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Prof, candidate pour le PQ, et maintenant avocate!

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Camille Laurin-desjardins

2020-09-01 15:00:00

Après avoir passé sa vie à bâtir des ponts entre francophones et anglophones, cette nouvelle avocate veut continuer dans cette voie, en entamant sa carrière en droit...

Jennifer Droin. Photo : LinkedIn
Jennifer Droin. Photo : LinkedIn
Elle détient un bac et une maîtrise en littérature, en plus d’un doctorat en philosophie. Elle a enseigné comme professeure et comme chargée de cours à McGill, à l’Université d’Alabama, à l’Université de Montréal et à l’Université d’Oxford, pour ne nommer que celles-là.

En 2018, elle s’est présentée comme candidate pour le Parti québécois contre la solidaire Manon Massé, dans Sainte-Marie-Saint-Jacques. Disons que le parcours de Jennifer Drouin, une anglophone originaire de la Nouvelle-Écosse, est assez atypique.

Et maintenant, elle amorce sa carrière d’avocate.

À 38 ans, la professeure est retournée sur les bancs d’école de l’Université McGill, pour effectuer un baccalauréat en droit. Cinq ans plus tard, elle vient de terminer son stage du Barreau chez Éducaloi, un organisme sans but lucratif dont la mission est de vulgariser des notions de droit pour la population québécoise.

À peine assermentée, Me Jennifer Drouin vient d’être embauchée comme avocate par l’organisme. Droit-inc s’est entretenu avec elle à propos de ses carrières passées… et de celle à venir!

Droit-inc : La semaine dernière, vous faisiez partie de la première cohorte de stagiaires à être assermentés en personne, au palais de justice de Montréal, depuis le début de la pandémie… Comment ça s’est passé?

Jennifer Drouin : Ça s'est très bien passé! Pour une première cérémonie avec les mesures COVID, je pense que c'était excellent. On a même eu des invités d'honneur... j'en suis ravie!

Vous travaillez maintenant chez Éducaloi… en quoi consiste votre travail?

Je suis vulgarisatrice juridique et traductrice. On fait de la vulgarisation, et des textes en langage clair pour la population générale. Je fais partie de l'équipe des services aux communauté d'expression anglaise, donc je suis une des vulgarisatrices qui fait aussi de la traduction.

C'est surtout par le biais du site web d'Éducaloi qu’on vulgarise. On rend le droit accessible. Mais on a aussi des dépliants de quelques pages que vous pouvez trouver par exemple chez les organismes communautaires ou des partenaires.

On a aussi des guides d'une vingtaine de pages qui expliquent certains sujets plus en profondeur. On donne des ateliers.

Donc, c'est sûr que comme ancienne professeure, pour moi, il y a beaucoup de chevauchement avec ce travail-là.

Justement, vous avez un parcours très varié... pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans des études en droit?

J'ai été professeure agrégée. Il y a trois niveaux de professeur : associé, agrégé et titulaire. Et obtenir la permanence et l'agrégation, c'est un peu comme le sommet d'une carrière, et de publier un livre qui va avec, ce que j’ai fait... Donc j'avais envie de nouveaux défis et de combler ma soif de connaissances.

Ça faisait longtemps que j'avais un intérêt pour le droit. En fait, lorsque j'étais au doctorat, il y avait un projet qui s'appelait le Shakespeare Moot Court, auquel j'ai participé comme étudiante au doctorat en littérature anglaise... Mais j'ai redémarré le projet l'année passée, j'ai donné le cours à McGill comme prof.

C'est quelque chose qui remonte à longtemps, et qui est un peu la continuité entre l'intérêt pour le droit que j'ai eu pendant longtemps.

Quand même, c'était courageux!

Oui, c'est sûr que retourner aux études une fois qu'on a été professeure, c'est tout un changement de perspective (rires)!

Donc quand vous vous êtes présentée pour le PQ, vous étiez déjà étudiante en droit?

Ou. Il y a eu un peu de chevauchement. J'ai terminé mon droit au mois d'avril 2018, la campagne électorale était au mois d'octobre. Techniquement, j'avais déjà terminé mon droit, mais... la dernière année, j'étais en pré-campagne électorale.

C'est assez rare, une anglophone nationaliste... Comment en êtes-vous arrivée là?

J'ai fait mon premier bac, il y a très longtemps de ça, entre 1995 et 1999, dans une université acadienne, en Nouvelle-Écosse. La plupart des professeurs venaient de Trois-Rivières, et c'est comme ça que j'ai découvert le Québec.

Depuis ce temps, je me vois souvent dans le rôle de faire le pont entre les communautés francophone et anglophone. Parce que j'ai eu le privilège d'être une anglophone qui a découvert la langue française et la culture québécoise à ce moment-là de ma vie – à 19-20 ans, c'est quand même assez tard... D'où l'accent que je n'ai pas réussi à perdre (rires)!

Mon premier livre, ''Shakespeare in Quebec'', ''Nation Gender and Adaptation'', c'était sur les adaptations québécoises de Shakespeare, ou Shakespeare écrit en joual par les auteurs québécois. Donc, les textes que j'ai étudiés étaient écrits en québécois, et j'ai écrit un livre pour l'expliquer en anglais aux anglophones.

Pendant la campagne électorale, c'était la même chose. J'essayais d'expliquer les politiques qui circulaient surtout en français dans les médias francophones, et qui n'étaient pas toujours expliquées en anglais aux anglophones.

Et chez Éducaloi, je fais partie de l'équipe des services aux services aux communautés d'expression anglaise. Donc encore une fois, c'est le droit civil francophone, et j'ai la tâche de faire la traduction et l'adaptation pour l'expliquer aux anglophones, qui souvent, ont des connaissances ou des mots qui viennent du common law.

Parce que moi aussi, j'ai grandi en Nouvelle-Écosse avec le common law, puis, je suis venue au Québec, et j'ai appris le droit civil. J'ai fait 52% de mes crédits de bac à McGill en français. Ce qui n'est pas évident, mais si on s'y met comme il faut, c'est possible!

J'ai vraiment fait un grand effort pour faire le plus de cours possible en français et bien comprendre le droit civil. Pour bien maîtriser mon code. Il y a toujours cette continuité pour moi d'essayer de faire le pont entre les langues, les communautés, les milieux juridiques francophone et anglophone.

Et quand vous avez décidé de retourner aux études en droit, quel était votre but professionnel?

Comme tout étudiant qui s'inscrit en droit, je pense que c'est un peu flou au début... Sauf qu'on veut faire carrière dans un domaine où on pense qu'on va aider les gens. Et pour moi, quand j'ai découvert Éducaloi, c'était tellement mon endroit idéal!

Parce que pour l'ancienne prof, il y a une mission éducative, on fait de la pédagogie populaire. C'était clair que je voulais aboutir là! Et je suis très contente, parce que ça me permet de faire beaucoup de choses que je faisais déjà dans ma carrière de prof.

Il y a une cohérence dans mon parcours, finalement, parce que comme je le disais, mon premier livre était sur la traduction et l'adaptation de Shakespeare en Québécois... Et comme vulgarisatrice juridique et traductrice, c'est exactement ce que je fais : je prends des concepts et des idées qui sont écrits en langage complexe, comme Shakespeare ou comme le droit, que je dois traduire et adapter en communications claires.

Et il y a aussi tout l'aspect pédagogique... Cette semaine, je donne un atelier sur les violences sexuelles, je vais en donner un bientôt sur les testaments. Donc, donner un atelier, c'est comme enseigner, à un autre public!

Pensez-vous que le fait que vous soyez connue comme étant nationaliste peut vous nuire, comme avocate?

Chez Éducaloi, il y a quatre grandes valeurs qui régissent tout ce qu'on fait comme organisme. Il y a la neutralité, la rigueur, la collaboration et la crédibilité.

Et la neutralité, j'endosse ça entièrement. En fait, je trouve que ça m'aide dans mon travail, d'avoir une obligation de neutralité.

La politique fait partie de mon passé, mais maintenant, comme juriste, comme avocate, je souscris entièrement à cette valeur-là.

Avez-vous encore des ambitions politiques?

Non. Je trouve que j'ai donné beaucoup de mon âme... Et maintenant, je suis entièrement… – je ne veux pas dire « focussée » parce que c'est un anglicisme... Je suis entièrement dédiée à ma carrière de droit!

Le chapitre s'est clos tout naturellement. J’ai fait la campagne électorale, et ensuite, j'ai continué à travailler comme membre de l'exécutif national pendant un petit bout de temps.

Mais j'ai simplement fait le choix de mettre l'accent sur le droit et ma carrière en droit.
Et je trouve que quand même, les deux ne sont pas si loin l’un de l’autre. En politique, je me présentais pour essayer de devenir le législateur, qui fait les lois, et comme avocate, j'ai la tâche d'interpréter les lois et de les expliquer.

Quand j'ai commencé mes études en droit, c'était parce que je voyais justement une pertinence avec la politique. Et il y a plusieurs députés plus vieux qui sont des avocats, d'ailleurs!
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4 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Magnifique, bon succès!
    Quelle femme au parcours impressionnant et inspirant! Nous sommes chanceux de l'accueillir dans notre ordre professionnel.

  2. Me
    Bravo Jen !
    Des avocates ayant ton parcours, j'en prendrais plus N'IMPORTE QUAND !

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Back to the seventies
    " Pensez-vous que le fait que vous soyez connue comme étant nationaliste peut vous nuire, comme avocate? " Avec une question comme ça, on se penserait en 1970, alors que la RCMP chassait les séparatistes …

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 3 ans
      C'est encore nuisible
      L'ex juge en chef du Québec, (Michel Robert) avait publiquement déclaré qu'un souverainiste n'avait pas sa place dans la magistrature.

      http://ici.radio-canada.ca/radio/maisonneuve/27042005/52317.shtml


      Le peuple québécois paye cher pour maintenir en place cette bande d'arogants qui le méprise, mais un jour le vent tournera peut-être.

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