Elle quitte un cabinet prestigieux pour voler de ses propres ailes

Sonia Semere
2025-06-13 15:00:49

Après sept années de pratique chez Woods, Me Justina Di Fazio prend son envol en se lançant en solo. Un virage réfléchi, motivé par des raisons personnelles.
« Je suis maman de deux jeunes garçons très énergiques, qui demandent beaucoup de temps, de présence et de patience », confie-t-elle à Droit-inc.
Avec le rythme imposé par la pratique dans un cabinet établi, celle-ci sentait qu’elle perdait de plus en plus le contrôle sur son horaire.
« J'ai réalisé que ce n’était pas le travail lui-même qui posait problème, c’était plutôt le cadre. Le mode de fonctionnement d’un cabinet traditionnel n’était plus compatible avec le style de vie que je souhaitais pour ma famille et moi ».
Sa décision de se lancer en solo s’inscrit d’abord dans une volonté de reprendre le contrôle sur son temps, sans pour autant renoncer à ce qu’elle aime dans la pratique du droit.
Il faut dire que le contexte actuel facilite grandement la pratique en solo. Et pour cause, la profession a évolué ces dernières années : plus besoin d’un bureau physique, d’une bibliothèque juridique complète, ni même d’une adjointe à temps plein.
Avec son cabinet sobrement baptisé Di Fazio Legal, l’avocate, qui exerce à domicile, fait le pari d’une pratique axée sur la qualité et l’accessibilité.
« L’idée, c’est d’offrir des services de qualité mid market, comme on dit en anglais. Je veux vraiment combler l’écart qu’on retrouve entre les services juridiques très abordables, mais parfois limités, et ceux qui sont franchement inaccessibles pour beaucoup ».
Me Di Fazio souhaite, pour le moment, se concentrer sur le développement naturel de sa clientèle, en misant sur les références d’anciens collègues ou de contacts personnels, tout en élargissant progressivement son réseau.
Côté tarification, elle indique proposer des prix fixes ainsi que des mandats à taux horaire, selon les besoins et contraintes de ses clients.
Une passion pour le litige
Chez Woods, Me Di Fazio estime avoir été à la meilleure école pour faire du « vrai litige ».
« C’est drôle, parce que j’en parlais justement avec un ancien collègue du cabinet. Si tu veux devenir un plaideur, un litigator au sens fort du terme, il n’y a pas vraiment de meilleur endroit ».
Ce que le cabinet lui a appris? L’exigence de qualité, sans aucun doute.
« J’ai appris à offrir un service rigoureux et professionnel, à établir une vraie relation de confiance avec les clients, et à maintenir un niveau d’excellence constant. On m’a vraiment donné ma chance : j’ai eu l’opportunité d’aller à la cour, de gérer des appels clients seule, de mener des dossiers en première ligne ».
De quoi lui permettre de développer ses habiletés en profondeur, non seulement en droit, mais aussi dans sa façon de collaborer avec ses collègues.
Sa passion pour le litige a commencé lors de son stage chez Blakes. Le litige, à ses yeux, c’est comme résoudre un casse-tête : tu ramasses des pièces ici et là, des documents, des témoignages, et tu dois bâtir une histoire cohérente, juridiquement solide.
« J’adorais faire ces liens, dégager le fil conducteur dans le flot d’informations. C’était engageant, vivant ».
Une vision personnelle de la pratique
Mais comment Me Di Fazio compte-t-elle se distinguer maintenant qu'elle se lance en solo? Quelle est sa singularité en tant qu'avocate en litige?
Selon elle, le litige n’est pas seulement une question de droit, c’est aussi une charge émotionnelle, un coût en temps, en énergie et en ressources.
« Je pense qu’un bon conseil juridique, ce n’est pas seulement de dire au client ce qu’il a le droit de faire, mais aussi de l’aider à évaluer si ça vaut vraiment la peine d’aller jusqu’au bout ».
Pour une entreprise, un litige, c’est souvent une distraction de son cœur d’activité. Et pour une personne, c’est un poids dans sa vie personnelle, assure l’avocate.
Dans sa pratique, Me Di Fazio prend le temps de discuter avec son client, de bien comprendre son objectif, pas juste juridique, mais aussi humain, stratégique, émotionnel, et ensuite de lui présenter ses options.
« Ce qui me distingue, je crois, c’est que même si je suis une avocate de litige formée pour aller jusqu’au procès, je ne vois pas toujours le procès comme la meilleure solution ».
Mais avant tout, l’avocate tient à toujours revenir à une question centrale : Quel est l’objectif réel du client? Parfois, l’objectif n’est pas strictement juridique, c’est une question de justice, de reconnaissance, de réparation, ou simplement de tourner la page.
Vers une nouvelle culture du droit
La pratique en solo serait-elle un moyen pour les avocats de changer la culture du droit? Selon Me Di Fazio, les avocats plus récemment entrés sur le marché jouent un rôle essentiel dans cette transformation culturelle.
« Ils amènent avec eux un regard plus critique sur les conditions de travail dans les cabinets privés. Ils arrivent avec l’idée qu’ils peuvent avoir une carrière exigeante, mais aussi une vie personnelle bien remplie ».
Et pour cause, les jeunes avocats, plus conscients de la nécessité de préserver leur santé mentale, ne veulent plus nécessairement d’un mode de vie où le travail empiète constamment sur les soirs et les fins de semaine.
Pour Me Di Fazio, il existe désormais de multiples chemins alternatifs pour les diplômés en droit.
« Un bac en droit, ce n’est jamais perdu. Même si tu ne pratiques pas comme avocat, tu vas l’utiliser, dans ta façon de penser, d’analyser, de négocier, de structurer une idée. Le droit, c’est aussi un cadre intellectuel, un esprit logique et critique, qui te suit où que tu ailles. Bref, le changement de culture est là. Et je pense que c’est pour le mieux ».