Un cabinet obtient la rétractation d’un jugement rendu contre lui

Le cabinet Rochefort et Associés Avocats a obtenu gain de cause devant la Cour du Québec, qui a rétracté un jugement par défaut de 17 754,17 $ prononcé contre lui.
Dans une décision rendue le 19 novembre, le juge David Pecho a établi que le cabinet avait été « empêché de se défendre par surprise et pour une cause suffisante ».
C’est Me Isabelle Gauthier, de Laroche Avocats, qui agissait pour la CNESST, la demanderesse.
Le cabinet était représenté par Me Judith Bizier.
Le contexte : une intention de se défendre ignorée
Le contexte est résumé comme suit par le juge David Pecho :
Le 19 mai 2023, la CNESST intente une action contre Rochefort d’un montant de 17 754,17 $ au bénéfice d’une salariée.
Le même jour, le cabinet produit au dossier de la Cour un « acte de représentation » le 5 juin 2023, notifié aux avocats de la CNESST.
Plusieurs étapes procédurales suivent : dépôt d’un protocole d’instance, audience de gestion, demande en déclaration d’inhabilité, dépôt subséquent d’un acte de représentation de Me Coté avocats inc. pour Rochefort et exposé sommaire des moyens de défense.
Malgré cette séquence procédurale active, la CNESST produit le 25 septembre 2024 une demande d’inscription par défaut pour instruction et jugement par défaut de répondre à l’assignation.
Le 27 novembre 2024, Me Coté avocats inc. produit un avis d’intention de cesser d’occuper pour Rochefort.
Le 25 mars 2025, la greffière spéciale, Me Catalin Curia, rend un jugement par défaut contre le cabinet.
Me Daniel Rochefort prend connaissance de ce jugement le 15 juillet 2025 et dépose une demande en rétractation le lendemain.
Dispute entre Rochefort et ses anciens avocats
Selon ce qu’on peut lire dans la décision du juge Pecho, une dispute « importante » a eu lieu entre Rochefort et ses avocats de Coté « en raison de multiples erreurs commises par ces derniers dans la gestion des dossiers ».
Me Daniel Rochefort a témoigné à l’effet qu’il avait été confronté à des difficultés concernant le transfert des dossiers à la suite du départ de Me Coté.
« Il n’est pas informé par Me Coté de l’avis de dossier incomplet, ni de l’inscription par défaut. Rochefort ne reçoit aucune collaboration de la part de Me Coté », relate le juge Pecho.
La décision du tribunal : priorité au droit d’être entendu
L'analyse du tribunal a reposé sur l'équilibre entre le droit d'être entendu (audi alteram partem) et le principe de la stabilité des jugements.
Pour réussir sa demande, Rochefort et associés devait démontrer qu’il avait été empêché de se défendre par fraude, surprise ou une autre cause jugée suffisante (art. 345 Code de procédure civile) et avoir respecté les délais.
Le juge Pecho a conclu que les faits militaient en faveur de Rochefort.
Selon lui, il était invraisemblable que le cabinet ait délibérément choisi de ne pas se défendre, compte tenu de la multitude de procédures déposées pour contester l’action.
Le juge a été particulièrement critique face au fait que la CNESST n'a fait aucune tentative de discussion avec les avocats de Rochefort par « simple courtoisie » avant de déposer l'inscription par défaut, et ce, malgré cet historique de procédures actives qui témoignait de l'intention de contester.
Le tribunal a souligné que le défaut résultait d'un malentendu ou d'une erreur de l'avocat précédent (défaut de timbrer une réponse et non-collaboration), plaçant Rochefort dans une situation d'impossibilité d'agir dans le délai imparti.
Le juge Pecho a rappelé que l'avocat de la CNESST devait « s'assurer qu'il n'obtiendra pas un jugement au mépris des droits de la partie défenderesse qui désire véritablement contester la réclamation ».
Délais respectés pour la demande de rétractation
À propos du respect des délais de rigueur énoncés à l’article 347 Code de procédure civil, le tribunal a souligné que la demande de rétractation avait été rédigée et signée le 16 juillet 2025, un jour après la prise de connaissance du jugement.
Bien que la demande présentable le 20 août 2025 ait été rayée par un greffier spécial pour absence de preuve de notification, un accusé de réception (notification faite via le portail de la CNESST) était bel et bien au dossier, a noté le juge Pecho.
Le tribunal a même ajouté que dans les circonstances particulières de l'affaire, il aurait relevé Rochefort des délais si la notification initiale n'avait pas été valide.
Considérant la preuve que Rochefort avait été empêché de se défendre par une cause suffisante et l'existence de moyens de défense valables, le tribunal a déclaré suffisants les motifs du cabinet. Il a donc suspendu l'exécution du jugement par défaut et ordonné la poursuite de l'instance.
La CNESST a décliné notre invitation à commenter la décision du juge Pecho. Quant à l'avocate qui représentait Rochefort, elle n'avait pas donné suite à notre courriel au moment de rédiger ces lignes.