Procès des hockeyeurs : un verdict susceptible de « clarifier » le consentement sexuel

Radio Canada
2025-07-24 12:00:06
Le procès des hockeyeurs, accusés d'agression sexuelle, s'est déroulé au palais de justice de London, en Ontario.

Les cinq anciens membres d’Équipe Canada junior 2018 accusés d’agression sexuelle connaîtront leur sort aujourd'hui. Les décisions de la juge Maria Carroccia de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, qui a présidé le procès de huit semaines, sont attendues par de nombreux intervenants qui espèrent de la magistrate des « clarifications » sur la notion du consentement, au cœur de l’affaire.
« Légalement, c’est une cause comme n’importe quelle autre, mais qui a eu une grande publicité », observe l’avocate-criminaliste Sam Puchala, qui suit le dossier de près.
Elle souligne que le travail de la juge Carroccia, au cours des dernières semaines, a été de se pencher sur les faits, la crédibilité et la fiabilité des témoins et d'appliquer le droit canadien.
Michael McLeod, Carter Hart, Cal Foote, Dillon Dubé et Alex Formenton font face chacun à un chef d’accusation d’agression sexuelle en lien avec un viol collectif présumé qui serait survenu dans une chambre d’hôtel de London, la nuit du 18 au 19 juin 2018.
Michael McLeod fait aussi face à un chef d’accusation de participation à l’infraction d’agression sexuelle en lien avec un message texte qu'il aurait envoyé à ses coéquipiers pour les inviter à le rejoindre dans sa chambre, après une première relation sexuelle consensuelle avec la plaignante E. M., dont l'identité est protégée par une ordonnance de non-publication.
Les joueurs se trouvaient à London pour célébrer leur victoire au Championnat du monde de hockey junior, en janvier de cette année-là. Ils ont tous plaidé non coupables au début du procès.
Le procès des cinq ex-hockeyeurs, qui a connu de nombreux rebondissements, s’était amorcé devant jury en avril, mais s’est finalement poursuivi devant juge seule.
La juge Carroccia devra donc ainsi fournir les raisons de ses décisions — ce qui n’aurait pas été le cas pour un jury — et c’est sur ces raisons que Me Puchala portera davantage son attention, au-delà du sort précis de chacun des accusés. Elle ne serait pas surprise de devoir se référer à ce jugement dans ses propres dossiers ultérieurs, car elle s’attend à ce qu’il clarifie l’importance du consentement.
« Le fardeau élevé » du doute raisonnable
Me Puchala rappelle que la juge Carroccia devra ultimement déterminer si la Couronne, au cours du procès, a pu prouver ou non hors de tout doute raisonnable la culpabilité des accusés, un fardeau élevé. Si elle est d’avis qu’elle n’est pas certaine de ce qu’elle peut croire, elle peut (déclarer) un acquittement de tous les accusés, note l’avocate. C’est un exercice difficile pour les juges dans plusieurs causes d’agression sexuelle parce qu’on a des versions des faits différentes, mais ce n’est pas comme si on a une vidéo de ce qui (s’est passé) lors des actes, indique l’avocate.
Dans ce cas-ci, la plaignante a indiqué dans son témoignage qu’elle n’avait jamais consenti aux actes de nature sexuelle auxquels elle a pris part avec les hockeyeurs dans la chambre d’hôtel.
« Je me suis renfermée et j'ai laissé mon corps faire ce qu'il fallait pour être en sécurité. Il m'a semblé que la seule chose sûre à faire était de leur donner ce qu'ils voulaient », a-t-elle témoigné.
Appelés à la barre au procès, d’anciens coéquipiers des accusés, qui étaient présents dans la chambre la nuit des faits allégués, ont toutefois indiqué que la plaignante sollicitait des actes sexuels. Carter Hart, le seul accusé à avoir témoigné, a même affirmé sans équivoque que son interaction de nature sexuelle avec E. M. était consensuelle.
Quelles étapes raisonnables pour le consentement?
La professeure de droit à l’Université d’Ottawa Daphne Gilbert, qui suit aussi le dossier de près, croit qu’il est très possible que la juge puisse déterminer que les accusés ont eu une croyance sincère, mais erronée au consentement dans leurs interactions avec E. M.
« Mais pour cela, il faut avoir prouvé qu’on a pris des mesures raisonnables pour déterminer le consentement », explique Mme Gilbert. Donc j’espère que s’il est question des mesures raisonnables (dans les décisions de la juge), on aura des clarifications supplémentaires sur ce qui est requis dans des situations comme celle-ci où les personnes ne se connaissaient pas, avaient consommé beaucoup d’alcool, et où il y avait plusieurs personnes dans la pièce.
« On a des responsabilités »
Les propos de la juriste trouvent écho chez l’ex-directrice du Centre Victoria pour femmes dans le Nord de l’Ontario, Gaëtane Pharand. Cette jeune femme-là, qui peut se mettre dans sa tête? Peut-être que pour elle, la meilleure façon, c’était de ne rien faire parce qu’elle est devant cinq personnes, affirme-t-elle.
Elle espère trouver dans les décisions de la juge des points d’éducation, des informations pertinentes qui vont pouvoir aider à faire avancer la cause dans le sens d’éduquer, faire comprendre à quel point on a des responsabilités. Peu importe ce que décidera la juge, la cause aura un impact sociétal, croit Me Sam Puchala. Ça ouvre une discussion assez large sur le consentement, la définition du consentement et l'importance de la communication du consentement.