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Un juge de retour devant le Conseil de la magistrature

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Stéphane Tremblay

2023-02-23 13:15:00

Un juge de la Cour municipale de Montréal sera rencontré par le Conseil de la magistrature pour avoir de nouveau tenu des propos inappropriés…
Source: Shutterstock
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À la suite de plaintes portées par deux avocats à l’endroit du juge Gaétan Plouffe pour des commentaires qu’il aurait prononcés à teneur raciale et stigmatisante, le Conseil de la magistrature a ouvert une enquête, le 14 février.

Le Conseil, chargé de surveiller le comportement des juges, écrit : « L’écoute de l’enregistrement des débats démontre que le juge a effectivement prononcé les paroles qui lui sont reprochées ».

Ces propos jugés suffisamment « préoccupants » pour qu’une enquête soit instituée auraient été prononcés dans deux audiences distinctes, et ce, à un peu plus d’un mois d’intervalle.

Dans le premier dossier, le juge Plouffe aurait fait des commentaires de nature raciste lors d’un jugement oral en décembre 2022, alors que le défendeur invoquait une défense de profilage.

Le juge rejette ce moyen et le condamne au paiement d’une amende quant à deux infractions.

L’avocate du défendeur, qu’elle décrit comme une personne visiblement racisée, reproche au juge ses commentaires quant à l’apparence physique de son client, tant lors de l’instruction que dans son jugement. Le juge aurait affirmé, notamment, que le défendeur « a l’air aussi caucasien que moi ». Il continuerait ainsi : « (...) les gens ils viennent ils sont arabes, sont typés arabes, ils sont noirs et on voit qu’ils sont noirs, mais votre client, faut le savoir ».

Ces propos inquiètent dans la mesure où l’on pourrait conclure que le juge exprime un biais à l’égard de l’apparence obligatoirement « typée » de certaines personnes qui se disent racisées ou membres d’une minorité visible. Fait-il valoir ses propres préjugés?», peut-on lire dans le document du Conseil.

L’avocate en défense, Me Raphaëlle Desvignes, a porté plainte contre le juge, qualifiant ses propos de « propos racistes » et d’un « comportement discriminatoire » qui « ne s’appuie sur aucune base, si ce n’est des préjugés ».

Dans le second cas, qui remonte à novembre 2022, le juge Plouffe aurait tenu des propos dans une cause d’accusations criminelles dans un contexte conjugal sur « l’origine nationale et ethnique du défendeur et sur la propension des personnes issues de la même région géographique à commettre des crimes en matière conjugale », déplore l’avocat de l’accusé, Me Vincent Petit qui a porté plainte contre le juge, soulignant qu’il n’avait pas de preuve pour prétendre aux coutumes du pays du défendeur. En somme, le reproche est que le juge a fait preuve d’un biais culturel et de préjugés dans le traitement du dossier.

De même, le Conseil mentionne que dans son jugement libérant le défendeur moyennant un cautionnement et des conditions, le juge ajoute que si une preuve du « contexte culturel propre au défendeur » avait été présentée, sa décision aurait pu être différente.

Pour l’instant, aucun manquement déontologique n'a encore été prouvé contre le juge.

Au Conseil de la magistrature, on mentionne que les audiences publiques sont prévues pour ce printemps alors que le juge pourrait être entendu.

Droit-inc a tenté sans succès de joindre le juge Plouffe.

D’autres reproches dans le passé

Une petite recherche rapide sur Droit-inc a permis de découvrir que ce n’était pas la première fois que le juge Gaétan Plouffe, nommé en 2012, était critiqué pour ses propos en Cour.

En février 2022, le juge Gaétan Plouffe avait été rappelé à l’ordre, sans en faire l’objet d’une plainte officielle, pour avoir utilisé des stéréotypes envers les toxicomanes dans le prononcé d’une sentence envers un ancien consommateur de « cristal meth ».

David Roy venait d’être reconnu coupable par le juge Plouffe de voies de fait simples et de voies de fait armées. Nous étions en 2019.

Le juge Plouffe avait alors suggéré que l'accusé consommait toujours de la drogue, même s'il n'avait aucune preuve pour étayer cette affirmation.

« Je le regarde et je suis pas sûr que ce monsieur-là consomme pas encore. (...) Vous avez de la misère à enligner deux phrases », avait dit le juge.

Il en avait rajouté, faisant des généralisations sur le comportement des personnes qui ont surmonté des problèmes de toxicomanie. « Les gens qui se sont libérés de problèmes de toxicomanie ou d’alcoolisme se souviennent exactement du moment où ils ont cessé de consommer ». Une réponse du magistrat visiblement contrarié par le fait que l’accusé ne pouvait dire la date exacte du début de son abstinence.

La Cour supérieure avait conclu que de telles généralisations étaient inappropriées et que le juge n'avait aucune preuve pour appuyer ses affirmations.

Roy, qui avait été condamné par le juge Plouffe à un sursis de la peine et une probation d’un an assortie de 40 heures de travaux communautaires, a finalement été condamné à une absolution conditionnelle à une probation de deux ans et les 40 heures de travaux sont demeurés.

En 2020, le juge Plouffe a également été réprimandé par le Conseil de la magistrature pour avoir insulté un accusé en salle de cour en lien avec une infraction au code de la sécurité routière.

En 2016, une autre plainte avait été adressée envers le juge Plouffe, mais elle n’avait pas été retenue.
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5 commentaires
  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    Overblown woke bullshit
    "
    Dans le premier dossier, le juge Plouffe aurait fait des commentaires de nature raciste lors d’un jugement oral en décembre 2022, alors que le défendeur invoquait une défense de profilage.

    Le juge aurait affirmé, notamment, que le défendeur « a l’air aussi caucasien que moi ». Il continuerait ainsi : « (...) les gens ils viennent ils sont arabes, sont typés arabes, ils sont noirs et on voit qu’ils sont noirs, mais votre client, faut le savoir ».

    L’avocate en défense, Me Raphaëlle Desvignes, a porté plainte contre le juge, qualifiant ses propos de « propos racistes » et d’un « comportement discriminatoire » qui « ne s’appuie sur aucune base, si ce n’est des préjugés ».
    "


    En d'autres mots, il n'est pas visible que l'accusé appartient à une minorité, car il a l'air caucasien (une question de fait), et en voyant la défense de profilage rejetté pour cette raison l'avocate hurle au "préjugé" raciste!

    C'est pas un préjugé, c'est une question de fait qui fonde le moyen de défense.

    La prochaine étape de dégénérescence du droit pénal sera-t-elle la défense de profilage racial pour blancs 100% caucasiens, au motif que le policier n'avait aucun moyen de savoir que ce blanc aurait pu être un arabe?

    Si ce juge est condamné pour ça, le Québec Maoïste rêvé par Françoise David sera concrétisé.

    • Dsg
      Dumb response
      Steelmanning the argument. Think (at least try to) before you write something.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a un an
      Steelmanning ?
      De kécé ?

      La critique porte sur l'argument mis de l'avant par l'avocate?

      "A" a compris la même chose.

      Même Pirlouit a "catché".

      Avez-vous pris votre Nescafé?

  2. A
    A
    La défense de profilage racial est basée forcément sur une allégation très factuelle (couleur de la peau) pour convaincre le Tribunal que c'est cette observation factuelle qui est à l'origine de l'intervention du policier.

    Alors, sur le même thème...
    Pourquoi un Juge n'aurait pas le droit de procéder aux mêmes constatations (qui soutiennent ou désapprouvent la défense) de visu, dans sa Cour?

    Je dis même qu'il a l'obligation de faire ces observations.

    Doit-il déléguer à un expert dermatologue ces constatations?

  3. Pirlouit
    Pirlouit
    il y a un an
    Je suis racisé donc je suis
    1. L'accusé met de l'avant sa couleur de peau: c'est correct;
    2. L'avocat utilse la race comme argument: c'est correct;
    3. Le juge trouve que ça ne s'applique pas car l'accusé n'est pas assez coloré : conseil de la magistrature;

    En fait le vrai scandale c'est qu'une "défense" de racisme systémique peut même exister.

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