La mémoire de Gilbert Rozon mise à l’épreuve au 3e jour de son contre-interrogatoire

Radio Canada
2025-07-09 10:30:07

Au procès civil de Gilbert Rozon en Cour supérieure du Québec, mardi, la mémoire de ce dernier a été mise à l'épreuve par deux avocats des demanderesses, qui ont tenté de relever des contradictions dans sa version des faits. Au troisième jour de contre-interrogatoire au palais de justice de Montréal, le fondateur du festival Juste pour rire a ainsi dû revisiter des pans de son passé.
Les avocats des demanderesses, Bruce Johnston puis Jessica Lelièvre, ont passé au peigne fin le témoignage du défendeur, revisitant avec minutie lieux et dates. Un exercice auquel Gilbert Rozon s'est livré en rappelant qu'à l'époque les yeux étaient rivés sur lui. Une situation rendant improbables, voire surréalistes, les allégations d'agression sexuelle dont il fait l'objet, a-t-il commenté.
Dans le cas de Mary Sicari, par exemple : comment aurait-il pu lui caresser les seins ou les parties génitales près des photocopieurs, dans les bureaux à aire ouverte et trop petits qu'étaient ceux de Juste pour rire durant la période visée, soit 1988-1999?, s'est défendu M. Rozon. Ça se serait su par toutes les secrétaires.
Mme Sicari allègue que Gilbert Rozon l’a agressée et harcelée sexuellement à d’innombrables reprises entre 1988 et 2004, alors qu’elle travaillait pour Les Films Rozon et Les Productions Rozon.
« Vous prétendez ne jamais vous être retrouvé seul avec Mme Sicari? » a demandé mardi l'avocat Johnston. « Oui je le prétends », a rétorqué Gilbert Rozon.
Gilbert Rozon allègue avoir été agressé par Annick Charette
Le défendeur, qui avait été acquitté en 2020 des accusations de viol et d'attentat à la pudeur portées contre lui par Annick Charette, a aussi été appelé mardi à revenir sur cette affaire. Aux dires de l'homme d'affaires déchu, non seulement il n'avait pas agressé cette dernière, mais en réponse à une question de Me Johnston, il a allégué que c'était elle qui l'aurait agressé.
À la juge Chantal Tremblay, mardi, Gilbert Rozon a expliqué ne pas avoir porté plainte à ce moment-là parce que les hommes, a-t-il élaboré, on serait embarrassés de porter plainte pour agression. On a une érection, c'est mécanique, et on se laisse emporter (...) En plus du viol qu'elle dit qu'il lui a fait subir en 1980, Annick Charette reproche à Gilbert Rozon d’avoir menti à la Cour alors qu’il témoignait sous serment dans le cadre de son procès criminel pour les mêmes événements.
Dans sa décision, rendue en décembre 2020, la juge Mélanie Hébert avait fait valoir que le « doute raisonnable » avait joué en faveur de l'accusé. Le verdict d'acquittement ne signifie pas que les incidents reprochés ne se sont pas produits, avait-elle écrit.
Un terrain gazonné
Les allégations d'une autre défenderesse, Danie Frenette, ont aussi occupé une partie du contre-interrogatoire. Mme Frenette a intenté une poursuite de 2,2 millions de dollars contre Gilbert Rozon, qu'elle accuse de l'avoir violée durant une fête tenue chez lui il y a près de 33 ans. Une agression qui se serait produite, selon elle, dans un espace protégé par de la végétation sur le terrain de la résidence outremontaise de Gilbert Rozon. Gilbert Rozon affirme, lui, que sa demeure était agrémentée d'un jardinet où il avait planté une haie de cèdres torsadée. Il a toujours nié qu'une telle agression ait pu se produire et soutient que son terrain ne comprenait ni buissons ni boisé.
À la demande du tribunal, qui lui avait demandé des photos de cette maison, Gilbert Rozon a déclaré mardi n'en avoir trouvé absolument aucune. Vous n'avez pas une seule photo de la maison que vous avez habitée pendant 30 ans? a répliqué Me Lelièvre. « Eh bien, moi, a-t-elle poursuivi, j'en ai trouvé ». L'avocate des neuf demanderesses a alors produit en preuve un DVD, Les grands moments du festival Juste pour rire volume 1.
Le DVD contient une entrevue de M. Rozon faite en 1993 ou en 1994 par l'humoriste Jacques Chevalier, dans laquelle la propriété du fondateur du festival Juste pour rire est montrée, notamment le jardin. Me Lelièvre a quand même pu tenter d'illustrer qu'il y avait bel et bien sur le terrain des arbres et un boisé à l'ombre desquels une agression aurait pu se dérouler. Vous convenez avec moi qu'on voit des arbres matures? a demandé l'avocate. Non, a répliqué Gilbert Rozon, on ne voit que le bout de l'arbre et c'est en contre-plongée.
L’avocate de Gilbert Rozon, Me Mélanie Morin, a remis en question la pertinence de ces photos puisqu’elles datent d’au moins 10 ans après les faits évoqués par Danie Frenette.
Le contre-interrogatoire va se poursuivre
Depuis le début de ce procès civil, le 9 décembre dernier, Gilbert Rozon n'a cessé de nier en bloc les accusations des demanderesses Patricia Tulasne, Lyne Charlebois, Anne-Marie Charette, Annick Charette, Sophie Moreau, Danie Frenette, Guylaine Courcelles, Mary Sicari et Martine Roy. Ces dernières lui réclament 14 millions de dollars en dommages et intérêts. Jusqu'à présent, les neuf demanderesses ont témoigné, ainsi que sept femmes qui allèguent également avoir subi des abus de la part de Gilbert Rozon. Un avocat du Procureur général du Québec va contre-interroger à son tour Gilbert Rozon mercredi.
Dominic Champagne était présent
La journée de mardi a aussi été marquée par la présence de l'homme de théâtre Dominic Champagne, qui a dit être présent en guise de soutien pour sa belle-fille et mère de son petit-fils, l'avocate Jessica Lelièvre. Le metteur en scène, qui a précisé avoir bien connu M. Rozon tout en n'ayant jamais travaillé avec lui, affirme que ce procès nous oblige à une profonde réflexion sur toutes sortes de choses.
Selon M. Champagne, « s’il y a des choses à changer dans la rédaction de nos lois et dans nos comportements », il faut le faire. Quant à l'issue du procès, M. Champagne a dit espérer que « les faits vont être probants pour avoir une satisfaction de justice ».