Un avocat de la défense blessé par balle et son bureau, incendié

Rebondissement inusité dans la cause de Samir Abdelgadir : son avocat, Manbir Sodhi, a été atteint par balles le 23 juillet et son bureau de Brampton a été incendié. Dans un bref courriel à Radio-Canada, l'avocat écrit qu'il se remet de son attaque et qu'« une seule balle ne suffirait jamais à le faire tomber ».

La police et la Couronne engagée dans la cause d'Abdelgadir ont confirmé la nouvelle. Samir Abdelgadir a été reconnu coupable, en mars 2025, de l'enlèvement d'un adolescent, cinq ans plus tôt, à Toronto, dans une opération de rançonnage contre le demi-frère du mineur, qui lui aurait volé 90 kg de cocaïne neuf mois plus tôt.

L'identité de la victime est protégée par un interdit de publication, mais sa disparition avait provoqué une alerte Amber le 4 mars 2020. L’identification d'Abdelgadir était au centre des plaidoiries, sur des vidéos de surveillance qui avaient capté le rapt ou dans un enregistrement téléphonique entre les ravisseurs et le demi-frère de la victime.

L'attentat présumé contre Me Manbir Sodhi, qui fait l'objet d'une enquête criminelle, est survenu trois semaines avant l'audience sur la détermination de la peine de Samir Abdelgadir, prévue pour vendredi.

L'individu de 43 ans n'a toujours pas été condamné depuis le verdict de culpabilité.

Démission de Me Manbir Sodhi

La dernière audience à ce sujet avait d'ailleurs été houleuse entre Me Sodhi et son client, qui demandaient en vain un nouvel ajournement. Furieux, Abdelgadir avait invectivé son avocat en pleine salle d'audience. La juge avait refusé de reporter les représentations sur sentence parce que le ravisseur voulait commander un rapport Morris pour tenter d'obtenir un châtiment moins sévère. Un tel document est un rapport présentenciel qui aborde l’impact du racisme systémique sur un criminel et son implication dans le crime pour lequel il a été reconnu coupable.

Dans son courriel, Me Sodhi affirme qu'il ne représente plus M. Abdelgadir pour des raisons éthiques. On ignore toutefois si l'avocat a décidé de ne plus défendre son client avant ou après la fusillade.

« Je vais bien, une seule balle ne suffira jamais à me tuer mdr, il leur en faudrait au moins 5 ou 6 pour faire de vrais dégâts mdr », écrit-il avec humour sans désigner personne. « Mais blague à part, je vais bien », poursuit-il sans jamais préciser la nature de ses blessures.

Aucune arrestation pour l'instant

Dans un autre courriel, la Police régionale de Peel écrit qu'elle ne peut donner trop de détails sur ce qui s'est passé pour ne pas compromettre l'intégrité de son enquête. Elle explique que Me Sodhi a subi de graves blessures, mais que ses jours ne sont pas en danger. Il se trouve actuellement dans un état stable et se rétablit dans un centre de traumatologie de la région, poursuit-elle.

La police précise que l'incendie de nature criminelle n'a pas fait de victime et que l'étendue des dégâts est pour l'instant inconnue. Aucun suspect n'a été arrêté pour le moment. Dans un troisième courriel, la procureure de la Couronne, Erin Pancer, confirme que l'avocat est en convalescence et que M. Abdelgadir est bien sans avocat aujourd'hui. Samir Abdelgadir avait été libéré à son arrestation en avril 2020 moyennant une caution 100 000 $ et il avait été assigné à résidence chez sa mère à Mississauga.

La procureure Erin Pancer affirme qu'elle a tenté de faire révoquer devant les tribunaux le 30 juillet la caution du ravisseur en vertu de l'article 523 du code criminel, mais sans succès.

La même juge qui a reconnu Abdelgadir coupable lui a alors suggéré de présenter une demande de révision judiciaire lors de l'audience du 15 août. Me Pancer précise qu'elle y songe.

Des audiences sous surveillance

Ce dernier revirement de situation s'ajoute à d'autres rebondissements, qui ont marqué, l'hiver dernier, le procès sous haute surveillance policière. Le témoin clé de la Couronne avait dû témoigner sur une plateforme numérique dans un endroit tenu secret.

Trois autres individus avaient également été appréhendés relativement au rapt du mineur de 14 ans, mais les accusations avaient été abandonnées ou suspendues faute de preuves solides. Liban Hussein a depuis été tué; Scott McManus est en cavale en Arizona et Hamed Shahnawaz avait témoigné contre Abdelgadir au procès, en personne, mais lui aussi sous haute protection policière.

Le procès avait permis d'apprendre que Hamed Shahnawaz était celui qui avait brûlé le véhicule ayant servi à kidnapper l'adolescent le matin du 4 mars 2020 à North York. Hamed Shahnawaz a depuis écopé de deux ans et demi de prison pour vol et incendie criminel après avoir plaidé coupable, lorsque la Couronne a retiré lors de son procès l'accusation principale d'enlèvement.

Un quatrième individu, Giovanni Ramondi, qui n'a jamais été accusé dans cette affaire, a lui aussi été assassiné dans des circonstances nébuleuses.