«Le business a pris le dessus dans la profession»

Marie Pâris
2014-01-13 15:00:00
Me Keith D. Wilson a un avis tranché sur la profession, et il le dit haut et fort. Avocat depuis 24 ans chez Heenan Blaikie à Montréal, il en est parti pour lancer en octobre dernier ProDroit.
C’est un cabinet de conseil d’un nouveau genre, qui aide les entreprises ayant besoin de services juridiques à identifier la prestation qu’il leur faut en fonction de leurs projets et de leurs besoins.
Intermédiaire et plateforme juridique

En plus d’offrir une plateforme de services juridiques, «ProDroit agit en quelque sorte en tant que contentieux pour les entreprises n'ayant pas de ressources juridiques internes ou n'ayant pas d’expérience avec les projets particuliers», explique l’avocat.
Si son système est avantageux pour les entreprises, il l’est aussi pour les avocats, selon son fondateur: ProDroit serait en effet l’occasion pour eux de participer à des projets qui ne seraient pas accessibles autrement et d'élargir ainsi leur réseau d'affaires.
Les grands cabinets, un modèle obsolète
«Le gros défaut du marché, c’est que la plupart des clients ne savent pas comment évaluer le coût des services qu’ils reçoivent, et la plupart des entreprises ne savent pas quels besoins elles ont, explique Me Wilson. À mon avis, la pratique du droit doit se réorienter.»
L’avocat a passé toute sa carrière dans les grands bureaux: membre du Barreau du Québec depuis 1990, il rejoint aussitôt Heenan Blaikie. Après trois ans d’infidélités chez McCarthy Tétrault comme associé, il réintègrera finalement son premier bureau en tant que chef du groupe services financiers.
Les grands cabinets et les avocats réputés dans la communauté juridique, il les connaît et sait exactement vers qui adresser ses clients, composant parfois des équipes d’avocats de cabinets différents. Une fois qu’il a réuni l’ensemble des professionnels dont le client a besoin, il surveille et assure l’exécution des mandats.
«Puisque chaque équipe est montée pour un projet seulement, sur la base des budgets ou des prix fixes donnés par les avocats constituant l'équipe, le client ne reçoit que les services requis pour l’exécution du mandat et n'est ni lié par les équipes d'un seul bureau ni chargé pour les coûts élevés des grands cabinets pour maintenir les équipes permanentes», explique Me Wilson.
Pour lui, le modèle actuel proposé par les grands bureaux ne répond plus adéquatement aux besoins et aux moyens de la plupart des entreprises: «Les services sont trop coûteux et ont tendance à fonctionner à la chaîne, forçant les transactions et les projets dans des moules qui, trop souvent, sont inadaptés aux clients et à leurs budgets», regrette l’avocat.
Un livre et des oeuvres d’art
Convaincu qu’on ne peut plus suivre le modèle des grands cabinets, Me Wilson est en train d’écrire un livre sur la mutation de la profession juridique. L’ouvrage, «Lawyers retreat», démontre comment «le business a pris le dessus dans la profession juridique».
Avocat en droit des affaires, il fait aussi de la pratique plus générale, un peu de droit corporatif et financier, des dettes et restructuration… Si pour l’instant ProDroit traite surtout avec des entreprises de Montréal et de l’Ontario, son fondateur souhaiterait par la suite étendre plus loin son influence.
Si Me Wilson est passionné par le droit, il l’est aussi par… l’art. En plus de son diplôme en common law et droit civil de l’Université McGill, il a étudié l’art, le théâtre et la littérature à l’Université de la Sorbonne, à Paris.
«J’ai écris plusieurs pièces dans ma jeunesse, et j’ai reçu quelques prix en Ontario, raconte l’avocat. Je suis toujours un peu artiste aujourd’hui.
J’aime beaucoup la sculpture et la peinture; je fais trois à quatre oeuvres par an, quand je trouve le temps.»
Quand il n’est pas en train de refaire la profession juridique…