Novalex : au nord du Nord
Gabriel Poirier
2022-08-05 15:00:00
Mais l’avocate de Novalex ne retient pas seulement de son voyage quelques observations à saveur météorologique. Elle met l'accent sur les services juridiques qu’elle et ses consœurs, Genevieve Lamarche et Alexandra Belley McKinnon, vont offrirent aux membres de la communauté inuit.
La petite équipe de Novalex rencontra 60 clients ''pro bono'' en quatre jours. Une contribution, qui, selon Me Brouillet, est appréciée tant les besoins sont « criants » en droit de la famille, en litige civil, ainsi qu’en rédaction de testaments.
« L’idée est d’offrir des services juridiques gratuits. Novalex veut exercer un impact social concret pour les justiciables du Québec, incluant ceux du Nunavik où les besoins sont croissants. L’isolement empêche la présence d’avocats et de notaires à temps plein. »
Il faut dire que la justice dans le Nord-du-Québec croule sous les problèmes. Déjà en septembre 2019, le Bâtonnier Paul-Matthieu Grondin dénonçait le « fossé » « inacceptable » entre l’institution judiciaire et les populations inuit du Nunavik, tandis que Radio-Canada rappelait cet hiver les lacunes d’un appareil de justice « débordé » et « contesté ».
Le projet Novalex Nord vise justement à atténuer les problèmes liés à l’accessibilité de la justice dans le Nord… même si des Inuit se méfient de la « justice des Blancs ».
Précisons que Novalex œuvre sur place avec le Centre de justice de proximité.
Découvrir le terrain
Arrivée à destination, Marianne Brouillet aurait pu échapper un « enfin » bien senti. Son voyage à Inukjuak, prévu en mars 2020, a été reporté à maintes reprises en raison de la pandémie.
Après deux ans de vidéoconférences, Me Brouillet jugeait essentiel d’aller à la rencontre de ses clients sur le terrain. Admise au Barreau en 2015, elle désirait comprendre la réalité des populations inuits.
Cette réalité, qu’elle décrit comme « complètement différente », se caractérise par une culture où trône la notion d’entraide, mais aussi par des problèmes dignes d’une autre époque.
« À Inukjuak, tout le monde s’envoie la main, tout le monde se dit “bonjour”. On sent qu’ils sont tissés serré », note l’avocate montréalaise, encore fascinée par de telles différences culturelles.
Elle retient, parmi les problèmes, celui de l’accès à l’eau, qu’elle ne manque pas de réitérer dans le cadre de notre entretien. « Vivre ce problème, ne serait-ce que quelques jours, ouvre les yeux sur les difficultés courantes qu’ils rencontrent. C'est un peu déplorable. Ils vivent tout près de l'eau, près de la beauté du Québec en matière de nature, mais ils n'ont pas accès à l'eau courante. »
Empathie
Au-delà de la logistique, Marianne Brouillet rentra au Québec en mesurant les limites de l’effet de toge. C’est son écoute, son empathie et son ouverture d’esprit, ses trois meilleurs alliés en territoire inuit, qui lui permirent de surmonter la méfiance des locaux.
« Aller sur place fait une réelle différence. Si tu fais bien ton travail, si tu es appréciée, le mot se répand rapidement. J’ai vu le lien de confiance se renforcer avec la communauté au jour le jour. »
Et de l’empathie, Me Brouillet a dû en faire preuve : le blizzard évoqué ci-haut, inhabituel à ce temps-ci de la saison, a causé de nombreux défis à l’équipe de Novalex, contrainte de décaler plusieurs rendez-vous et d’additionner les heures de travail.
« Tous nos clients étaient en retard. Le blizzard s’est échelonné sur trois de nos quatre jours d’opération. Ce fut un casse-tête logistique ! Nous avons dû nous adapter à la culture, aux lieux physiques, mais aussi à la température. »
Des retards toutefois propices à des échanges informels : quelques conversations conduisirent Marianne Brouillet sur une piste… de chiens de traineaux.
« La gymnastique des retards nous a permis de multiplier les échanges dans la salle d’attente. Nous avons eu des discussions informelles sur des sujets vraiment intéressants, comme la pêche sur la glace. C’est aussi de cette façon que nous avons été invités à la course de chiens de traineaux. Dans le désert blanc, c’était vraiment impressionnant. »
Pour du développement… d’affaires ?
Novalex, connu pour son modèle « un pour un », assure offrir une heure de travail ''pro bono'' pour chaque heure de services juridiques facturés à un client. Avec 7 000 heures déclarées en 2021, le cabinet vise la barre des 12 000 heures ''pro bono'' pour l’année 2022.
Un modèle décrit par le cabinet comme financièrement viable, et qui permettrait, selon Marianne Brouillet, d’attirer un certain nombre de clients. Elle-même, une ancienne avocate de Dunton Rainville, se dit séduite par la « culture » de l’entreprise.
« L’accès à la justice pose problème dans notre système. C’est très coûteux, et les délais sont longs. Avec l’inflation et la hausse du coût de la vie, de moins en moins de citoyens peuvent recourir aux services d’un avocat. C’est ce pour quoi nous tenons à offrir des services ''pro bono'' dans le Nord et un peu partout au Québec », complète celle qui offre aussi ses services dans le Grand Montréal et la région de Québec.
Inukjuak, situé sur la rive nord de la rivière Innuksuak, compte un peu moins de 1600 habitants.
Anonyme
il y a 2 ansSans le transport subventionné, Novalex en ferait-il autant ?
Aanonyme
il y a 2 ansEst-ce vous paieriez des milliers de dollars de votre poche juste pour pouvoir rencontrer des clients pro bono? Le fait de se faire subventionner pour ce coût n'enlève rien au caractère de la démarche.