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Procès Rozon : un expert trace un portrait psychologique de trois demanderesses

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Radio Canada

2025-08-28 11:15:42

Un expert tente de démêler les séquelles psychologiques attribuées aux agressions alléguées des autres épreuves de vie…

Gilbert Rozon - source : Radio-Canada / Ivanoh Demers


Appelé à la barre dans le cadre du procès civil de Gilbert Rozon, un psychologue et sexologue a expliqué mercredi que dans les cas de trois des demanderesses, Lyne Charlebois, Patricia Tulasne et Danie Frenette, il était difficile de départager les séquelles des viols allégués des autres problèmes survenus dans leur vie.

Dans ce procès civil qui a débuté en décembre dernier, l'ex-magnat de l'humour est poursuivi par neuf femmes qui l'accusent d'agressions sexuelles et lui réclament près de 14 millions de dollars en dommages pour les préjudices qu'elles disent avoir subis. Chiffrer les dommages liés à ces préjudices et établir un lien de causalité avec les infractions alléguées : tel est l'un des grands défis de cette affaire très médiatisée.

Gilbert Rozon nie toutes les allégations qui pèsent contre lui. Mercredi, devant la juge Chantal Tremblay, le psychologue et sexologue clinicien Marc Ravart a rendu compte de ses rapports d'expertise sur l'état psychologique, actuel et passé, de Mmes Charlebois, Tulasne et Frenette, en relation avec les agressions sexuelles alléguées. M. Ravart avait été mandaté par les avocats de Gilbert Rozon. C'est donc cet expert que les trois demanderesses ont rencontré individuellement, une seule fois, en 2022, pour raconter leur parcours de vie avant et après les agressions alléguées.

Pendant ces rencontres, qui ont duré, selon le cas, entre quatre heures et demie et sept heures d'affilée, les trois plaignantes ont passé des tests pour évaluer, par exemple, si elles présentaient des symptômes liés à un choc post-traumatique et, le cas échéant, de quelle intensité. Marc Ravart a tenu à préciser à la juge Tremblay qu'il n'a pas présumé que les allégations d'agressions sexuelles étaient vraies ou pas : J'ai juste travaillé avec les informations qui m'ont été fournies.

Les demanderesses ont signé un formulaire signifiant qu'elles acceptaient que les informations ainsi révélées puissent se retrouver dans le rapport de M. Ravart. Celui-ci a affirmé que Lyne Charlebois, Patricia Tulasne et Danie Frenette avaient fait preuve de collaboration et s'étaient montrées courtoises à son endroit.

Une ligne difficile à tracer

Pour ces trois femmes, Marc Ravart a expliqué durant son témoignage à quel point il était difficile de départager ce qui appartient à quoi. Lyne Charlebois allègue avoir été violée par l'homme d'affaires déchu en 1982 et, d'après ce qu'a exposé le psychologue expert à la cour, elle blâme le défendeur pour l'ensemble de ses problèmes. Mais, selon mon opinion, a poursuivi l'expert, c'est lié aux facteurs de sa vie personnelle. Tant Mme Charlebois que Mme Tulasne, a-t-il noté, disent avoir eu une enfance difficile et une relation éprouvante avec leurs parents, qui les dévalorisaient et ne les soutenaient pas. Danie Frenette, en revanche, a eu une enfance heureuse et des parents aimants.

Sobre depuis plus de 13 ans, Mme Charlebois a eu par le passé des problèmes de toxicomanie qui ont été aggravés, selon elle, par l'agression qu'elle dit avoir subie aux mains de Gilbert Rozon. Elle prenait de l'héroïne et du crack, pas mal la crème de la crème des drogues en fait de toxicité, et ça affecte pas mal tous les domaines de la vie d'une personne, a dit Marc Ravart.

Lyne Charlebois affirme avoir refusé un contrat lié à l'industrie de l'humour à la suite des faits allégués qui seraient survenus en 1982, afin de ne pas devoir faire face à M. Rozon. Durant l'agression alléguée, elle a eu peur de mourir, et cette angoisse est revenue par la suite dans sa vie. Mme Charlebois dit avoir éprouvé pendant un bon moment des symptômes aigus de stress post-traumatique, qui n'ont toutefois pas été documentés par des professionnels, a dit M. Ravart.

Des réponses atypiques, voire déviantes

Dans le cas de Patricia Tulasne, le psychologue a dit qu'elle blâmait beaucoup Gilbert Rozon sur comment l'agression alléguée en 1994 avait affecté sa vie et sa carrière. La comédienne affirme ne pas avoir été en mesure de vivre de son art pendant des années, elle qui connaissait du succès auparavant.

Marc Ravart dit par ailleurs avoir évalué que Mme Tulasne avait exagéré ses symptômes dans ses réponses à l'un des instruments de mesure psychométrique. Fournissant des réponses atypiques, voire déviantes, la comédienne a vraiment donné d'elle le portrait qu'elle était très hypothéquée, alors que le psychologue affirme qu'il n'avait pas décelé cela durant l'entrevue qu'elle lui avait accordée. Cette exagération de ses symptômes peut être interprétée comme un appel à l'aide, a dit Marc Ravart.

Un viol allégué et un congédiement injuste

Danie Frenette est la seule des trois plaignantes qui est en couple à l'heure actuelle; une union somme toute heureuse qui dure depuis 1988, soit l'année du viol dont elle accuse Gilbert Rozon. Avant, son parcours professionnel était stable et elle allait bien, a affirmé l'expert. Mme Frenette, qui allègue avoir subi un viol, des attouchements et du harcèlement de la part de Gilbert Rozon, affirme avoir été ensuite complètement déstabilisée et bouleversée.

Crises de panique, agoraphobie, anxiété, vertiges, perte de confiance en elle au point de ne plus être capable de monter sur scène comme auparavant... Danie Frenette a dit avoir souffert au point d'entretenir par moments des idées suicidaires. Une détresse dont a aussi fait part Patricia Tulasne au psychologue expert.

Des séquelles à long terme

En contre-interrogatoire, l'avocat des demanderesses, Bruce Johnston, a demandé au témoin expert : n'êtes-vous pas d'accord qu'il a dû être très difficile pour ces femmes de rencontrer l'expert mandaté par la personne qui les a agressées? Oui, a répondu Marc Ravart. Et ce serait vrai pour toutes les victimes? a poursuivi l'avocat. Oui, je suppose, a répondu l'expert.

L'avocat des demanderesses a ensuite cherché à faire dire à Marc Ravart qu'en toute logique, pour évaluer les séquelles d'un viol, il fallait présumer que ledit viol avait été commis. Vous ne pouvez pas évaluer les séquelles de quelque chose qui n'a pas eu lieu, puisqu'il n'y en a pas, a insisté Me Johnston.

Madame la juge, je n'ai pas présumé de cela, a répondu le témoin, ça se peut que ce soit arrivé, ça se peut que non. À la suggestion de Me Johnston, Marc Ravart s'est dit d'accord sur le fait que, règle générale, les victimes de viol souffraient à court, à moyen et à long terme de séquelles. Le psychologue sera contre-interrogé jeudi par le procureur général, Me Michel Déom.

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