Nouvelle jurisprudence en voyeurisme au Canada

Radio -Canada
2019-08-30 10:15:00

Ryan Jarvis avait filmé, à l'aide d'une caméra dissimulée dans un stylo, près d'une trentaine d’élèves, certains aussi jeunes que 14 ans. Plusieurs de ces images mettaient l'accent sur la poitrine et le décolleté des jeunes filles.
Il avait tourné ses vidéos en 2010 et en 2011 dans différents endroits de l'École secondaire H.B. Beal, notamment dans les couloirs, les salles de classe, la cafétéria et les bureaux du personnel.
En 2015, il avait été acquitté en première instance parce que le juge n'était pas convaincu que les vidéos avaient été tournées à des fins sexuelles.
La Cour d'appel de l’Ontario avait maintenu l'acquittement, pour des motifs différents : les juges avaient estimé que les élèves ne devaient pas avoir d'attentes en matière de protection de leur vie privée dans les zones publiques de l'école.
En février dernier, la Cour suprême du Canada a néanmoins unanimement statué que l’enseignant s'était rendu coupable de voyeurisme. Dans sa décision, le plus haut tribunal du pays avait conclu que les adolescentes étaient en droit de s'attendre à ce que leur enseignant ne les filme pas à leur insu.
Ryan Jarvis a écopé d'une peine de 6 mois de prison ferme et de 12 mois avec sursis.
Le voyeurisme, une infraction criminelle
Pierre Trudel, professeur au Centre de recherche en droit public de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, estime qu'il s'agit d'une décision importante en matière d'interprétation de la loi.

Selon Jordan Gold, avocat de la défense au cabinet Robichaud à London, cette condamnation montre que ce genre d’infractions n’a pas forcément à être lié à ce qui est « traditionnellement » perçu comme du voyeurisme pour être considéré comme une infraction criminelle.
« J’ai un client qui a été accusé de voyeurisme : cette affaire va certainement être importante, car elle donne un nouveau standard, avec une plus grande portée », souligne-t-il.
Un précédent en matière de protection de la vie privée
Au-delà de l'affaire Jarvis en elle-même, le juge de la Cour supérieure Andrew Goodman a déclaré lors de l'énoncé de la sentence vouloir envoyer un message dissuasif quant à l’utilisation des téléphones portables pour prendre des photos en public.
Pierre Trudel souligne l'importance de cette décision étant donné la prolifération des téléphones portables équipés d'appareil photo.

Pour Jordan Gold, cette affaire offrira un certain précédent pour les cas de voyeurisme.
« Il pourra y avoir des cas où un accusé a décidé de sortir son téléphone spontanément pour filmer quelque chose, et peut-être que le juge dira que la personne pouvait avoir des attentes raisonnables quant à son intimité [...]. Mais, il pourrait y avoir l’argument que cet enregistrement n’était pas planifié et que c’était spontané. »