Hausse des tensions commerciales sur l’acier et l’aluminium

Collectif D'auteurs
2025-08-27 11:15:14

Les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis continuent d’évoluer rapidement. Parmi les événements récents, citons l’augmentation des droits de douane américains sur certains produits canadiens et l’adoption par le Canada d’une série de mesures de protection de grande envergure visant à soutenir les industries de l’acier et de l’aluminium du pays.
Nous examinons ci-dessous chacune de ces mesures en détail, en soulignant les principaux changements et leurs implications.
L’administration Trump augmente le taux de ses droits de douane « relatifs au fentanyl » pour le Canada
Le 1ᵉʳ août 2025, l’administration Trump a fait passer les droits de douane sur les importations canadiennes de 25 % à 35 %, citant l’échec présumé du Canada à endiguer le flux de drogues illégales, dont le fentanyl, vers les États-Unis ainsi que les représailles du Canada aux droits de douane initiaux de 25 %.
Ces droits de douane relatifs au fentanyl sont imposés en vertu de l’International Emergency Economic Powers Act, une loi fédérale américaine adoptée en 1977. L’utilisation de cette loi pour imposer des droits de douane continue de faire l’objet d’appels devant les tribunaux américains. L’administration Trump avait initialement signé le décret-loi imposant des droits de douane de 25 % au Canada et au Mexique le 1ᵉʳ février 2025, mais, après des négociations, elle avait retardé leur entrée en vigueur au 4 mars 2025.
Le 6 mars 2025, l’administration Trump a accordé une exemption des droits de douane pour les marchandises conformes à l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) de libre-échange. Les marchandises conformes à l’ACEUM continuent d’être exemptées des droits de douane américains. Pour bénéficier de ce traitement préférentiel, les marchandises doivent satisfaire aux règles d’origine de l’ACEUM.
Il est difficile de quantifier avec précision la proportion des exportations du Canada vers les États-Unis conformes à l’ACEUM ou qui pourraient l’être. Selon des rapports récents, une grande majorité (à savoir 90 %) des exportations actuelles répondent aux critères de l’ACEUM et sont donc exemptées des droits de douane américains relatifs au fentanyl. En revanche, les États-Unis n’accordent pas de traitement préférentiel aux produits soumis à des droits de douane sectoriels imposés selon l’article 232 du Trade Expansion Act of 1962.
Par conséquent, des droits de douane continuent à s’appliquer à ces marchandises, même lorsqu’elles sont entièrement produites en Amérique du Nord. Précisons que les droits de douane relatifs au fentanyl sont distincts des droits de douane sectoriels supplémentaires imposés selon l’article 232 du Trade Expansion Act of 1962, lesquels s’appliquent aux produits de l’acier, de l’aluminium et du cuivre, même s’ils sont couverts par l’ACEUM. Le gouvernement canadien continue de travailler à la conclusion d’un accord avec l’administration américaine en vue de supprimer ou de réduire les droits de douane, même si la date butoir révisée du 1er août 2025 pour en arriver à une entente n’a pas été respectée.
Les récentes déclarations du premier ministre Mark Carney et du président Trump semblent indiquer que la conclusion d’un accord commercial avec les États-Unis ne semble pas imminente. Il n’est pas encore clair si le gouvernement du Canada a l’intention d’augmenter ses droits de douane de contrepartie sur les marchandises américaines, mais s’il choisissait de le faire, les importateurs canadiens doivent savoir que les droits de douane sur les importations d’acier pourraient atteindre jusqu’à 50 % afin d’égaler ceux actuellement imposés par les États-Unis.
Les droits de douane imposés au Canada par les États-Unis font partie d’un ensemble de mesures tarifaires beaucoup plus vaste
En plus de l’augmentation des droits de douane relatifs au fentanyl, il y a eu deux autres développements majeurs concernant les droits de douane américains. Tout d’abord, le 1ᵉʳ août 2025, l’administration Trump a annoncé l’imposition de vastes droits de douane à la plupart de ses partenaires commerciaux, également en vertu de l’International Emergency Economic Powers Act.
Ces droits de douane, qualifiés de « réciproques » par l’administration américaine, entrent en vigueur le 7 août 2025. Afin de les réduire, de nombreux pays s’empressent de conclure des accords commerciaux avec les États-Unis. Ensuite, toujours le 1er août 2025, l’administration Trump a également annoncé des droits de douane de 50 % sur certaines importations de cuivre, invoquant des préoccupations en matière de sécurité nationale.
Ces tarifs douaniers s’appliquent au Canada et, étant donné qu’ils sont imposés selon l’article 232 du Trade Expansion Act of 1962, ils ne peuvent pas faire l’objet d’une exemption au titre de l’ACEUM.
Le Canada prend des mesures pour protéger ses producteurs d’acier
Le Canada a récemment dévoilé un nouveau système de contingents tarifaires (« CT ») sur ses importations d’acier et annoncé que des droits de douane supplémentaires seront appliqués à l’acier et à l’aluminium chinois afin de soutenir les producteurs canadiens de ces industries, comme nous le soulignions dans un bulletin précédent.
Ces CT ont été modifiés le 31 juillet 2025, et une surtaxe supplémentaire sur l’acier fondu et coulé en Chine et sur l’aluminium fusionné et moulé en Chine a également été mise en place.
Modifications apportées au système de CT du Canada pour les produits de l’acier
Le 27 juin 2025, le Canada a pris un décret (le « décret sur les CT ») imposant aux pays non signataires d’un accord de libre-échange (« ALE ») avec le Canada des contingents tarifaires sur cinq catégories de produits de l’acier (produits plats, produits allongés, produits tubulaires, produits semi-finis et produits en acier inoxydable).
En vertu de ce décret sur les CT, une surtaxe de 50 % s’appliquera sur les importations de ces produits de l’acier dépassant le CT prévu et provenant des pays non signataires d’un ALE. Ce CT est déterminé en fonction des importations totales de 2024 pour chaque catégorie de produits. Les CT ont été expressément mis en place pour faire face au risque de détournement des produits de l’acier vers le marché canadien en provenance de pays dont les exportations d’acier sont touchées par les mesures commerciales restrictives prises par les États-Unis.
En d’autres termes, le Canada cherche à protéger son marché des produits exclus des États-Unis en raison des droits de douane américains. Le 1er août 2025, le Canada a apporté des modifications au décret sur les CT (les « modifications apportées aux CT ») dans le but d’élargir ses contingents tarifaires aux pays signataires d’un ALE avec le Canada (à l’exception des États-Unis et du Mexique, qui restent exemptés).
La surtaxe qui s’applique aux marchandises importées au-delà du CT est également de 50 %. Toujours dans le cadre des modifications apportées aux CT, le CT a également été réduit de moitié pour les pays non signataires d’un ALE. Il est désormais fixé à 50 % des volumes de 2024, évalués et appliqués trimestriellement. Alors que le décret sur les CT initial permettait de reporter au trimestre suivant les parties non utilisées des contingents tarifaires trimestriels, cette possibilité a été abolie par les modifications apportées aux CT.
Ces modifications introduisent également des changements dans la répartition du contingent entre les différents produits de l’acier. Alors que le décret sur les CT initial comportait cinq grandes catégories de marchandises soumises aux CT, les modifications prévoient dorénavant un ensemble plus étoffé de 23 catégories de produits de l’acier soumises chacune à un CT distinct. Cette nouvelle mesure s’applique à la fois aux pays signataires et non signataires d’un ALE avec le Canada.
L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a publié l’Avis des douanes 25-24, qui décrit les modalités de mise en œuvre du décret sur les CT et de ses modifications, notamment les exigences en matière de déclaration, la manière de calculer la surtaxe à partir de la valeur en douane et les types de documents acceptés comme preuve d’origine (par exemple, une facture commerciale ou une facture des douanes canadiennes).
Les modifications apportées aux CT prévoient que la surtaxe de 50 % appliquée aux importations d’acier dépassant le volume du CT d’un pays ne s’ajoutera pas aux autres surtaxes applicables; seule la surtaxe sur les CT s’appliquera. Autrement dit, les différentes surtaxes sur l’acier ne sont pas « cumulables ».
Surtaxe sur l’acier fondu et coulé et sur l’aluminium fusionné et moulé en Chine
Afin de renforcer la protection de ses industries de l’acier et de l’aluminium, le Canada impose depuis le 31 juillet 2025 des droits de douane sur l’acier fondu et coulé en Chine ainsi que sur l’aluminium fusionné et moulé en Chine. Cela signifie qu’un grand nombre de produits faits d’aluminium ou d’acier brut provenant de Chine seront soumis à un nouveau droit de douane.
Par exemple, les tuyaux de canalisation fabriqués en Corée à partir d’acier chinois se voient désormais imposer un droit de douane de 25 % au Canada. Le Décret imposant une surtaxe sur les marchandises en acier et les marchandises en aluminium (le « décret sur l’acier et l’aluminium chinois ») prévoit ce qui suit :
Une surtaxe de 25 % sur les importations au Canada de produits de l’acier contenant de l’acier fondu et coulé en Chine. Le décret sur l’acier et l’aluminium chinois précise que « les marchandises contiennent de l’acier fondu et coulé en Chine si l’acier brut contenu dans celles-ci a été, en tout ou en partie, produit pour la première fois à l’état liquide dans un fourneau destiné à la fabrication de l’acier et coulé dans son premier état solide – lequel peut prendre la forme soit d’un produit semi-fini ou d’un produit fini fabriqué en aciérie – en Chine ».
Une surtaxe de 25 % sur les importations au Canada de produits de l’aluminium contenant de l’aluminium fondu et coulé en Chine. Le décret sur l’acier et l’aluminium chinois précise que les marchandises contiennent de l’aluminium fusionné et moulé en Chine si « la plus importante ou, le cas échéant, la seconde plus importante quantité d’aluminium de première fusion qu’elles contiennent a été produite en Chine » ou « l’aluminium qu’elles contiennent a été le plus récemment liquéfié et moulé dans son état solide – lequel peut prendre la forme soit d’un produit semi-fini ou d’un produit fini fabriqué en aluminium – en Chine ».
La liste détaillée des produits soumis aux surtaxes sur l’acier et l’aluminium chinois est présentée par code SH dans l’annexe du décret sur l’acier et l’aluminium chinois.
Elle couvre une large gamme de produits de l’acier et de l’aluminium, allant des lingots aux tuyaux de canalisation en acier, en passant par les raccords de tuyauterie en aluminium. Il est important de noter que ces surtaxes sur les produits de l’acier et de l’aluminium s’appliqueront lorsque l’importateur omet de fournir un certificat qui démontre que les produits en acier ou en aluminium importés au Canada ne contiennent pas d’acier fondu et coulé en Chine ou d’aluminium fusionné et moulé en Chine.
Les exportateurs étrangers (et leurs importateurs canadiens) sont donc tenus de démontrer que les produits importés au Canada sont fabriqués à partir d’acier ou d’aluminium ne provenant pas de Chine. L’ASFC a publié l’Avis des douanes 25-28, qui fournit des informations sur la manière dont le décret sur l’acier et l’aluminium chinois sera exécuté, y compris les exigences en matière de preuve d’origine, le calcul des surtaxes, les exceptions et les exigences de déclaration.
Points principaux à retenir
L’environnement tarifaire canadien traverse une période de changements rapides et profonds. La hausse des droits de douane américains sur les exportations canadiennes, faute d’une trajectoire claire d’allègement aux termes d’un accord éventuel avec l’administration Trump, risque de provoquer des perturbations importantes pour les exportateurs canadiens et pourrait conduire à une restructuration majeure des échanges commerciaux du Canada.
Il y a fort à parier que les producteurs canadiens d’acier et d’aluminium devront probablement apprendre à évoluer dans un environnement commercial transformé. Nombre d’entre eux risquent d’être contraints à ralentir leurs exportations vers le marché américain, si ce n’est déjà fait, et à accroître leur présence nationale en profitant des nouvelles mesures de protection, comme les CT et les surtaxes supplémentaires sur l’acier et l’aluminium d’origine chinoise.
Par ailleurs, les fabricants et les constructeurs canadiens tributaires de l’acier importé pourraient se voir forcés de trouver d’autres fournisseurs ou de diversifier leurs sources d’approvisionnement si le recours à des produits provenant de Chine ou d’autres pays touchés par les CT n’est plus économiquement viable pour eux.
À propos des auteurs
William Pellerin est associé au sein du groupe Commerce international chez McMillan.
Jonathan O’Hara est avocat plaidant chez McMillan.
Marc McLaren-Caux est associé chez McMillan.
Dr A. Neil Campbell est associé chez McMillan, il est reconnu en matière de droit de la concurrence, de droit antitrust, d’investissements étrangers et de commerce international.
Gray Morfopoulos est un avocat spécialisé en droit commercial international chez McMillan.
Philip Kariam est avocat chez McMillan.
Kathleen Wang est avocate chez McMillan.
Jan M. Nitoslawski est avocat chez McMillan.
Tayler Farrell, avocate chez McMillan, est spécialisée en droit commercial international.
Brigid Martin est avocate chez McMillan.