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Qui veut plaider devant un juge «arrogant» et «exécrable» ?

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André Giroux

2010-05-26 10:15:00

L’affaire opposant Me Gilles Doré au juge Boilard revient sur le devant de scène …
Me Gilles Doré a en effet obtenu permission d’en appeler devant la Cour suprême du Canada.

Il a perdu devant toutes les instances inférieures.

Rappelons-le, l'avocat avait été radié du barreau 21 jours, une sanction confirmée en appel en janvier 2010, pour avoir adressé une lettre -privée - considérée comme injurieuse au juge Jean-Guy Boilard, devant lequel il avait plaidé en 2002 le premier mégaprocès avorté des Hells Angels.

Gagnera-t-il le match final?

À la demande du principal intéressé, la Cour d’appel avait tranché une seule question :

« Le juge de la Cour supérieure a-t-il eu raison de décider que la liberté d'expression, garantie par la Charte canadienne des droits et libertés, ne protégeait pas le Requérant lors de l'envoi de sa lettre à l'honorable juge Boilard ? »

Réponse : Oui, la Cour supérieure a eu raison.

« Outre les injures personnelles que contient la lettre, écrit le juge Rochon, dire d'un juge qu'il est « foncièrement injuste » c'est s'attaquer au fondement même du rôle d'un juge.

Qui veut plaider un dossier devant un juge « arrogant », « exécrable » et surtout « foncièrement injuste » ? »

En effet, qui?

Me Doré précisait envoyer sa lettre « à titre purement personnelle (sic), je ne vois nullement la nécessité d'en faire la diffusion. »
« J'ajoute un dernier commentaire quant au caractère privé de la lettre, rétorque le juge Rochon. (…) En raison du statut et de la fonction des parties en cause, l'auteur de la missive ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce que l'affaire s'arrête là et que la lettre demeure confidentielle. »

Ah bon!

De fait, la lettre a pris le chemin de la juge en chef et du Conseil de discipline du Barreau.

Paradoxe, le juge qui a tenu des propos excessifs dans le cadre d’un procès public pouvait quant à lui s’attendre à ce que le blâme qu’il recevait demeure confidentiel !

Brian Myles, journaliste au Devoir, a à l’époque rappelé les faits :

« Le juge Boilard se montre plutôt cinglant dans sa décision : «Une fois dégonflée de sa rhétorique ronflante et de l'hyperbole, il s'agit simplement d'une requête en cautionnement», écrit d'entrée jeu M. Boilard, qui se fait un devoir de souligner «l'outrecuidance» de Me Doré. »

« (Le juge) ne prête aucun fondement à la requête en arrêt des procédures de Me Doré, affirmant qu'elle est «non seulement surprenante, mais tout à fait ridicule. »

« Me Doré demande à ce que l'on note, à des fins d'enregistrement, que le juge Boilard ne l'a pas laissé plaider sa requête en totalité, écrit Brian Myles. Ce à quoi Me Boilard réplique: «Un avocat insolent est rarement utile à son client.» »

Tout cela en public et devant le client.

L’avocat porte plainte devant le Conseil de la magistrature. Une journaliste de Radio-Canada rend publique la réaction du Conseil. Le juge se récuse du procès des Hells Angels qu’il présidait alors.

Cette lettre du Conseil de la magistrature dit notamment ceci : bien que ne recommandant pas d’enquête « Le sous-comité a néanmoins conclu que certaines des remarques du juge concernant Me Doré étaient injustifiées et inacceptables. »

Toutefois, « Par respect pour la vie privée du plaignant et du juge, le Conseil (de la magistrature), de sa propre initiative, ne divulguera aucun détail au sujet d'une plainte ni sur la décision prise à l'égard d'une plainte. »

Bref, justice publique à l’égard d’une lettre privée; justice privée à l’égard de déclarations publiques pendant un procès.

La Cour suprême décidera-t-elle que Me Doré avait le droit d’envoyer sa lettre privée au juge Jean-Guy Boilard ?

À suivre.
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4 commentaires
  1. Me
    Me
    Concernant les commentaires de Me Doré envers le juge Boilard je suis à 100% d'accord.

    Rappelons que le juge Boilard a déjà décidé de quitter un mégaprocès il y a quelques années... juste comme ça, parce que ça le tentait, sans aucun motif sérieux. Alors disons que côté déonto, il n'a pas à nous enseigner quoi que ce soit.

  2. Paulette Giroux
    Paulette Giroux
    il y a 15 ans
    Le «juge-faucon»
    «Le juge Boilard s’emporte souvent, quelquefois jusqu’à la méchanceté» - par Yves Boisvert, le 21 octobre 1995. http://justice-qc.com/juge_faucon.htm

  3. André Giroux
    André Giroux
    il y a 15 ans
    Re : Me
    En fait, c'est la diffusion publique de la lettre du Conseil canadien de la magistrature par la journaliste Isabelle Richer (Radio-Canada)qui a amené le juge Boilard à se récuser.

    Par la suite, le Conseil canadien de la magistrature s'est penché sur la décision du juge Boilard de se récuser. Sa décision: "Le juge n’est tenu de consulter personne à cet égard, pas même son Juge
    en chef. En définitive, il appartenait au juge Boilard, et à lui seul, de décider, en toute
    bonne foi, s’il était capable de poursuivre l’instruction de l’affaire."

    La décision est accessible sur cette page: http://www.cjc-ccm.gc.ca/french/conduct_fr.asp?selMenu=conduct_inquiry_fr.asp

    > Concernant les commentaires de Me Doré envers le juge Boilard je suis à 100% d'accord.
    >
    > Rappelons que le juge Boilard a déjà décidé de quitter un mégaprocès il y a quelques années... juste comme ça, parce que ça le tentait, sans aucun motif sérieux. Alors disons que côté déonto, il n'a pas à nous enseigner quoi que ce soit.

  4. Me
    Me
    >>>>>>> En fait, c'est la diffusion publique de la lettre du Conseil canadien de la magistrature par la journaliste Isabelle Richer (Radio-Canada)qui a amené le juge Boilard à se récuser.


    On ne parle pas de la même chose. Le juge Boilard a déjà allègrement quitté un mégaprocès sans aucun motif. C'était au début de 2001, quelques années avant l'épisode de la lettre.

    Il s'est probablement récusé dans le dossier de la lettre; je ne suis pas au courant.

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