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Une juge présidera l’enquête publique sur l’ingérence étrangère

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Radio -canada

2023-09-08 12:00:00

Une juge de la Cour d’appel du Québec a récemment été choisie pour présider l’en quête publique sur l’ingérence étrangère…
La juge Marie-Josée Hogue devra présenter une évaluation de la situation en matière d'ingérence étrangère dès février 2024. Source: Université de Sherbrooke
La juge Marie-Josée Hogue devra présenter une évaluation de la situation en matière d'ingérence étrangère dès février 2024. Source: Université de Sherbrooke
Marie-Josée Hogue, juge de la Cour d'appel du Québec, a été choisie pour présider l'enquête publique sur l'ingérence étrangère. Le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, en a fait l'annonce officiellement à Ottawa.

Selon le ministre LeBlanc, la juge Hogue sera chargée d’examiner et d’évaluer l’ingérence étrangère dans le processus électoral et les institutions démocratiques canadiennes, notamment de la part de la Chine, de la Russie et d’autres acteurs étrangers, dont des organisations non étatiques.

« Elle présentera un rapport intérimaire d’ici le 29 février 2024 et un rapport final d’ici le 31 décembre 2024 », mentionne Dominic LeBlanc.

Se félicitant d'avoir pu bénéficier de la collaboration de tous les partis représentés aux Communes pour élaborer le mandat de cette commission d'enquête, Dominic LeBlanc a expliqué que la juge sera également chargée d’examiner le processus décisionnel au sein du gouvernement en matière d’ingérence étrangère et de sécurité des institutions.

« La juge Hogue aura tous les outils pour aller au fond des choses et suggérer des améliorations afin que nous puissions renforcer nos mécanismes de protection et augmenter la résilience de nos institutions démocratiques », a-t-il assuré.

Comment le gouvernement a-t-il convaincu la juge Hogue?

En entrevue à 24/60, le ministre LeBlanc, qui n’a pas mené directement les discussions avec Mme Hogue, a rappelé que le fait que ce soit un choix unanime de tous les partis reconnus a dû peser sur la décision la présidente de la commission d’enquête.

Pour ce qui est du coût de cette commission, le ministre LeBlanc se garde d’avancer un montant. Il se contente d’indiquer que « le Conseil privé et le gouvernement vont donner à la commission toutes les ressources nécessaires ». Ce sont Mme Hogue et ses avocats qui détermineront le budget pour leurs travaux, a-t-il insisté.

Renseignements sensibles

« Cependant, et les partis d’opposition ont bien compris ça, la Loi sur la protection des renseignements s’applique évidemment à un processus comme une enquête », a prévenu le ministre.

Malgré cela, « la juge Hogue aura à sa discrétion la capacité d’aller à huis clos pour examiner des renseignements parmi les plus sensibles. Et c’est elle, d’une façon indépendante, qui rendra un rapport aux Canadiens », a précisé Dominic LeBlanc.

Le gouvernement Trudeau a accepté de tenir cette enquête au début de l'été à la suite de plusieurs mois de pression de l'opposition et de la démission du rapporteur spécial sur l'ingérence étrangère, David Johnston.

Nommé par le premier ministre Justin Trudeau, M. Johnston estimait qu'il n'y avait pas matière à lancer une enquête publique sur l'ingérence étrangère, en raison notamment de la sensibilité des informations concernées. Il avait démissionné en juin dernier, peu de temps après un vote de la majorité des députés de la Chambre réclamant son départ.

Des négociations entre le gouvernement et les partis d'opposition se sont ensuite déroulées tout l'été afin de déterminer le cadre et le mandat de la future commission publique d'enquête.

De nombreux candidats ont été passés en revue pour déterminer qui présiderait cette commission, dont des personnalités connues, comme l'ancienne juge de la Cour suprême Louise Arbour; Louise Otis, qui siège au tribunal de l'OCDE; l'ancien ministre de la Justice Irwin Cotler; ou encore l'ex-ambassadeur du Canada en Chine Guy Saint-Jacques.

Le choix du gouvernement s'est finalement porté sur la juge de la Cour d'appel du Québec, Marie-Josée Hogue.

Dans une déclaration publiée peu de temps après l'annonce de sa nomination, la juge Hogue déclare : « Il est essentiel que nos processus électoraux et nos institutions démocratiques soient protégés contre l'ingérence étrangère ».

« Au cours des prochaines semaines, je me concentrerai sur l'avancement des travaux nécessaires à l'enquête publique, conformément au mandat qui m'a été confié ».

« Je suis impatiente de commencer ce travail important et je fournirai plus de détails sur les étapes à venir en temps et lieu », mentionne Marie-Josée Hogue.

Le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc. Source: La Presse canadienne / Radio-Canada / Justin Tang
Le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc. Source: La Presse canadienne / Radio-Canada / Justin Tang
« Le Canada devra en supporter les conséquences »

L’ambassade de Chine à Ottawa a réagi jeudi à la mise en place de l’enquête publique, présidée par la juge Marie-Josée Hogue.

Dans un communiqué diffusé aux médias, l’ambassade estime que le gouvernement fédéral continue « à exagérer les mensonges de la soi-disant ingérence de la Chine ».

« Nous ne nous intéressons pas aux affaires intérieures et aux élections du Canada et ne nous y sommes jamais immiscés », lit-on dans le communiqué.

L’ambassade accuse également « certains politiciens et médias canadiens (qui) diffusent depuis longtemps des mensonges et de la désinformation contre la Chine ».

Par ailleurs, la Chine par la voie de son ambassade appelle le Canada « à cesser d'induire le public en erreur et à cesser de saper les relations sino-canadiennes. Autrement, le Canada devra en supporter les conséquences ».

L'opposition se réjouit

Réagissant à cette nomination, le leader parlementaire bloquiste Alain Therrien a parlé d'une « belle collaboration » au cours de laquelle la partisanerie a, selon lui, été mise de côté, son parti se réjouissant qu'« enfin » une commission soit annoncée.

Les conservateurs, de leur côté, se sont attribué le mérite du déclenchement d'une commission d'enquête. « Rien de tout cela ne serait arrivé si les conservateurs n'avaient pas fait pression sur le gouvernement et n'avaient pas combattu la tentative de dissimulation des libéraux à chaque étape du processus », a déclaré le chef de l'opposition officielle, Pierre Poilievre.

Son leader parlementaire adjoint, Luc Berthold, a renchéri que le gouvernement de Justin Trudeau « a tenté par tous les moyens d'éviter qu'on fasse la lumière sur l'ingérence du régime de Pékin ».

Pour sa part, Peter Julian, député néo-démocrate et leader parlementaire du NPD à Ottawa, a affirmé que Mme Hogue « remplit tous les critères établis », d'autant plus qu'elle est « bilingue et libre de toute implication politique ».

La nouvelle commissaire doit commencer officiellement ses travaux à compter du 18 septembre prochain. La juge Hogue a encore « des travaux à la Cour d’appel à compléter », a expliqué le ministre Leblanc.

Considérée comme une étoile montante dans le système juridique canadien, Mme Hogue a été nommée à la Cour d'appel du Québec en juin 2015, en remplacement du juge Pierre J. Dalphond.

La magistrate a obtenu son baccalauréat en droit de l'Université de Sherbrooke en 1986 et a été reçue membre du Barreau du Québec en 1987. Elle a pratiqué de 1987 à 2013 au sein du cabinet Heenan Blaikie. Elle était associée au sein du cabinet McCarthy Tétrault depuis janvier 2014.

Selon le site Internet de la Cour d'appel du Québec, on apprend également que ses principaux domaines d'expertise ont été les litiges liés au droit des sociétés, le contentieux des affaires civiles et la responsabilité professionnelle. Une partie de sa pratique a également été consacrée aux litiges de droit administratif et de droit constitutionnel.

Les états de service de la juge ne mentionnent cependant aucune expérience particulière en sécurité nationale.

Peu de temps et beaucoup de travail

Selon le mandat qui lui a été confié, la juge devra présenter une évaluation de la situation dans six mois et présenter ses recommandations à la fin de décembre 2024. Cet échéancier très chargé ne laissera que très peu de temps pour la tenue de témoignages ou d'audiences publiques.

Rappelons que, selon les renseignements canadiens cités notamment par Global et The Globe and Mail, plusieurs députés conservateurs – dont l'ex-chef du parti, Erin O'Toole – et au moins une députée néo-démocrate avaient été la cible de manœuvres et d'intimidation de la part de Pékin, de même que des électeurs d’origine chinoise afin de favoriser la victoire du Parti libéral et d'écarter des candidats de l'opposition ouvertement opposés aux politiques chinoises.

Le gouvernement Trudeau, de son côté, n'a jamais précisé qui dans ses rangs avait été mis au courant – ou non – de cette situation par les services de renseignement. Le gouvernement a invoqué à plusieurs reprises les règles de confidentialité et de sécurité entourant la divulgation de ces informations.

En filigrane, les conservateurs soupçonnent pour leur part le gouvernement Trudeau d’avoir ignoré sciemment ces informations dans la mesure où l'ingérence de la Chine servait leurs intérêts partisans.

En mai 2023, le Canada a expulsé un diplomate chinois de son territoire en raison d'un rapport publié en 2021 par le SCRS, selon lequel l'officier consulaire de Toronto avait cherché à intimider le député conservateur Michael Chong et ses proches à Hong Kong en raison des critiques de l’élu sur le bilan de la Chine en matière de droits de la personne. La Chine avait répondu en expulsant une diplomate canadienne de Shanghai.
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