Les plaignantes se sont « fabriqué des souvenirs », allègue l’avocate de Gilbert Rozon

Radio Canada
2025-09-25 12:00:15

Au deuxième jour de sa plaidoirie, l'avocate de Gilbert Rozon a mis en doute la qualité de la preuve présentée par les neuf femmes qui poursuivent en dommages l'ex-magnat de l'humour pour agressions sexuelles alléguées.
Me Mélanie Morin a plaidé à la juge Chantal Tremblay de la Cour supérieure que la version des faits de son client n'avait pas changé, et ce, en dépit du fait que la poursuite ait tenté à plusieurs occasions de le piéger, a-t-elle dit.
Ce procès, qui a commencé en décembre dernier, regroupe les poursuites individuelles de neuf plaignantes qui réclament au défendeur près de 14 millions de dollars en dommages et intérêts compensatoires et punitifs. Les agressions sexuelles en question se seraient déroulées sur une période couvrant trois décennies, et l'une des plaignantes était mineure au moment des faits allégués.
Gilbert Rozon nie les allégations qui pèsent contre lui. Mercredi, Me Morin est revenue sur les témoignages de plusieurs des demanderesses, dont ceux d'Annick Charette, de Lyne Charlebois, de Patricia Tulasne, de Sophie Moreau et de Guylaine Courcelles. Au sujet de Mme Charette, l'avocate a déclaré que sa version des faits avait évolué au fil du temps.
Or, ça prend une preuve de qualité, insiste Me Morin, qui réfute la preuve écrasante présentée par la poursuite. En 2020, Gilbert Rozon avait été acquitté des accusations de viol et d'attentat à la pudeur portées contre lui par Annick Charette. La juge Mélanie Hébert avait fait valoir le doute raisonnable au profit de l'accusé. Mme Charette réclame maintenant 1,3 M$ en dommages à Gilbert Rozon pour l'agression sexuelle qu'il lui aurait fait subir, mais aussi pour le grave préjudice que cela lui aurait causé, et parce qu'elle l'accuse d'avoir menti sous serment lors du procès criminel.
Comment le tribunal va-t-il être en mesure d'apprécier les dommages avec la preuve qui a été présentée? a demandé Me Morin. C'est quasi inexistant. En matière civile, le fardeau de la preuve est moins exigeant à satisfaire qu'au criminel, parce qu'on n'a pas besoin de convaincre le juge hors de tout doute raisonnable. En juillet dernier, lors d'une mêlée de presse tenue en marge de son procès, Gilbert Rozon avait avancé qu'au civil, n'importe qui peut poursuivre.
Une « fabrication de souvenirs »
Au sujet de Lyne Charlebois, qui allègue avoir été violée par Gilbert Rozon en 1982, Me Morin dit que ses souvenirs ne sont pas fiables, et parle d'une fabrication de souvenirs notamment avec l'ex-époux de Mme Charlebois, qui aurait modifié sa version des faits après avoir lu des articles dans les journaux au sujet des autres demanderesses, selon la défense. On s'est contaminé nos propres souvenirs d'il y a 30, 40 ans, a déclaré Me Morin. Gilbert Rozon étant un personnage public, la médiatisation qui a entouré ses déboires en justice a joué un rôle dans cette possible contamination des témoignages, a fait valoir l'avocate à la juge Tremblay.
Une version qui change « de 180 degrés »
La version des faits de Patricia Tulasne a aussi grandement évolué, si ce n'est qu'elle a fait un 180 degrés, affirme la défense. La comédienne allègue avoir été agressée sexuellement dans son propre appartement, en 1994, par M. Rozon. Par la suite, dit Me Morin, non seulement Mme Tulasne ne s'est pas terrée dans les Laurentides comme elle le décrit, mais elle a participé à des soirées et elle cherchait la présence du défendeur, et voulait être assise à sa table.
Vu les actions que la demanderesse a posées par la suite, le tribunal doit se questionner quant à la vraisemblance de sa version, selon l'avocate de M. Rozon. Patricia Tulasne était la représentante désignée des Courageuses, une vingtaine de femmes dont la demande d'action collective contre Gilbert Rozon, d'abord acceptée en Cour supérieure, avait ensuite été infirmée en Cour d'appel.
Dans le présent procès, afin d'étoffer son affirmation qu'il y a eu une contamination réelle des témoignages, la défense cite le fait que seule Anne-Marie Charette avait vu des yeux fous dans le visage de M. Rozon lors de l'agression sexuelle qu'il lui aurait fait subir. Ces yeux fous sont par la suite apparus dans le témoignage de Mme Tulasne, allègue l'avocate du défendeur.
Une plaidoirie laborieuse
Il s'agissait de la deuxième journée consécutive de plaidoirie pour Me Morin, et elle s'est déroulée de manière laborieuse. Quantité de fois la juge Tremblay lui a demandé de préciser des faits, des dates, des références, des inférences, etc. Je suis confuse, a même dit la juge Tremblay, alors que Me Morin peinait à établir ce qu'elle soutenait. Par exemple, au sujet d'Anne-Marie Charette, Me Morin a remis en question la vraisemblance de son récit selon lequel elle s'était rendue à la chambre d'hôtel de Gilbert Rozon, à la demande de ce dernier. Même que M. Rozon avait nié qu'il y avait une chambre d'hôtel pour lui, a dit l'avocate.
Il n'a pas nié, a rectifié la juge Tremblay. Il a dit qu'il ne pensait pas avoir, à cet effet-là, utilisé une chambre d'hôtel à l'Hôtel du Parc. Vous avez raison, a concédé l'avocate. À un certain moment, la juge Tremblay a même dû recommander à Me Morin de faire attention aux termes qu'elle utilisait. La plaidoirie de la défense se poursuivra en matinée, jeudi, au palais de justice de Montréal. En après-midi, ce sera au tour du procureur général du Québec de plaider, M. Rozon contestant la validité de deux articles du Code civil.