18 607 $ pour une prise forcée de température rectale!

Agence Qmi
2014-02-11 13:15:00
Mais l'infirmerie de la prison était en rupture de stock le 9 septembre 2006. À la place, le menuisier de formation avait pris des comprimés offerts par un codétenu, ce qui l'avait rendu malade. Le jour même, il était envoyé à l'hôpital.
La première nuit s'est passée sans encombre. Beshara avait même accepté qu'un infirmier prenne sa température par voie rectale.
C'est le deuxième jour que l'affaire a mal tourné, quand l'infirmier est revenu dans la chambre où Beshara était menotté.
«Selon les défendeurs, (Beshara) est devenu agressif, a arraché son intraveineuse et s'est mis à saigner, à cracher et à injurier l'infirmier et deux agents des services correctionnels», peut-on lire dans le jugement rendu la semaine passée au palais de justice de Montréal.
Il «s’est senti violé»

Et devant le tribunal, Beshara a expliqué qu'il s'était senti «violé» par l'infirmier.
«Il n'y avait aucune raison pour qu'il touche mon rectum, ok?, avait-il dit au juge Benoît Emery. La nuit d'avant, c'était les procédures et je comprends ça. Mais le lendemain, ce n'était pas les procédures et j'ai refusé.»
Bien que le juge ait rappelé que le geste posé par l'infirmier n'était pas une agression sexuelle, il a quand même accordé 18 607,03 $ au plaignant à titre de dommages. Car l'hôpital avait admis que l'acte de l'infirmier avait été posé sans le consentement du patient.
Beshara demandait au début 200 000 $ à l'hôpital, à un médecin et à l'infirmier, ainsi qu'aux services correctionnels.
Punitions
Même s'il se dit content d'avoir enfin eu gain de cause, Beshara explique avoir subi de nombreux inconvénients à la suite de l'incident.
À son retour à la prison de Bordeaux, il a été envoyé au trou pendant quelques jours. Et toutes ses plaintes ont été rejetées, dit-il.
L'avocat de Beshara, Me George Calaritis, s'est d'ailleurs dit déçu que le dossier ait traîné toutes ces années. D'autant plus que l'infirmier a avoué ses torts il y a trois ans, a-t-il expliqué au Journal.
Beshara qui dit être abstinent de toute drogue depuis trois ans, envisage de remettre une partie de l'argent reçu à des organismes de lutte contre l'hépatite C et la maladie d'Huntington.
Une question de principe, selon son avocat
«Quand un patient entre dans un hôpital, il devrait être traité de la même façon, qu'il soit détenu ou premier ministre», a lancé l'avocat de John Beshara, hier.
Selon Me George Calaritis, John Beshara s'est battu pendant presque huit ans par principe puisqu'il s'agissait, selon lui, d'un cas clair de violation de consentement. D'autant plus que l'expérience avait été traumatisante.
«Les règles existent pour une raison, explique l'avocat. Peu importe que ce soit un détenu, une personne âgée ou un témoin de Jéhovah, les gens doivent avoir le droit de choisir d'accepter ou non de recevoir un soin. Aujourd'hui, c'est un thermomètre rectal, demain ce sera quoi?»
Théorie et pratique

M. Bernheim explique que lorsqu'un détenu est amené à l'hôpital, il reste sous le contrôle des services correctionnels.
Et le personnel médical pourrait être «plus ou moins contraint» à administrer les soins d'une façon différente que pour les patients réguliers.
«Ce n'est pas toujours facile pour les médecins», croit-il.
Jusqu’au bout
Beshara, de son côté, s'est dit heureux de s'être battu jusqu'au bout pour faire reconnaître ses droits. Il dit avoir refusé une entente à l'amiable, pour pouvoir parler ouvertement de cette problématique.
«Ce n'était pas une question d'argent, je voulais un jugement pour que ce soit rendu public, a conclu Beshara. Une prise de température rectale, c'est très personnel. Les gens devraient avoir le droit de choisir.»
L'Hôpital du Sacré-Coeur n'a pas souhaité commenter l'affaire. Jointe au téléphone, Michèle Fournier, du service des communications, n'a pas voulu dire ce qu'il était advenu de l'infirmier fautif dans cette affaire.
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