Cinéma

Séance ciné : amour, domination et FNC

Main image

Céline Gobert

2012-10-12 17:00:00

Entre les sorties ciné et le Festival du Nouveau Cinéma, qui a ouvert ses portes mercredi soir, l’automne montréalais déploie un gigantesque catalogue de films…Que choisir ? On vous aide à y voir plus clair.
F comme Festival

La mise à l’aveugle, œuvre québécoise signée Simon Galiero, a ouvert la 41ème édition du Festival du Nouveau Cinéma, ce mercredi 10 octobre. Un joli portrait de femme, aux dialogues savoureux et au sous-texte misanthrope qui a donné le ton.

En effet, le FNC- qui dure une dizaine de jours- brille cette année par une riche programmation, où se côtoie films mexicains, américains, canadiens, français, roumains, et l’on en passe. Un vrai tour du monde.

Ainsi, vous aurez la chance de découvrir, souvent en avant-premières mondiales ou nord-américaines des œuvres aussi attendues que La Chasse de Thomas Vinterberg (à Cannes en mai dernier), Dans la maison de François Ozon, La part des anges de l’anglais Ken Loach ou encore Life of Pi d’Ang Lee.

Si, malgré tout ce que propose le FNC, vous préférez éviter les longues files d’attente du festival, voici deux suggestions pour votre fin de semaine : Le Maître de Paul Thomas Anderson, et L’amour dure trois ans de Frédéric Beigbeder.

F comme Foi

La terre, la foi, les rapports hommes/femmes, dominants/dominés, le pouvoir des uns sur les autres, les fondements de l’Amérique : voilà le terreau habituel des films de Paul Thomas Anderson, de There will be blood à Magnolia.

Avec The Master, œuvre grandiose et ambitieuse filmée en 65 mm, PTA frappe fort, via des thématiques qu’il fouille avec une violence atypique, via une empreinte formelle reconnaissable, entre beauté du cadre (bel hommage au cinéma américain des années 50) et fureur latente. Comme d’habitude, ses personnages sont gangrénés de l’intérieur par des traumas indicibles : pulsions de mort, obsession du vice (alcool, sexe, contrôle d’autrui), volonté de (auto) destruction.

The Master est un film complexe, difficile d’accès, bouillonnant d’idées et de niveaux de lecture. Lecture historique d’abord, avec d’un côté le personnage du leader Lancaster Dodd (Philip Seymour Hoffman) qui s’inspire librement du vrai Ron L. Hubbard, fondateur de l'Église de scientologie ; avec de l’autre, des figures hantées par les démons post-war, fantômes de haine et de sang avec lesquels il faut vivre.

Lecture psychologique ensuite avec l’étude de la relation trouble entre un ex-soldat paumé et alcoolique (Joaquin Phoenix, qui livre une prestation in-cro-ya-ble) et le gourou tyrannique : chez eux, on y trouve du rapport père/fils, aux allures d’esclave et de maître, où le désir fou de domination du leader répond sans cesse à la soumission acceptée du sujet.

Ainsi, les personnages révèlent-ils une société et un monde où la liberté de l’individu n’est que leurre puisqu’articulée autour de celles des autres. PTA, avec The Master, puise dans l’inconscient humain, pour offrir une réflexion poussée et intense sur les notions d’ascendance, de transmission, d’identité.

Il y questionne la foi, la croyance, le non-sens de l’existence, les dérives humaines, l’inné, l’acquis, et pose mille interrogations via les liens qui unissent ses protagonistes : comment être soi si l’on est façonné et par autrui et par son passé ? Se libère-t-on de soi en s’abandonnant à l’autre ? Qui crée la dépendance ? Peut-on s’en défaire ? Ne sommes-nous que les produits de nos environnements ?

D’un bout à l’autre maître de son récit et de sa mise en scène- anxiogènes, denses, profonds-, PTA semble remonter jusqu’aux racines des dysfonctionnements humains : des penchants belliqueux à l’instinct de domination. Son Master, à coup sûr, va rafler quelques Oscars.

F comme Frédéric

Le bonheur n'existe pas. L'amour est impossible. Rien n'est grave. Voilà le mantra beigbederien qui hante le premier film branché de l’auteur. On y retrouve donc tout ce qui fait le sel de son oeuvre (cynisme et bons mots), et tout l’atypisme de l’écrivain.

L’histoire, pour ceux qui ont lu le livre, suit à la lettre le roman : Marc Maronnier (Gaspard Proust, double de Beigbeder) aime Anne, ils se quittent, il abhorre l’amour, puis, aime Alice.

Chez Beigbeder, l’amour est un cercle vicieux, des promesses non tenues, un « combat perdu d’avance », écrit-il.

De cette ironie dramatique qui vient frapper même les plus blasés des humains, il tire les plus belles séquences de son film. D’une intro aux doux accents cruels où les mignons débuts amoureux s’étiolent à la vitesse éclair, à des instantanés de romcom à la française, on est quelque part entre désespoir allenien et romantisme guimauve US.

Beigbeder, lui, s’engouffre entre les deux : il est l’adulte nihiliste et le garçon naïf, celui qui n’attend plus rien, et celui qui veut (encore) croire à tout. Ainsi est-il capable de nous jouer dans une même séquence le couplet de l’auteur maudit, et celui de l’amoureux fou ; revêtant mille visages : misogyne désabusé, adepte du donjuanisme, goujat malgré lui.

La forme s’amuse de tant d’incertitudes, tantôt légère, tantôt précise, capable du meilleur (duplication du « moi » qui écrit pour signifier l’inévitable schizophrénie littéraire), comme du pire (Les Moulins de mon cœur, Legrand, une plage, un piano : kitsch à souhait !).

Quoiqu’il en soit, L’amour dure trois ans, fraîche parenthèse au ton irrévérencieux et au casting in (Louise Bourgoin et Joey Starr), badine comme il est bon de badiner : avec classe, intelligence, et un (réjouissant) brin d’outrecuidance.
4412
Publier un nouveau commentaire
Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires