Carrière et Formation

Réussir sa plaidoirie d’appel

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Katia Tobar

2022-05-27 13:15:00

Voici les astuces d’une as de la plaidoirie pour vous démarquer en Cour d’appel.

Me Laurence Bich-Carrière. Source: Site web de Lavery
Me Laurence Bich-Carrière. Source: Site web de Lavery
Tout repose sur la préparation, insiste Me Laurence Bich-Carrière ! L’associée chez Lavery et spécialiste en litige, lauréate de plusieurs concours d’éloquence, a dévoilé ses trucs pour plaider avec succès en appel, lors de la 76e édition du congrès annuel du Jeune Barreau de Montréal, le 13 mai dernier, au Palais des Congrès.

Ça commence fort : saviez-vous qu’entre 50 et 60% des recours en appel sont rejetés, rappelle la Barreau 2009 dès le début de la conférence ? Ne vous laissez pas démoraliser. Voici des astuces pour mettre toutes les chances de votre côté pour réussir cet exercice de persuasion :

Relisez votre dossier

Que rapportent les témoignages ? Comment s’est déroulée la procédure ? Quelle était la jurisprudence au moment de la rédaction de votre mémoire ? A-t-elle évolué depuis le dépôt du dossier ? Rafraîchissez-vous les neurones, car votre audience peut se dérouler plusieurs mois après le dépôt du mémoire, et même un an après au civil, rappelle Me Laurence Bich-Carrière. Votre connaissance du dossier vous permettra de bâtir votre crédibilité.

« Même si les juges connaissent mieux le droit, il n’y a que vous qui avez une connaissance intime du dossier », insiste l’avocate.

Préparez un plan de plaidoirie

Retenez que vous parlez à des juges informés, qui auront lu en amont l’intégralité du mémoire que vous avez déposé. Évitez donc de vous perdre en explications lorsque sera venu le moment de plaider, insiste la Barreau 2009.

Le plan de plaidoirie vous permettra d’organiser votre pensée en vous détachant du mémoire. Vous pourrez utiliser ce dernier seulement à titre de références et en extraire « les meilleures décisions pour les mettre au service de l’argumentaire », ajoute-t-elle.

Et surtout, ne lisez pas! Cela vous évitera de plaider devant des juges endormis.
Pour bâtir votre plan, « identifiez les messages clés (vos meilleurs arguments) et comment vous rendre de l’un à l’autre; identifiez les obstacles que vous risquez de rencontrer, et les alliés dans votre dossier », explique l’avocate.

Vous devez évaluer les carences de vos arguments et affronter les difficultés à venir. « C’est tout le jeu de l’appel », rappelle Me Bich-Carrière. Cette étape vous permettra de contrôler le message et de prévoir les questions des juges.

« Si vous ne le faites pas, la partie adverse le fera », assure la spécialiste en litige.

Prévoyez aussi un système qui vous permettra de vous détacher de vos notes et de poursuivre votre argumentaire en restant fluide et en contrôle.

Évitez les sources de stress inutiles

Boutons de manchette, bouteille d’eau, carte du Barreau… Préparez en avance tout ce dont vous aurez besoin le matin de votre plaidoirie, afin d’éviter les sources de stress inutiles. Et surtout, prévoyez l’imprévisible : pannes de métro, travaux sur la route, etc…

Si votre audience en appel est la première de la journée, allez placer vos papiers dès que possible, conseille Me Bich-Carrière. Et si ce sont vos premiers appels, allez repérer les lieux, et assistez si possible à quelques minutes d’audience.

Ouvrez avec punch…

Sans pour autant vous prendre pour un conseiller en marketing !

« L’ouverture est le moment où vous aurez l’attention la plus complète de la Cour », soutient l’avocate. En gros, c’est le moment de briller. Vous devez expliquer à la Cour pourquoi elle doit vous donner raison et il est possible que ce soit le seul moment qui se passe comme prévu.

Si vous n’avez rien de punché à dire, présentez le plan de votre argumentaire, surtout si vous vous éloignez de celui du mémoire.

Plaidez avec élégance

En plus de la préparation, Me Bich-Carrière vante cinq autres qualités qui peuvent faire une différence dans une plaidoirie en appel : « la précision, la clarté, la résolution, la courtoisie et la franchise ».

« Soyez un plaideur raisonnable », insiste-t-elle. Ne demandez pas à ce que la jurisprudence soit renversée, mais bâtissez dessus. « C’est le chemin le plus court pour aller vers la résolution attendue ».

Évitez de dénigrer le juge de première instance, la partie adverse ou l’avocat de la partie adverse. Identifiez précisément les erreurs des juges et laissez les faits parler d’eux-mêmes.

Ayez confiance en vous, maîtrisez votre gestuelle, abordez un ton conversationnel et regardez tous les juges. Votre attitude corporelle est essentielle à la réussite de votre plaidoirie, rappelle Me Bich-Carrière.

Si vous avez tendance à parler trop vite, insérer des pauses dans votre argumentaire, des silences, buvez un verre d’eau.

Vous pouvez prendre appui sur la tribune pour ouvrir votre corps, conseille par exemple l’avocate. Évitez les répliques enflammées et laissez votre sarcasme à l’entrée. Il pourrait vous desservir en démontrant une incapacité à vous investir dans le débat.

Répondez aux questions

Si vous êtes bien préparé, vous avez anticipé les questions des juges. Mais vous ne serez jamais à l’abri d’une question qui vous fera perdre pied…

Dans ce cas, écoutez bien la question et reformulez-la si vous n’êtes pas certain de l’avoir comprise. Accueillez la question en prenant une demi-seconde de réflexion, en buvant une gorgée d’eau par exemple. Et surtout, répondez à la question et évitez autant que possible les “j’y reviens”. Vous devrez ensuite reprendre le fil de votre argumentaire avec le plus de fluidité possible.

Dites-vous que « toutes les questions sont des questions amies » et accueillez-les avec la meilleure attitude possible. Et en cas de questions incontestablement hostiles, restez raisonnable et gardez votre calme.

Concluez avec brio

Finissez avec punch, en ne laissant aucune ouverture possible. S’il vous reste du temps, n’essayez pas à tout prix de le combler si vous n’avez rien de pertinent à ajouter. La conclusion est un des seuls moments où vous pouvez apprendre votre texte par cœur.

Si vous êtes l’appelant, vous pouvez vous prévaloir d’un droit de réplique, mais n’oubliez pas que « la réplique qu’on ne fait pas ne peut pas nuire », souligne Me Bich-Carrière. Soyez bref et factuel.

Laurence Bich-Carrière a rejoint le cabinet Lavery en 2014. Elle a été auxiliaire juridique auprès du juge à la Cour suprême William Ian Corneil Binnie, et a travaillé à la Conférence de La Haye en droit international privé. L’avocate a obtenu son baccalauréat en droit de l’Université McGill en 2008 et est diplômée d’une maîtrise de Cambridge (2009). Elle est chargée de cours, conférencière et l’auteure de plusieurs articles et ouvrages dont ''Le droit est-il une arme? ou Propriété intellectuelle et émojis : S: ou ¯\_(?)_/¯?''

Celle qui dit aimer « les questions de droit compliquées » se spécialise en plaidoirie d’appel, car elle « préfère chercher l’erreur » au lieu de chercher la vérité, a-t-elle confié à Droit-inc.


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11 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    Sans nier ses qualités personelles, il n'en reste pas moins que...
    ... quand on une maman travaillant à la Cour d'appel, on a plus de chance d'avoir devant soit des juges attentifs.

  2. A
    A
    Encore une they.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a un an
      Et alors
      Qu'est-ce que ça change à son propos ? En quoi ça vous concerne et surtout pourquoi est-ce que ça semble vous déranger ?

  3. Ano-nyme
    Ano-nyme
    il y a un an
    Suis-je le seul?
    "....car elle « préfère chercher l’erreur » au lieu de chercher la vérité, a-t-elle confié à Droit-inc."


    Suis-je le seul à trouver cette affirmation navrante? Faut pas se demander pourquoi les avocats ont une si mauvaise réputation.

    • A
      A
      Lavery
      Grand cabinet.
      Tu t'attends à quoi?

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a un an
      C'est bon à mettre dans votre banque de "jurisprudence" professionnelle
      "Suis-je le seul à trouver cette affirmation navrante?"


      Si un jour le bureau du syndic vient vous emmerder en vous reprochant d'avoir porté attention à l'erreur plutôt qu'à la vérité, dans la défense des intérêts d'un client, exhibez la jurisprudence "Laurence" pour vous défendre. Avec une citation aussi prestigieuse (on ne parle pas d'un jugement des p'tites créances ici...), vous serez blindé, même si vous occupez un rang 10 étages plus bas dans la hiérarchie des classes sociales de la pratique juridique, car si c'est bon pour minou c'est également bon pour pitou, comme dirait Me Goldwater!

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a un an
      Regarder la poutre...
      Et vous ? Vous ne cherchez pas l'erreur en soulignant ce petit passage en fin de texte qu'elle regrette peut-être d'avoir dit ? No big deal.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a un an
      Oui, bien seul
      Elle plaide en appel: pourquoi est-ce qu'elle rechercherait la vérité alors qu'elle se penche sur des questions de droit? Allo?

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    lol
    Surtout que le prénom Laurence peut être équivoque.

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    Ah oui?
    Dans quelle langue exactement? LaWrence? LaUrence? LaUrent?

  6. Jean-guy Savard
    Jean-guy Savard
    il y a un mois
    Anonyme
    Si tous les avocats recherchaient l'erreur au lieu du deal, la justice s'en porterait mieux, puisque l'erreur peut être retrouvée par la suite et entachera l'image d'une justice indépendante et impartiale et le travail effectué par l'avocat qui n'en fera point bénéficier à son client.

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