Zoom sur les courses aux procurations

Céline Gobert
2013-05-16 11:15:00

« Dans la première, l’actionnaire dissident sollicite des procurations pour voter contre une opération proposée par la compagnie, comme une transaction d’acquisition de vente qui nécessite l’approbation de l’actionnaire. Dans la seconde, l’actionnaire sollicite des procurations pour faire des changements au sein du CA».
Selon une récente étude de Fasken Martineau, ce ne sont pas moins de 101 courses aux procurations qui ont été réalisées au cours des cinq dernières années. Soit une hausse de 84% par rapport aux cinq ans précédents.
« On peut établir une corrélation, bien qu’il va falloir vérifier cela sur le long terme, entre l’augmentation des courses aux procurations et les marchés à la baisse. L’activisme augmente quand les marchés dépriment», explique Me Lapierre.
Autrement dit, un rendement qui fait grise mine est le terrain propice à ce type de pratiques.
« Lorsqu’il est moins satisfait des performances, l’actionnaire est davantage incité à prendre des mesures».
Il s’agit surtout, selon elles, du résultat de l’accent mis sur la gouvernance ces vingt dernières années.
Prendre le contrôle
Toujours au cours des cinq dernières années, le nombre de courses aux procurations relatives au conseil d’administration a progressé de 98%, renseigne l’étude.
Ces courses aux procurations relatives au conseil d’administration voient l’actionnaire dissident chercher à remplacer une partie ou la totalité des administrateurs, et ce afin de modifier la direction de la société visée, voire d’en prendre le contrôle.

« Ce ne sont pas Monsieur et Madame Tout le Monde qui se lancent là dedans, expliquent le duo, mais des actionnaires institutionnels, des gestionnaires de portefeuilles qui n’ont pas nécessairement des intérêts à long terme. Il faut être très bien financé…»
Comme ces actionnaires dissidents avec une grande participation, ou ceux qui ont recours à des tactiques «tout ou rien», en cherchant à faire remplacer tous les membres du conseil, indique l’étude.
L’utilisation des médias dans une bataille de procurations peut être un élément de tactique important, explique Me Neveu.
« Des achats de pages de publicités par exemple, ou des entrevues avec des journalistes. Il n’y a plus vraiment de profil type des actionnaires dissidents, on a bien vu que les entreprises de toute taille peuvent être visées, ce qui n’était pas le cas avant.»
Celle, très médiatisée, entourant Canadien Pacifique en 2012 par exemple où « la campagne d’activisme actionnarial avait été minutieusement orchestrée» ou encore via «des batailles publiques qui ont éclaté au sein d’autres géants canadiens, comme RONA et Agrium».
Aujourd’hui, comme l’expliquent les deux expertes, les actionnaires n’hésitent plus à exprimer leur dissidence et à « aller jusqu’à l’ultime».
Ce que cela va changer
« Il s’agit d’une nouvelle forme de dossier pour les avocats que l’on ne faisait pas auparavant, et où l’on travaille conjointement avec les avocats en valeurs mobilières et en litiges …», indiquent les deux associées de Fasken.
Est-ce que l’augmentation du nombre de courses aux procurations annonce un changement dans les relations entre actionnaires et dirigeants des sociétés ?
« Oui ! répondent Mes Neveu et Lapierre, un changement majeur et à ne pas sous-estimer est que cela force les directions de société à maintenir un dialogue avec les actionnaires, à bien connaître sa base d’actionnaires, et ce au-delà de leur Assemblée annuelle. »
Avant, cela « n’allait pas de soi», pour certaines entreprises, disent-elles.
« Cela peut amener vers une conciliation des intérêts entre les diverses parties prenantes car plus les gens expriment leur mécontentement, plus il faut en tenir compte et balancer les intérêts de chacun vers un résultat de compromis», dit Me Neveu.
Dans tous les cas, une chose est sûre: plus personne n’est à l’abri…
Pour lire l’intégralité de l’étude de Fasken, c’est ici.