Droits linguistiques : la Cour suprême entendra l’appel de l’aéroport de Saint-Jean

Radio Canada
2025-09-02 12:00:27
La Cour fédérale avait statué que l'aéroport de Saint-Jean, à Terre-Neuve-et-Labrador, avait violé la Loi sur les langues officielles.
La Cour suprême du Canada entendra l’appel du plus important aéroport de Terre-Neuve-et-Labrador, condamné à payer des milliers de dollars pour avoir violé la Loi sur les langues officielles. La cause est le résultat de six plaintes déposées devant le Commissariat aux langues officielles (CLO) en 2018.

Elle oppose l’aéroport de Saint-Jean et Michel Thibodeau, un francophone d’Ottawa qui a signalé l'absence de communications bilingues à l’aéroport sans jamais y mettre les pieds. Le CLO a statué que l’aéroport n'avait pas traduit plusieurs informations sur son site Internet, dont son adresse URL. Presque toutes ses publications sur les réseaux sociaux étaient uniquement en anglais, tout comme ses rapports annuels, son plan de développement et ses communiqués de presse.
En 2022, la Cour fédérale a finalement condamné l’administration aéroportuaire à verser 11 000 $ à Michel Thibodeau, même si le juge a reconnu qu’il ne s’était jamais rendu physiquement à l’aéroport avant de déposer ses plaintes.
Il a constaté les faits en effectuant des recherches sur Internet, a écrit le juge Sébastien Grammond. Il ne s’agit pas d’un cas où les dommages-intérêts visent à indemniser un préjudice individuel, a-t-il ajouté. Il est nécessaire d’octroyer des dommages-intérêts pour assurer la défense des droits linguistiques et la dissuasion.
L’aéroport ne jette pas l'éponge
L’administration aéroportuaire reconnaît qu’elle se situe dans une capitale provinciale et qu'il accueille plus de 1 million de passagers par année, ce qui veut dire qu’elle doit communiquer avec les voyageurs dans les deux langues en vertu de la Loi sur les langues officielles. Mais selon la décision de la Cour fédérale, les bureaux de l'administration aéroportuaire représentent également un siège social assujetti aux mêmes règles que suivent les sièges des ministères fédéraux. L’organisme doit donc traduire toutes les informations transmises au public, qu’importe la demande des services bilingues.
L’administration aéroportuaire soutient toutefois que le Parlement fédéral n’a jamais envisagé un tel scénario quand il a privatisé plusieurs aéroports, dont celui de Saint-Jean, dans les années 1990.
Elle soutient que les aéroports privés sont exemptés des règles sur les sièges sociaux par la Loi relative aux cessions d’aéroports et que si la décision du juge Grammond est maintenue, les aéroports privés auraient plus d'obligations linguistiques que certains aéroports gérés par Transports Canada. L'administration aéroportuaire a porté la décision en appel, mais la Cour d’appel fédérale a maintenu la décision du tribunal inférieur en novembre dernier.
Ardent défenseur ou plaignant à répétition?
Si Michel Thibodeau se décrit comme un ardent défenseur des droits linguistiques, l’aéroport d’Edmonton l'a déjà qualifié de plaignant à répétition cherchant à monnayer ses droits linguistiques.
En 2022, l’Ottavien a reconnu avoir reçu plusieurs dizaines de milliers de dollars à la suite de plaintes déposées contre différents organismes régis par la Loi sur les langues officielles, mais il a toutefois rappelé les efforts qu'il avait déployés pour formuler d’innombrables plaintes contre une dizaine d’aéroports, Air Canada, VIA Rail, le Parlement fédéral, le ministère de la Défense nationale et la Commission de la capitale nationale.
Je pense que c'est une grande victoire pour les francophones, a-t-il dit en réaction à la décision de la Cour fédérale en 2022.
Retour à la Cour suprême pour Thibodeau
Ce n'est pas de la première fois qu’une cause impliquant Michel Thibodeau est entendue par la Cour suprême du Canada. Sa première saga judiciaire remonte à 2000, lorsqu'il a pris un avion d'Air Ontario, une filiale d'Air Canada, de Montréal à Ottawa. Il avait réclamé une boisson gazeuse à un agent de bord qui n'avait pas été en mesure de lui fournir le service en français. À bord d'autres avions, aucun agent de bord ne parlait français et le pilote s'était adressé aux passagers en anglais seulement. Le plus haut tribunal du pays a enfin entendu le litige en 2014, tranchant en faveur d'Air Canada.
Michel Thibodeau a décliné une demande d'entrevue jeudi. L’aéroport de Saint-Jean a décliné une demande d’entrevue. Dans un commentaire écrit, l'administration aéroportuaire explique qu'elle a demandé à faire appel, car elle estime que l'interprétation correcte de la Loi sur les langues officielles est une question d'importance nationale et publique. L'autorisation d'interjeter appel accordée aujourd'hui confirme l'importance de cette affaire.