La fin du chemin (de fer) : le CN prévoit de cesser l’exploitation de l’ancienne ligne de BC Rail
Collectif D'auteurs
2025-11-03 11:15:13

En 2003, la Compagnie des chemins de fer nationaux (le CN) qualifiait son acquisition de BC Rail Ltd. de (traduction) « meilleur des deux mondes » pour les expéditeurs de la Colombie-Britannique.L’entente permettait au CN d’acquérir la majeure partie du réseau et des actifs d’exploitation de BC Rail, ainsi que de conclure un bail de 60 ans, renouvelable pour 30 ans supplémentaires, pour exploiter l’assiette des rails de BC Rail.
Les principales conditions de cette acquisition figurent dans une entente ambitieusement nommée (traduction) « Convention de revitalisation », laquelle souligne que (traduction) « la nécessité de revitaliser BC Rail » est la force motrice derrière la vente. Il semble toutefois que le CN ait désormais perdu sa volonté de revitalisation pour se tourner vers une solution de rechange lamentable : l’abandon.
En effet, en juillet 2025, le CN publiait un plan actualisé de son réseau ferroviaire sur trois ans (le « plan triennal ») qui indiquait pour la première fois son intention de cesser l’exploitation d’un tronçon de l’ancienne voie ferrée de BC Rail couvrant plus de 322 kilomètres entre Squamish et 100 Mile House (le « tronçon désigné »).
En avril 2020, le CN interrompait ses activités marchandises sur l’ancien réseau de BC Rail entre Squamish et Williams Lake sans en avoir indiqué son intention dans son plan triennal. Le CN cherche maintenant à officialiser cette cessation d’exploitation, ce qui a suscité des commentaires dans les médias. Dans la pratique, la cessation d’exploitation proposée par le CN empêcherait en permanence le trafic ferroviaire de transiter vers le nord au-delà de Squamish sur l’ancien réseau de BC Rail.
En outre, la cessation d’exploitation proposée ferait en sorte qu’en permanence, l’ensemble du trafic ferroviaire provenant de l’ancien réseau de BC Rail au nord de Squamish, y compris celui provenant de Williams Lake, de Quesnel et de Prince George et destiné à Squamish, à North Vancouver, à Vancouver ou au-delà, transite par la voie ferrée plus longue du CN à travers le canyon du Fraser. Cela comprend tout le trafic ferroviaire à destination des États-Unis qui passe par le lieu de correspondance avec BNSF Railway à Brownsville, en Colombie-Britannique.
La cessation d’exploitation par le CN sur le tronçon désigné pourrait également avoir une incidence sur la résilience de son service ferroviaire à destination et en provenance de Vancouver. En effet, le CN n’aura plus accès à une voie ferrée de rechange vers les basses-terres continentales de la Colombie-Britannique si l’exploitation de sa voie traversant le canyon du Fraser est perturbée.
La Loi sur les transports au Canada (la « Loi ») n’exige pas du CN qu’il obtienne une approbation réglementaire pour cesser d’exploiter le tronçon désigné. Elle prévoit plutôt une série d’étapes que le CN doit franchir avant de pouvoir donner un avis mettant fin à ses obligations légales de fournir un service sur la ligne. Dans le présent bulletin, nous résumons le processus de cessation d’exploitation prévu par la Loi dans le but de donner un contexte aux parties concernées, y compris les expéditeurs, les collectivités locales, les gouvernements et les chaînes d’approvisionnement.
Le processus de cessation d’exploitation
Étape 1 : La compagnie de chemin de fer ne peut cesser d’exploiter une ligne que si son intention de ce faire a figuré au plan triennal pendant au moins 12 mois.
Le CN a maintenant entamé le processus de cessation d’exploitation en indiquant dans son plan triennal son intention de cesser l’exploitation du tronçon désigné. Le CN était tenu d’informer l’Office des transports du Canada (l’« Office »), le ministre fédéral des Transports (le « ministre fédéral »), le ministre des Transports et du Transit de la Colombie-Britannique (le « ministre de la C.-B. »), le président de chaque administration de transport de banlieue dont le territoire est traversé par le tronçon désigné, ainsi que toutes les municipalités et administrations locales traversées par le tronçon désigné.
Le paragraphe 142 1) de la Loi exige que le CN ne prenne aucune mesure pour cesser l’exploitation d’une ligne de chemin de fer tant que son intention de le faire n’a pas figuré dans son plan triennal pendant au moins 12 mois. Dans le cas du tronçon désigné, cela signifie : pas avant le 11 juillet 2026.
Étape 2 : La compagnie de chemin de fer doit annoncer que la ligne est disponible aux fins de transfert en vue de poursuivre l’exploitation et doit entreprendre des négociations de bonne foi avec toute partie manifestant un intérêt à acquérir la ligne.
Cette étape du processus exige que la compagnie de chemin de fer annonce la disponibilité de la ligne aux fins de transfert en vue de la poursuite de l’exploitation. Pendant une période d’au moins 60 jours après la date de la publication de l’annonce, la compagnie de chemin de fer doit être prête à recevoir des manifestations d’intérêt.
Cette étape est suivie d’une période de six mois destinée à la négociation avec les intéressés et à la conclusion d’une entente. L’Office a compétence pour fixer les modalités de l’entente si l’une des parties ne négocie pas de bonne foi. Si aucun transfert ne découle de la deuxième étape, la compagnie de chemin de fer peut décider de continuer à exploiter la ligne, auquel cas elle doit modifier son plan triennal en conséquence. Sinon, elle doit passer à l’étape trois.
Étape 3 : Si aucun intéressé ne se manifeste ou si aucun transfert pour la poursuite de l’exploitation de la ligne n’est effectué et que la compagnie de chemin de fer souhaite toujours en cesser l’exploitation, elle doit offrir de la transférer à sa valeur nette de récupération, à toutes fins utiles, aux divers ordres de gouvernement et aux administrations de transport de banlieue.
La compagnie de chemin de fer doit envoyer l’offre simultanément à tous les destinataires prescrits. Toutefois, les délais dans lesquels chacun d’eux peut accepter l’offre s’écoulent par séquences.
Dans le cas du tronçon désigné, le CN a l’obligation de l’offrir à sa valeur nette de récupération aux entités suivantes :
au ministre fédéral, puisque le tronçon désigné traverse plusieurs réserves (au sens de la Loi sur les Indiens);
au ministre de la C.-B.;
à chaque administration de transport de banlieue dont le territoire est traversé par la ligne de chemin de fer;
à toutes les municipalités et administrations locales que traverse le tronçon désigné.
Le ministre fédéral disposera de 60 jours (à moins qu’il ne prolonge ce délai, comme la Loi le lui permet) et chacun des autres destinataires prescrits disposera de 30 jours pour accepter l’offre du CN. Un gouvernement ou une administration de transport de banlieue qui accepte l’offre, mais qui est incapable de s’entendre avec le CN sur la valeur nette de récupération, peut demander à l’Office de la déterminer.
Étape 4 : Si aucun transfert ne découle de l’offre faite aux entités gouvernementales et publiques, la compagnie de chemin de fer peut déposer un avis de cessation d’exploitation auprès de l’Office.
Une fois que le CN dépose un tel avis, ses obligations de service cessent à l’égard du tronçon désigné. La Loi ne prescrit pas de délai obligatoire pour le dépôt de l’avis de cessation d’exploitation. En d’autres termes, le CN peut choisir de franchir les trois premières étapes, puis de reporter indéfiniment le dépôt de l’avis.
Normalement, le CN serait autorisé à démanteler la voie une fois l’avis de cessation d’exploitation déposé. Toutefois, la Convention de revitalisation exige que le CN restitue l’assiette des rails et l’infrastructure ferroviaire au gouvernement de la Colombie-Britannique sous réserve du choix de celui-ci, sur préavis donné au CN au moins un an avant l’achèvement du processus de cessation d’exploitation, de lui vendre les terres n’étant plus exploitées « telles quelles » pour une contrepartie symbolique.
Si le CN acquiert d’une telle manière les terres n’étant plus exploitées de la Colombie-Britannique, il pourrait, en fait, empêcher l’utilisation de la voie n’étant plus exploitée par tout trafic ferroviaire, qu’il s’agisse de passagers ou de marchandises. Si le tronçon désigné est remis au gouvernement de la C.-B. et que celui-ci lui trouve un exploitant tiers, le CN doit négocier de bonne foi des (traduction) « conditions commerciales raisonnables concernant l’accès et les lieux de correspondance » avec ledit exploitant.
En pratique, toutefois, ces conditions n’offrent qu’une mince consolation. En effet, c’est à titre de partie de l’itinéraire ferroviaire le plus court entre Prince George et Vancouver que le tronçon désigné a la plus grande valeur.
L’absence d’accès du tronçon désigné aux lignes de chemin de fer situées au nord et au sud réduit son utilité pour tout éventuel exploitant tiers. Les efforts de la C.-B. pour « revitaliser » BC Rail ont entraîné la déchéance de son ancien réseau, et c’est regrettable.
À propos des auteurs
Ryan Gallagher est associé chez McMillan.
Lucia Stuhldreier est associée chez McMillan. Elle a une expertise particulière dans les domaines du transport terrestre et de l’aviation.
François Tougas est un expert de premier plan chez McMillan dans les secteurs des transports, des produits forestiers et des mines.
Conner Wylie est avocat chez McMillan.