Marc-André De Sève, président de l'Association canadienne des parajuristes
Marc-André De Sève, président de l'Association canadienne des parajuristes
Parce qu'ils jouent un rôle de plus en plus central, voire capital dans l'administration de la justice, les parajuristes réclament leur incorporation au sein d'un ordre professionnel.

Nous en avons discuté avec le président de l'Association canadienne des parajuristes, Marc-André De Sève.

Droit-Inc : Pourquoi un ordre professionnel?

Marc-André De Sève : On veut permettre une meilleure accessibilité à la justice. Alors que les parajuristes prennent de plus en plus d'importance à plusieurs égards, il y a plusieurs actes qui pourraient être accomplis par des parajuristes : la rédaction de documents, la représentation dans les causes administratives ou aux petites créances sont quelques-uns des exemples où nous jouons déjà ou pouvons jouer un rôle plus important.

On veut également que la pratique soit encadrée. Ainsi, tous ceux qui font appel à des parajuristes, et ils sont nombreux—des avocats aux arpenteurs-géomètres en passant par les greffes municipaux et les assureurs—sachent qu'ils font affaire avec des professionnels qualifiés, bien formés et compétents.

Ce serait la garantie que des formations continues sont dispensées, que les connaissances de base soient les mêmes pour tout le monde.

Des exemples venus d'ailleurs?

En Ontario, on a déjà franchi ce pas : les parajuristes fournissent des services juridiques concernant les tribunaux administratifs, les infractions à la législation provinciale, comme les infractions routières, les affaires mineures visées par le Code pénal et les petites créances.

Un ordre est voué à la protection du public. En quoi le public a-t-il besoin de protection?

Il y a des cas documentés où le bien du public n'a pas été bien protégé. On pense par exemple aux parajuristes, dans les Panama Papers, qui ont signé des documents servant à l'évasion fiscale ou qui ont servi de prête-noms selon les ordres de leurs patrons, sans trop oser poser de questions par peur de perdre leur emploi.

Un membre d'un ordre professionnel aurait pu refuser de signer de tels documents en invoquant sa déontologie.

Ensuite, les parajuristes sont des professionnels qui posent des actes spécialisés.

Cependant, dans le contexte actuel, il n'y a pas de contraintes pour l'entrée en carrière, on n'a donc pas de moyen de mesurer les compétences ou de contingenter l'accès. Comme les hygiénistes dentaires ou les infirmières, qui appliquent les directives d'un professionnel, le public doit pouvoir compter sur le fait que les parajuristes avec qui ils font affaire font de même.

Quels seraient les avantages pour les avocats?

Nous ne voulons pas poser des actes réservés aux avocats, nous faisons plutôt valoir que ce que nous faisons exigent des compétences et des connaissances précises qui, si elles sont reconnues et encadrées, les aideront.

Par exemple, nous intervenons de plus en plus dans les dossiers : beaucoup du travail fait en cabinet en droit commercial, notamment, est l'oeuvre de parajuristes. Sauf qu'il faut que ce soit approuvé par des avocats. Cela coûte cher aux clients. En faisant affaire avec des professionnels, aux qualifications avérées, on réduit d'autant la facture.

Nous disons aux avocats que nous n'avons pas besoin d'être supervisés pour rédiger, nous savons comment le faire et nous sommes compétents pour le faire.

La plupart sont allés à l'université pour apprendre le droit.

Aussi, la complexité des dossiers juridiques exige de plus en plus de connaissances : la réglementation, l'internationalisation, la concurrence entre les bureaux, tout cela fait en sorte que les parajuristes sont un maillon indispensable de la chaîne juridique.

Enfin, on peut penser aux entrepreneurs : un avocat qui ouvre son bureau et qui s'associe à un parajuriste plutôt qu'à un avocat réduit ses coûts.