Me Isabelle Hamel Hébert. Source: LinkedIn
Me Isabelle Hamel Hébert. Source: LinkedIn
Me Isabelle Hamel Hébert a fondé en 2019 la première école d'auto représentation au Québec baptisée Article 23. Son objectif ? Offrir des services faits sur mesure pour les personnes qui se représentent seules devant les tribunaux pour qu'elles soient efficaces et améliorent leurs chances de succès.

Celle qui a démarré son parcours professionnel dans le domaine de la psychologie a voulu mettre un peu d’humain dans la pratique du droit. Car assurément, dans la pratique privée, avec la pression des heures facturables, c’est un aspect qui est bien souvent négligé par les avocats…

Après avoir obtenu son Barreau en 2016, l’avocate a commencé sa pratique en litige civil et commercial au sein du cabinet Dentons.

« Ça a été une excellente école, j’ai eu des dossiers d’envergure avec des questions très intéressantes. Mais ça ne me convenait pas personnellement, car j’avais besoin de donner plus d’importance au côté humain de la pratique », explique Me Isabelle Hamel-Hébert.

Alors qu’elle travaillait encore au sein de ce cabinet, l’avocate a eu l’idée de développer son propre modèle de pratique : « Il m’est arrivé de représenter des entreprises, et de l’autre côté, je voyais des personnes qui se représentaient seules ».

Intriguée, Me Isabelle Hamel-Hébert a alors fait des recherches pour connaître quelles étaient les ressources d’informations à la disposition de ces personnes.

« Le fait que des personnes s'auto-représentent peut poser des difficultés à tout le monde au tribunal que ce soit pour le juge ou la partie adverse. Ça peut rajouter de la lourdeur et des délais pour tout le monde », confie l’avocate.

Si des centres de justice de proximité existent bel et bien, cela reste très limité sur le plan des conseils fournis. Le constat est donc clair : il y a un véritable vide dans l’offre de services.

La raison principale qui pousse les gens à s’auto-représenter est le manque d’argent. Il y a même certains clients qui engagent un avocat et qui, au bout d’un certain temps, n’ont plus de fonds suffisants.

« Les gens avec qui je travaille ne sont pas démunis, ce sont des gens qui sont plutôt dans la classe moyenne. Malgré un certain salaire, ça reste inaccessible d’être représenté par un avocat ».

Face à l’impossibilité d’être représenté par un avocat, l’article 23 du code de procédure civil s’impose donc comme une alternative intéressante. Seulement voilà, s’il est possible de s’auto-représenter, aucun moyen n’est véritablement mis en place pour que les justiciables puissent le faire efficacement.

Cet article a été inséré en 2016 dans le nouveau code de procédure civile. Auparavant, les dispositions législatives étaient peu claires à ce sujet. Un manque de clarté qui se perçoit à travers l’absence de connaissance des avocats sur ce sujet.

Mais, concrètement, à qui s’adresse cette école ? Principalement aux parents qui se séparent, explique la fondatrice de l’école d’autodéfense légale.

Et celle-ci de préciser : « Dans le cas où la médiation ne fonctionne pas, ils vont devoir faire trancher leur différend devant un juge. On a développé tout un programme de coaching avec toutes les étapes auxquelles le client va être confronté ».

Une offre de service en vices cachés existe également. Dans le futur, Me Isabelle Hamel-Hébert aimerait développer des services qui concernent les tribunaux administratifs du logement.

Formation en amont

Concernant le choix des dossiers, l’avocate reconnaît qu’une sélection s’opère en amont : « On ne va pas prendre les réclamations qui nous semblent frivoles ou abusives. On fait tout de même une première analyse ».

Les clients vont avoir accès à une formation en ligne qui va les familiariser avec le vocabulaire juridique. Ils peuvent ainsi consulter, à leur gré, des capsules vidéo préenregistrées. Ces vidéos sont assez courtes pour que les gens puissent faire ça à côté de leurs autres tâches du quotidien.

Il existe aussi des programmes d’accompagnement et des groupes de conseils qui vont permettre de donner des conseils légaux et stratégiques.

Une équipe de coachs spécialisés en préparation mentale est également disponible. Et pour cause, se retrouver dans une salle d’audience n’est pas une chose évidente, et ce, même pour un avocat aguerri.

Les protocoles juridiques peuvent également effrayer les justiciables. « Les avocats ont une façon de rédiger très spéciale qui est propre au domaine, ça crée tout un tas de biais perceptifs dans la population. Cela peut être assez agressif sans que ce soit l’objectif de l’avocat qui le rédige », confie Me Isabelle Hamel-Hébert.

Les termes utilisés peuvent être complexes. Le but est donc de faire en sorte que les gens soient plus à l’aise avec cet univers et rendre tout cela accessible.

D’un point de vue financier, cette démarche est assurément plus intéressante en comparaison avec le suivi d’un dossier par un avocat. La formation qui s’étend sur un an et qui permet d’avoir un vrai accompagnement avec des conseils réguliers et des formations pertinentes s’élève à 7200 dollars.

Du temps

L’avocate fait remarquer que ceux qui sont représentés par un avocat passent également énormément de temps sur leur dossier, car ils doivent constamment fournir des informations à leur avocat.

Néanmoins, l’auto-représentation nécessite tout de même un plus grand investissement. C’est pour cette raison que tout le monde n’est pas capable de se lancer dans une telle procédure.

« Il faut avoir la capacité de prendre le temps, il faut se dire qu’on va vivre sur le long terme des hauts et des bas. Il faut aussi être capable de s’exprimer de façon correcte à l’écrit et à l’oral », confie Me Isabelle Hamel Hébert.

L’article 23, un processus d'empowerment aux mains des justiciables ? C’est assurément le constat fait par l’avocate. « Les gens sont au départ peu confiants. C’est pour ça que les groupes sont intéressants parce que les gens partagent leur réussite, les clients réalisent que c’est possible ».

Avec cette pratique, il y a une véritable prise de confiance et de pouvoir. Et pour cause, l’idée de parler pour soi même sans intermédiaire change complètement la donne.

« Finalement, les bénéfices qu’on voit sont plus beaucoup plus larges qu’une simple décision de justice. Il y a un vrai changement chez l’individu qui s’opère. C’est une reprise de pouvoir sur leur vie qu’on leur propose », se réjouit Me Isabelle Hamel-Hébert.

Dans les salles d’audience, la grande majorité des acteurs des tribunaux se montrent très conciliants. Ils prennent ainsi le temps d’expliquer aux personnes qui s’auto-représentent tous les processus juridiques qui peuvent s’avérer complexes. Les clients reviennent alors avec une perception complètement changée du milieu de la justice.

En définitif, avec cette école, Me Isabelle Hamel-Hébert propose un nouveau modèle de justice. L’avocate donne la possibilité à ses clients de s’investir totalement dans leur dossier. Un investissement qui renforce, assurément, les chances de succès…

« Peu importe le nombre d’années d’expériences de l’avocat face auquel on va faire face, ce qui compte ce sont les faits et notre capacité à défendre notre dossier. Il n’y a personne qui connaît mieux un dossier que la personne qui l’a vécu elle-même », conclut l’avocate.