Nick Rizzuto était un "homme bon"

Agence Qmi
2013-02-21 07:00:00
Il a raconté à la procureure Me Sonia Lebel qu'il fréquentait le patriarche Nick Rizzuto et ses fidèles soldats à l'occasion, la plupart du temps au café Consenza, reconnu comme le quartier général du clan mafieux, et qu'il ne le regrettait pas. Cette proximité l'aurait amené à jouer le rôle du messager, sans qu'il s'en aperçoive, a-t-il expliqué, candide.

Ses liens avec la famille auraient incité Paolo Catania, le fils de Frank Catania, à faire appel à lui pour qu'il contacte le cercle mafieux afin de savoir s'ils seraient présents à la fête de retraite de son père, en 2005. Le commissaire Lachance a alors insinué que Nicolo Milioto devait être considéré comme une porte d'entrée pour joindre Rizzuto père et ses disciples.
«C'est possible, tout le monde savait que je les connaissais. (…)Mais d'après mon expérience, tout le monde pouvait avoir accès à ce monde-là (…) Je ne sais pas pourquoi il m'a appelé moi, mais il m'a appelé et j'ai fait le travail», a raconté M. Milioto en guise d’explications.
Il a juré qu'il ne tirait aucun avantage ou désavantage à côtoyer ce milieu. Qu'il rendait simplement des services. «Eux-autres, ce qu'ils faisaient, ce n’était pas mon affaire».
Milioto, facteur malgré lui
Il aurait ainsi fait le facteur entre l'ex-entrepreneur Lino Zambito et Nick Rizzuto, puis entre ce dernier et Frank Catania, qui dirigeait à l'époque Construction F. Catania.
Chaque fois, il s'agissait de transmettre de l'argent, des liasses de billets.

«C'est parti d'un petit service, qui s'est transformé en une routine. Ç'a à l'air niaiseux, mais j'ai embarqué là-dedans sans savoir pourquoi, et j'en suis rendu là […] C'est devenu un engrenage, c'est venu tout seul. Pour rendre service à quelqu'un, sans penser le danger qui pouvait m'arriver», a-t-il avancé.
Tout en réaffirmant avoir beaucoup de respect pour Nick Rizzuto, il a ajouté qu'il regrettait aujourd'hui d'avoir servi de messager pour lui et pour le Consenza. «Ça je le regrette vraiment.»
Collusion
En fin de matinée, la commission a interrogé le témoin concernant la collusion entourant les contrats octroyés par la Ville de Montréal.
Un tableau réunissant 53 entrepreneurs qui ont tenté d'obtenir des contrats relatifs aux trottoirs (spécialité de Mivela Construction) entre 1996 et 2011 lui a été présenté.
Me LeBel a fait remarquer à Nicolo Milioto qu'après le début des années 2000, plusieurs compagnies «disparaissent» ou «n'osent plus soumissionner» avant de revenir graduellement à partir de 2011. La procureure en chef a alors fait remarquer que les cinq compagnies qui sortent du lot et qui reviennent au fil des ans ont un lien avec Cattolica Eraclea et a demandé au témoin s'il était en mesure d’en expliquer la raison.
«Je ne vois pas aucun lien avec l'origine italienne ou avec le Consenza. D'après moi, c'est parce qu'on est plus performants. C'est ouvert à tout le monde», a-t-il affirmé. Il s’en est suivi un échange rappelant le manque de collaboration flagrant de Milioto la veille.
- Votre survie n'est pas plutôt due à l'entente entre vous? a suggéré Me LeBel.
- Non, madame, a-t-il répondu.
- Votre survie n'est pas plutôt due au fait que vous avez fermé le marché et empêché d'autres personnes de percer ?
- Non, madame.
- Votre survie n'est pas plutôt due au fait que vous êtes tous de la même origine et que ça crée un lien entre vous et que vous avez décidé d'exclure d'autres personnes de ce marché?
- Non, madame.
- Votre survie n'est pas plutôt due au fait que vous avez un lien avec le crime organisé qui supervise ce marché et qui vous aide à le fermer?
- Non, madame.
Des dizaines d'appels
En après-midi, Nicolo Milioto a été confronté à une partie du témoignage livré devant la commission Charbonneau l’automne dernier par l'entrepreneur Michel Leclerc, de Terramex.
M. Leclerc avait entre autres raconté que Mivela Construction faisait partie d'un système de collusion et que Terramex avait même une entente pour partager le travail avec l'entreprise de Nicolo Milioto. Ce dernier a nié en bloc ces affirmations.
La procureure a alors présenté à Nicolo Milioto un registre téléphonique prouvant que les deux entrepreneurs s'étaient parlé à 77 reprises entre 2004 et 2010 et que chacun de ces appels a duré moins de trois minutes.
Ce registre démontre que Michel Leclerc avait appelé Nicolo Milioto le 15 février 2008, le jour même de la publication d'un appel d'offres pour un contrat de plus de 3 millions $. Les deux hommes s’étaient aussi parlé le 5 mars, le jour de l'ouverture des soumissions du même contrat. Leclerc et Milioto s’étaient téléphoné la veille de la publication d'un autre appel d'offres en 2004.
En guise de réponse, Milioto a affirmé ne pas se souvenir de la teneur de ces appels et expliqué qu'ils auraient pu se parler «pour mille et une raisons». Il a affirmé n'avoir jamais parlé d'un appel d'offres avec Michel Leclerc.
Les preuves de la commission démontrent également qu'au moins 56 appels ont eu lieu entre Milioto et Lino Zambito (Infrabec) entre le 27 juin 2007 et le 26 septembre 2009. Le témoin a aussi eu 691 conversations téléphoniques avec Joey Piazza (TGA) entre le 17 décembre 2003 et le 30 mars 2011.