Gilbert Rozon : « J’ai hâte que quelqu’un s’excuse »
Radio -canada
2022-03-24 12:54:00
L'ex-magnat de l'humour, visé par six poursuites civiles et plusieurs allégations publiques de crimes sexuels, défend sa réputation et fait des déclarations inédites dans des documents judiciaires obtenus par Radio-Canada.
L'homme d'affaires s'est livré pendant plusieurs heures lors de deux interrogatoires hors cour, menés en septembre dernier par visioconférence alors qu'il se trouvait en Europe, en prévision du procès en diffamation qu'il a intenté contre Julie Snyder et Pénélope McQuade.
La transcription de son témoignage sous serment, qui compte plus de 500 pages, a été rendue publique dans le cadre des procédures d'appel intentées par les deux femmes, qui affirment être victimes d'une poursuite-bâillon.
« Tout est faux », martèle le fondateur de ''Juste pour rire'' au sujet des allégations d'agressions sexuelles. « J'ai hâte que quelqu'un s'excuse d'avoir employé des termes et d'avoir menti », dit-il, en refusant l'étiquette d'agresseur.
Les déclarations de Gilbert Rozon n'ont pas encore subi le test des tribunaux, aucune date n'a encore été déterminée pour les procès civils.
Gilbert Rozon, 67 ans, se décrit comme un « homme à femmes » et un « gentleman ». En raison de sa notoriété, il aurait souvent dû repousser les avances des femmes pendant sa carrière et dit être demeuré « impeccable ». « La lumière attire », affirme-t-il. Il aurait pu en « abuser », mais il ne l'aurait jamais fait.
« Je me faisais draguer souvent, puis j'étais extrêmement courtois et poli et je refusais les avances » , dit Gilbert Rozon (extrait de documents judiciaires).
L'homme d'affaires réclame 450 000 $ à Pénélope McQuade et Julie Snyder, de même qu'à la maison de production de cette dernière, ''La Lune'', après la diffusion d'un segment dans l'émission ''La semaine des 4 Julie'' dans lequel elles soutiennent avoir été agressées sexuellement par Gilbert Rozon.
L'émission a été diffusée le 29 septembre 2020, soit quelques jours avant le début du procès criminel de l'homme d'affaires, accusé d'avoir agressé sexuellement Annick Charette, en 1980, à l'issue duquel il a finalement été acquitté.
Gilbert Rozon reproche à Julie Snyder et Pénélope McQuade d'avoir « prémédité » une sortie « épouvantable » pour tenter de lui nuire et d'influencer le cours de son procès. « C'est orchestré, ce n'est pas improvisé [...] comme pour influencer le juge », affirme l'homme d'affaires, en réponse aux questions des avocats des deux femmes.
Une « vengeance » de Julie Snyder
Julie Snyder a publiquement accusé Gilbert Rozon de l'avoir agressée sexuellement pendant qu'elle dormait, il y a plusieurs années. « Je dormais dans un endroit où il y avait des gens de ''Juste pour rire'', des artistes, des directeurs, des animateurs et, à un moment donné, tout le monde est parti voir un spectacle et ça s'est passé pendant que je dormais. Je ne pouvais pas dire non parce qu'on ne me l'a pas demandé. » Aucune accusation n'a été portée contre Gilbert Rozon, qui affirme que l'histoire est « abracadabrante » et nie avoir eu un rapport sexuel avec Julie Snyder.
Décrivant Julie Snyder comme une femme de « pouvoir », « charmante, charmeuse », il fait le récit d'une soirée survenue il y a une trentaine d'années, au cours de laquelle elle « s'est invitée » à son appartement de Paris, « tard » le soir, « en pyjama », « moulant », alors qu'elle était en « crisette » puisqu'elle venait de rompre avec le chanteur Patrick Bruel. « J'ai juste été très surpris qu'elle arrive aussi peu... aussi peu vêtue. Ce n'était pas obscène, là, c'est juste étonnant, quoi. »
Gilbert Rozon affirme que son frère et son assistante étaient présents chez lui. « J'ai besoin de réconfort », lui aurait dit Julie Snyder en arrivant. « Alors, moi, je l'ai prise dans mes bras, je l'ai serrée, puis elle continuait à trembler », soutient Gilbert Rozon, qui jure ne pas être allé plus loin.
La jeune femme serait finalement allée se coucher dans une chambre, seule. Gilbert Rozon affirme avoir tiré une leçon de cette soirée qu'il a trouvée longue : « ... à chaque fois suivante, qu'elle m'a appelé pour venir me voir, j'ai refusé que ça se passe à l'appartement, je l'ai fait dans un restaurant près, parce que je pouvais contrôler mon agenda ».
Il affirme avoir accordé plusieurs faveurs à la femme d'affaires tout au long de sa carrière et n'avoir jamais pu lui dire « non ». « Quand elle m'appelait, je savais toujours qu'elle avait besoin de quelque chose, c'était à sens unique. » Il croit que la productrice l'accuse faussement par « vengeance », puisqu'elle n'a pas obtenu de contrat dans le cadre des festivités du 375e anniversaire de la ville de Montréal, dont il a été le commissaire. « À partir de ce moment-là, elle m'en a voulu », dit-il.
Se basant sur des confidences qu'il dit avoir reçues de l'ex-mari de l'animatrice, Pierre Karl Péladeau, il soutient que Julie Snyder aime « jouer à la victime ».
« Ce sont nos nouveaux héros, les victimes. [...] Maintenant, aujourd'hui, un acte héroïque c'est d'être une victime », affirme-t-il.
Une époque « puritaine »
Au sujet du mouvement de dénonciations #MoiAussi, Gilbert Rozon réprouve les dénonciations sur les réseaux sociaux. « On est pas loin du Moyen- ge et de mettre des gens au pilori ». La société est devenue « puritaine », selon lui, « parce qu'on sait aujourd'hui qu'une agression se définit d'un simple regard insistant ou de regarder le corsage d'une femme ».
Gilbert Rozon affirme que ses relations sont encore difficiles avec « l'élite montréalaise » qui est « frileuse » de s'associer à lui à cause du mouvement #MoiAussi. S'il retournait à la tête de l'empire ''Juste pour rire'', il ne croit pas qu'il pourrait recevoir des subventions « parce que les politiciens seraient frileux ».
Pénélope McQuade « se trompe de gars »
En 2017, l'animatrice Pénélope McQuade a publiquement raconté avoir « figé » lorsque Gilbert Rozon s'est jeté sur elle dans une toilette du Musée Juste pour Rire, en 1997. Après lui avoir répété « non », elle aurait réussi à se sauver. Elle a porté plainte à la police, mais aucune accusation n'a été portée contre l'homme d'affaires.
Gilbert Rozon est « sidéré » par ces allégations et a un tout autre souvenir de cette soirée. Il affirme être entré dans la toilette, dont la porte était déverrouillée, et avoir été surpris par la présence de Pénélope McQuade « penchée sur le lavabo ». Il a cru « qu'elle se faisait une ligne de coke », a eu l'impression « de la prendre en état de péché », a trouvé le moment « extrêmement embarrassant » et est ressorti rapidement « comme un nono » avec « un rire nerveux ». Questionné avec insistance par l'avocat de Pénélope McQuade, Gilbert Rozon a admis ne pas avoir vu de drogue.
« Elle se trompe de gars », soutient Gilbert Rozon, qui nie tout geste déplacé.
Pénélope McQuade a répliqué à ces allégations dans une publication Facebook, mercredi. « J'ai fait ma dernière ligne [de coke] le soir de mon 18e anniversaire, après trois ans d'usage abusif. À 26 ans, je n'en faisais déjà plus depuis huit ans. » Elle soutient en avoir déjà parlé à la radio il y a quelques années. « Juste au cas où tu crois ce que tu lis ces temps-ci. »
« C'est tellement faux »
Sophie Moreau affirme avoir été harcelée et agressée sexuellement par Gilbert Rozon il y a une trentaine d’années alors qu’elle était adolescente. Aucune accusation n'a été portée contre lui. Elle le poursuit pour 250 000 $. Gilbert Rozon, qui était en couple avec la sœur de Mme Moreau, se défend. « Probablement que ça a été très frustrant pour elle que je choisisse sa sœur », dit-il, mentionnant qu'il s'était « toujours tenu loin d’elle ».
La comédienne Salomé Corbo soutient que Gilbert Rozon lui a fait subir des attouchements sexuels lorsqu'elle avait 14 ans « dans un gros party de fin de festival ». Aucune accusation n'a été portée contre l'homme d'affaires. « C'est tellement faux que c'en est presque ridicule », rétorque Gilbert Rozon, qui estime impensable que l'agression ait pu être commise sans qu'aucun invité ne réagisse.
Au sujet de son ex-belle-sœur Martine Roy, qui affirme aussi avoir été agressée sexuellement sans qu'aucune accusation ne soit portée, Gilbert Rozon nie et évoque que sa dénonciation visait peut-être à « mettre une pression sur le divorce » avec son ex-femme. « J'ai imaginé toutes sortes de folies. »
Le soutien de plusieurs amis
Gilbert Rozon affirme avoir reçu de nombreuses « félicitations » lorsque la Cour suprême a refusé d'entendre l'appel des Courageuses qui souhaitaient intenter un recours collectif contre lui et lorsqu'il a été acquitté par la Cour du Québec, en 2020. « Il y a du monde qui me prenait dans ses bras puis qui pleurait en me disant : « On a toujours cru en vous, puis on a prié pour vous ». » Même les Sœurs grises l'auraient appelé pour se réjouir. Ses amis, Laurent Ruquier, Franck Dubosc et Pierre-Marc Johnson, n'auraient jamais cessé de l'appuyer.
À la suite de son acquittement, « on tourne la page », dit le sexagénaire, visé par des poursuites civiles totalisant plus de 9 millions de dollars.
La Cour d'appel annoncera vendredi si elle accepte d'entendre l'appel de Pénélope McQuade et Julie Snyder. La Cour supérieure a récemment coupé court à leurs démarches pour faire reconnaître la poursuite en diffamation de Gilbert Rozon comme une poursuite-bâillon, une décision qu'elles souhaitent contester devant le plus haut tribunal du Québec.
Dans sa poursuite en diffamation contre Julie Snyder et Pénélope McQuade, Gilbert Rozon est représenté par Me Pascal Pelletier et Me Mélanie Morin de Pelletier et Cie.