Le délai, c’est 30 jours, pas 52!

Élisabeth Fleury
2025-07-09 15:00:05
Le délai pour produire une demande en contrôle judiciaire, c’est 30 jours, pas 52!

Ni les vacances ni la certitude d’avoir d’autres chats plus importants à fouetter ne peuvent justifier un délai de 52 jours pour produire une demande en contrôle judiciaire, tranche la Cour supérieure.
Le juge Ian Demers a fait la leçon à la Compagnie de chemin de fer Canadian Pacifique dans un récent jugement opposant la multinationale à la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada - Division des préposés à l’entretien des voies.
Dans cette affaire, la Compagnie de chemin de fer Canadian Pacifique était représentée par Me Maude Galarneau, de Borden Ladner Gervais.
Conférence ferroviaire de Teamsters Canada était par ailleurs représentée par Me Marie-Claude St-Amant, de Melançon Marceau Grenier Cohen.
Avec raison, souligne le juge Demers, le syndicat qui représente le salarié congédié Luc De Craeke plaide que le pourvoi doit être rejeté parce qu’il a été signifié au-delà du barème de 30 jours que fixe la jurisprudence.
Le magistrat rappelle qu’un pourvoi en contrôle judiciaire doit être institué rapidement.
« La partie qui entend demander que la décision d’un arbitre soit annulée ne peut simplement invoquer qu’elle avait d’autres dossiers à traiter et que le pourvoi se trouvait malheureusement au bas de la liste de ses tâches. Bien que le barème de 30 jours ne soit pas inflexible, il exige de la demanderesse qu’elle place le pourvoi au rang des priorités », sermonne le juge de la Cour supérieure.
Le processus d’approbation interne au Canadien Pacifique, la période d’été, les vacances du personnel et les autres activités invoqués par la multinationale ne justifient pas de signifier un pourvoi 22 jours après l’expiration du barème de 30 jours, écrit le juge Demers.
« Toute organisation a ses contraintes; la raisonnabilité du délai telle que la jurisprudence l’a interprétée devrait en être une, et constituer une de ses priorités », insiste le magistrat.
Le juge de la Cour supérieure en rajoute une couche, soulignant qu’« une organisation qui dispose d’autant de ressources que le Canadien Pacifique peut sans aucun doute traiter une recommandation dans un délai beaucoup plus court que 52 jours ».
Même si « le délai déraisonnable justifie en soi le rejet du pourvoi », le juge Demers a néanmoins tranché les arguments de fond du Canadien Pacifique, estimant qu’après cinq ans de procédures, « le pourvoi mérite une réponse complète ».
Un test de dépistage injustifié
Jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite récemment, Luc De Craeke était opérateur pour le Canadien Pacifique.
Le 14 août 2019, il conduisait une piqueuse, une machine qui permet d’enfoncer des clous de chaque côté d’un rail. Alors qu’il allait traverser un passage à niveau, il a omis de relever les têtes de la piqueuse et causé des dommages à la machine et au passage. Il a reculé, relevé les têtes, repris sa route avant d’abaisser les têtes de nouveau. Il a causé des dommages additionnels à la piqueuse et au passage, puis s’est immobilisé. Il a rapporté l’incident à son superviseur, peut-on lire dans le jugement de la Cour supérieure.
Le même jour, le Canadien Pacifique l’a envoyé compléter un test de dépistage de drogue et d’alcool. Le test d’urine s’est révélé positif au cannabis et à la cocaïne.
Devant l’arbitre, la Conférence a plaidé que l’incident impliquant M. De Craeke ne justifiait pas d’exiger un test de dépistage. Elle s’est appuyée sur une clause de la CP Alcohol and Drug Procedures HR203.1, qui réserve le dépistage aux cas de « significant work related incident », « safety incident » ou « near miss as part of an investigation », rapporte la Cour supérieure.
Selon le Canadien Pacifique, l’arbitre aurait dû tenir compte de l’importance des dommages causés par M. De Craeke avant de conclure que l’incident l’impliquant ne justifiait pas d’ordonner un test de dépistage.
Pour la Cour supérieure, la décision et les motifs de l’arbitre sont raisonnables. « Avec raison, la Conférence plaide que le Canadien Pacifique n’a pas administré une telle preuve et qu’il demande au Tribunal de réévaluer la preuve pour en tirer une autre conclusion. Ce n’est pas le rôle d’un tribunal de contrôle judiciaire », tranche le juge Ian Demers.
Droit-inc a tenté d’obtenir les commentaires des parties, sans succès.