Un présumé meurtrier invoque sa déficience pour écarter une preuve

Radio -Canada
2018-04-17 10:20:00

La déficience intellectuelle d'Yves Nadeau l'aurait empêché de comprendre la situation, selon son avocat, Me Martin Latour.
Le 24 février 2014, Yves Nadeau se brossait les dents dans sa salle de bain lorsqu'il a entendu sa conjointe des huit dernières années, Louise Girard, tomber dans leur appartement. Il est accouru, a constaté qu'elle saignait après s'être cogné la tête sur le téléviseur et a communiqué avec le 911 lorsqu'elle a perdu conscience. C'est la version des faits qu'il a donnée à l'enquêteuse Claudette Hamelin, du Service de police de la Ville de Montréal, dans la nuit du 24 au 25 février 2014, quelques heures après avoir été arrêté pour le meurtre de sa conjointe.
La vidéo de l'interrogatoire a été présentée au procès, lundi.
Mme Hamelin y confronte Yves Nadeau : Louise Girard a été poignardée, insiste-t-elle.
« Elle a des plaies de défense sur les bras qui ne sont pas compatibles avec le fait d'être tombé sur la télé », lui dit-elle. Un couteau a été retrouvé dans l'évier de la cuisine. Des voisins ont entendu des cris. Et un test au luminol a révélé qu'Yves Nadeau avait des traces de sang sur les bras, qu'il aurait tenté de faire disparaître. « C'est sûr que tu t'es essuyé », lui dit-elle.
« Ben, je ne sais pas, moi... Je ne comprends pas... » répond Yves Nadeau d'une voix hésitante, avant de réitérer son innocence à plusieurs reprises et de demander à aller se reposer.
Déficience intellectuelle évidente?
Mme Hamelin a témoigné qu'au cours des deux heures de l'interrogatoire, elle ne s'est jamais doutée qu'Yves Nadeau souffrait de déficience intellectuelle. « J'ai pensé qu'il pouvait avoir un retard au niveau du langage, qu'il parlait moins facilement que la plupart des gens », a-t-elle déclaré.
Pourtant, le rapport qu'elle avait reçu avant l'interrogatoire stipulait que M. Nadeau était atteint d'une « déficience mentale ». Et certaines de ses déclarations avaient de quoi lui mettre la puce à l'oreille, a indiqué Me Latour.

Claudette Hamelin a cru qu'il était « soit en état de choc, soit il jouait un jeu », a-t-elle affirmé devant le juge Mario Longpré, de la Cour supérieure. Elle a assuré qu’elle a agi avec M. Nadeau comme avec n'importe quelle autre personne accusée de meurtre, et qu'il est fréquent qu'elle utilise un langage simple et qu’elle demande à un suspect s'il sait lire.
La défense demande au tribunal de déclarer inadmissible la vidéo de l'interrogatoire puisqu'il est clair, selon elle, que l'accusé ne comprenait pas ce qui se passait.
Défense de non-responsabilité criminelle?
Me Latour a indiqué qu'il pourrait faire évaluer son client par une psychiatre afin de présenter une défense de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.
La procureure aux poursuites criminelles et pénales a souligné au juge qu'Yves Nadeau a séjourné à l'Institut Philippe-Pinel pendant un mois. « Selon la psychiatre, rien n'a laissé penser qu'il n'était pas responsable de ses gestes. Il n'y avait pas de traces de maladie mentale », a affirmé Me Catherine Perreault.
Fait inhabituel : le procès pour meurtre non prémédité d'Yves Nadeau se déroule devant juge seul et il est en liberté pendant les procédures.
La poursuite pourrait faire entendre une dizaine de témoins avant la fin de la semaine.