Grandes causes

"Black Monday" pour Conrad Black

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Rene Lewandowski

2007-12-11 08:36:00

La juge Amy St. Eve a imposé hier une peine de six ans et demi à Conrad Black pour fraude et entrave à la justice en cour fédérale au palais de justice de Chicago. Deux avocats québécois commentent la sentence.

Jean-Claude Hébert, criminaliste chez Hébert, Downs.
D’entrée de jeu, le criminaliste admet de pas être étonné de la peine imposée à l’ex magnat de la presse. « Une sentence juste et équitable », dit-il.

Selon lui, la juge a respecté le principe d’équité procédurale qui consiste à juger une personne en fonction des règles qui étaient en vigueur au moment où les crimes ont été commis. Rappelons-le, pour obtenir une plus grosse peine, la poursuite voulait que la sentence soit basée sur les nouvelles lignes directrices, entrées en vigueur aux États-Unis à la suite des nombreux scandales financiers. Or, les incidents reprochés à Conrad Black étaient antérieurs, et cela aurait été une totale injustice de le juger en fonction de ces nouvelles lignes, estime l’avocat.

Ce qui surprend Jean-Claude Hébert est davantage l’amende de 125 000$ imposée à M. Black, qu’il estime petite, compte tenu des fraudes et montants en jeu. Il soutient que la juge a probablement pris en considération les recours parallèles intentés contre Conrad Black pour prendre cette décision. Il rappelle que l’accusation la plus grave dans ce procès est l’entrave à la justice, et que, dans ce type de délits, la peine de prison est un châtiment bien plus indiqué que l’amende monétaire. « Car on veut donner l’exemple », dit-il.

Simon Potter, associé, spécialiste en arbitrage et droit du commerce et de l’investissement international, McCarthy Tétrault.
Même si la sentence ne l’étonne guère, il la trouve néanmoins très sévère « pour nos oreilles canadiennes ». D’autant plus que la juge a refusé la liberté provisoire à Conrad Black durant les procédures d’appel; il devra donc entrer en prison au plus tard le 3 mars 2008. Vrai que la sentence ressemble étrangement à celles imposées récemment au Canada – Pensons au scandale des commandites.

Mais, fait valoir l’avocat, la grande différence réside dans les libérations conditionnelles : au Canada, on peut s’en tirer après avoir purgé le tiers de son temps, alors qu’aux États-Unis, lors d’une poursuite fédérale, il faut purger au moins 85% de la peine avant d’obtenir la possibilité d’être libéré. Conrad Black devra donc passer au moins cinq ans et demi derrière les barreaux.

Simon Potter soutient qu’on ne peut comparer les faits reprochés à Conrad Black à ceux des dirigeants d’Enron ou autres entreprises impliqués dans les scandales financiers. « Dans Enron, des milliers de personnes ont tout perdu », dit-il.
Dans ce cas-ci, Il se demande si les poursuites contre M. Black ont bien servi les actionnaires d’Hollinger International. Entre avril et décembre 2004, rappelle-t-il, l’action de la compagnie oscillait entre 18 et 20$; depuis les procédures judiciaires, l’action a dégringolé autour de 1$. « N’aurait-il pas mieux valu négocier à l’amiable avec M. Black? »

Il est en revanche lui aussi étonné de l’amende de 125 000$. « C’est sans conséquences », dit-il. Il souligne que la juge a ordonné une restitution de 6,1 M$, mais même là, c’est peu, estime-t-il, compte tenu que la poursuite exigeait une remise de 32 millions$.

L’avocat soutient par ailleurs que les gens d’affaires canadiens devraient tirer des leçons de ce procès. Particulièrement ceux qui font des affaires aux États-Unis. « Les lois et coutumes américaines sont bien plus sévères que chez nous, dit-il. Nos officiers et membres de conseils d’administration devront garder ça à l’esprit avant de poser des gestes. »
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