il, cancellent des gens pour la vie et les assassinent socialement.
Dans ce procès où des versions totalement contradictoires s'opposent, les tensions ont été nombreuses : lundi, alors que M. Rozon parlait aux journalistes, la demanderesse Lyne Charlebois lui a lancé et un viol, c'est quoi (...)? Elles sont agressives, a commenté Gilbert Rozon au sujet des plaignantes, avant de poursuivre sa tirade en affirmant que la juge au procès était sous pression médiatique. Toutefois, durant l'audience, à l'avocat Johnston qui évoquait les interventions faites par le défendeur en marge de son procès, la juge Tremblay a rétorqué : Je vais me limiter à ce que j'ai entendu dans cette salle.
Une clause du Code civil remise en question

Par ailleurs, le procès comporte un aspect constitutionnel puisque le défendeur conteste deux articles du Code civil qui l'empêchent, selon lui, d'avoir un procès juste et équitable. L'un de ces articles a aboli le délai de prescription en matière d'agression sexuelle. L'autre, l'article 2858.1 qui est entré en vigueur quelques jours à peine avant le début du procès, prévoit que les faits relevant de mythes, de stéréotypes et de préjugés sont présumés comme étant non pertinents.
Dans le présent procès, les neuf plaignantes ont renoncé à la protection conférée par l'article 2858.1 dans le cadre d'une requête en rejet d'appel. Lundi, Me Johnston a affirmé que ses clientes avaient fait preuve de transparence au point d'être un livre ouvert pour le tribunal. Elles ont dû se mettre à nu publiquement et ont vu des aspects très personnels de leur vie être discutés publiquement, a-t-il dit. En revanche, a-t-il poursuivi, qu'a fourni le défendeur quant à la liste d'engagements qui lui ont été demandés? Rien. Il n'avait pas de photos de la maison qu'il a pourtant habitée pendant 15 ou 20 ans, ou encore n'a été en mesure de fournir aucun de ses courriels, a dénoncé l'avocat. Mardi, la cour entendra la plaidoirie des avocats du défendeur et, à la fin de la semaine, ce sera au tour du procureur général du Québec de plaider.