La décision qui protège les procureurs

La Commission de la fonction publique a rendu une ordonnance de confidentialité permanente à la demande de l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales afin de protéger l'identité et les informations sensibles relatives à des procureurs visés par des mesures disciplinaires.
Droit-inc avait fait état de cette mystérieuse affaire en septembre dernier, quand la Commission de la fonction publique avait renouvelé des ordonnances de confidentialité provisoire. Ces ordonnances avaient été rendues dans la foulée de recours déposés par l'Association contestant la suspension de trois jours imposée à des procureurs du DPCP.
L'ordonnance de confidentialité permanente rendue le 26 novembre par la juge administrative Nour Salah entraîne la mise sous scellés, la confidentialité, la non‑publication, la non-divulgation et la non-diffusion permanentes de l’avis de mésentente ainsi que de tous les documents s’y rapportant et susceptibles d’identifier les personnes concernées.
Le public ne saura donc absolument rien des détails du litige ni de l'identité des individus.
Si le public est tenu à l'écart, c’est parce que les procureurs disent craindre pour leur sécurité physique, pour leur vie et pour celles de leurs proches, explique-t-on dans la décision de la juge administrative Salah.
« En effet, à la lecture des déclarations sous serment déposées par l’Association, la Commission constate que les personnes concernées indiquent que leurs craintes n’ont pas été atténuées de quelque façon que ce soit », écrit Nour Salah.
La Commission s’est dite « convaincue » qu’elle était dans la nécessité de rendre de telles ordonnances permanentes afin de protéger les personnes concernées et leurs proches puisque « c’est ce que la preuve révèle ».
Au passage, la juge administrative Salah a clairement indiqué qu'elle n'était pas liée par l'absence d'opposition du DPCP à cette ordonnance, le consentement des parties n’étant pas suffisant pour limiter la publicité des débats judiciaires.
Elle a toutefois déterminé que cette affaire constituait une « circonstance exceptionnelle » justifiant la restriction.
Pour justifier cette restriction de la transparence, la Commission a appliqué le test en trois critères établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sherman. Elle a reconnu que la protection de la sécurité physique des personnes concernées constituait un intérêt public important, et que la preuve étayait l'existence d'un risque réel, grave et sérieux.
La juge Salah a ensuite conclu que l’émission d’ordonnances permanentes de confidentialité était la seule protection que la Commission peut mettre en œuvre pour assurer la protection physique et psychologique des personnes concernées, car aucune autre mesure raisonnable ne permettrait d'écarter ce risque.
Selon elle, les avantages découlant de la protection de la sécurité des individus l'emportent largement sur les effets négatifs de la restriction de la publicité.