Des juristes francophones demandent plus de juges bilingues
Radio -canada
2022-11-03 12:00:00
L'AJEFM demande que cette mesure soit incorporée au projet de loi actuellement à l'étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
Le mémoire de l’organisme a été soumis au Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, et la vice-présidente de l’organisation, Karine Pelletier, prendra la parole devant le comité jeudi.
Le gouvernement fédéral nomme les juges de cours supérieures des provinces et des territoires, telles que la Cour du banc du Roi du Manitoba. « Le gouvernement fédéral doit agir de manière proactive pour assurer la présence d’un noyau ou d’une masse critique de juges bilingues au sein des tribunaux en question », soutient l’AJEFM dans son mémoire.
« Or, le système actuel de nominations à la magistrature accorde un large pouvoir discrétionnaire au ministre de la Justice du Canada. Au fil des années, ce système n’a généralement pas bien répondu aux intérêts et aux besoins des collectivités francophones minoritaires », poursuit le document.
L’AJEFM souligne l’importance d’intégrer cette responsabilité du gouvernement à la Loi, plutôt que de l’inscrire dans un règlement. Cette proposition fait écho des propos de la Fédération des associations de juristes d’expression française de common law (FAJEF).
Vers une absence de juges bilingues au Manitoba
La proposition de l’AJEFM est d’autant plus d’actualité au Manitoba que la province vient de perdre son juge en chef bilingue, Richard Chartier. Il a pris sa retraite le 30 octobre. « Jusqu’à tout récemment, la Cour d’appel était en mesure de créer une formation de trois juges bilingues pour entendre des appels en français », note l’association.
Maintenant, « les deux autres juges bilingues sont surnuméraires et pourraient arrêter de siéger à tout moment », ajoute l’AJEFM.
D’autres juges de la Cour d’appel du Manitoba prendront vraisemblablement leur retraite cette année. Il est probable qu’au moins certains des juges qui seront nommés à ce tribunal viennent de la Cour du Banc du Roi du Manitoba, ce qui entraînerait des postes de juges à pourvoir à la Cour du Banc du Roi.
Cette cour supérieure compte deux divisions : la division générale et la division de famille. Deux juges de la division générale prennent en charge la majorité des causes bilingues ou en français.
Une iniquité pour les francophones
Ce sont aussi les deux juges qui prennent en charge les causes francophones de la division de la famille, puisqu’aucun juge de cette division ne connaît suffisamment le français. Or, c’est justement en droit de la famille que l’AJEFM relève un besoin croissant de services en français.
« Dans cette situation, les justiciables francophones sont à notre sens traités de manière inéquitable, puisque leurs causes en matière de droit de la famille sont entendues par des juges non spécialisés dans ce domaine, alors que les justiciables anglophones ont accès dans la plupart des causes de cette nature à des juges spécialisés en droit de la famille », note le mémoire.
Aucun des conseillers maîtres de la province ne possède une connaissance suffisante du français pour prendre des dossiers dans cette langue. Encore une fois, ce sont les juges bilingues de la division de la famille qui doivent donc se charger ces dossiers.
L’AJEFM demande alors au ministre de la Justice, David Lametti, la nomination de deux juges bilingues à la Cour d’appel et de deux juges bilingues à la Cour du Banc du Roi. « Depuis 2015, le gouvernement fédéral a nommé une seule personne considérée bilingue aux cours supérieures du Manitoba », note le mémoire.
« Il n’y a présentement aucun poste vacant à la Cour du Banc du Roi, et le ministre Lametti nommera des juristes hautement qualifiés à la Cour d'appel en temps opportun », dit dans un courriel Chantalle Aubertin, l'attachée de presse du ministre de la Justice.
« Notre gouvernement est fier du processus rigoureux, transparent et responsable de nomination des juges que nous avons mis en place pour identifier des candidats exceptionnels qui reflètent la diversité du Canada », note-t-elle en soulignant que le gouvernement Trudeau a nommé plus de 575 juges.