Des milliers d’objets interceptés en près de deux ans dans 5 palais de justice du Québec

Radio Canada
2025-07-25 13:15:11
3Des arches de détection de métaux ont été installées dans les palais de justice de Longueuil, Laval, Joliette, Québec, Chicoutimi et Saint-Jérôme.

De la méthamphétamine, des répulsifs de poivre de Cayenne et des poings américains ont notamment été saisis par les constables spéciaux des palais de justice de Longueuil, Laval, Joliette, Québec et Chicoutimi entre juin 2024 et mars 2025. Près de 3700 objets, comme des couteaux, ont été abandonnés à l’entrée de ces palais de justice pendant cette même période. Québec a annoncé en juin 2024 l’installation des arches de sécurité dans neuf palais de justice d’ici l’automne 2025 après l'attaque à l'endroit d'un interprète judiciaire à Longueuil.
Jusqu’à présent, des arches de détection de métaux ont été mises en place dans six palais de justice, soit à Longueuil, Laval, Joliette, Québec, Chicoutimi et Saint-Jérôme.
Le nouveau palais de justice de Roberval, inauguré au début du mois de juillet, est lui aussi équipé d’arches de détection de métaux. Les nouveaux palais de justice de Rouyn-Noranda et de Saint-Hyacinthe en seront aussi dotés.
Des installations similaires seront installées au palais de justice de Sherbrooke à l’automne 2025 tout comme à Gatineau et Salaberry-de-Valleyfield. Le ministère de la Justice indique que des analyses supplémentaires sont requises pour ces deux derniers en raison de certaines complexités d’aménagement. L’objectif est que les travaux soient complétés au plus tard l’hiver prochain.
Le ministère de la Justice, le ministère de la Sécurité publique et la Société québécoise des infrastructures font le maximum d’efforts pour y parvenir. La modernisation des équipements de sécurité dans les palais de justice vise à renforcer le sentiment de sécurité des citoyens et des intervenants du milieu de la justice qui y travaillent à tous les jours, mentionne par écrit le service des communications du ministère de la Justice.
Des milliers de saisies

Chaque visiteur, qui entre à l’intérieur de l’un de ces palais de justice pour une audience, une comparution, un mariage ou un rendez-vous, doit suivre un trajet déterminé avant d'être fouillé. Les constables spéciaux vérifient le contenu de leurs sacs à dos et sacs à main. Les usagers traversent ensuite les arches de détection de métaux.
Le ministère de la Sécurité publique explique que les objets saisis dans le cadre d’un dossier d’enquête peuvent être prohibés par nature, leur possession étant interdite, ou servir de preuves dans des dossiers d’autres infractions, comme les bris de conditions, par exemple.
Entre le 19 juin 2024 et le 31 mars 2025, 37 items de stupéfiants ont été interceptés à l’entrée des palais de justice de Longueuil, Laval, Joliette, Québec et Chicoutimi. Vingt-deux saisies de méthamphétamine, 12 de cocaïne, deux de crack et une de cannabis ont été faites depuis l’ajout de ces nouvelles mesures de sécurité.
Au total, 29 armes prohibées et autres objets ont été récupérés par des constables spéciaux des cinq palais de justice pendant ces mêmes dates. Neuf répulsifs de poivre de Cayenne, six poings américains et trois armes à impulsion électrique ont notamment été interceptés lors de fouilles imposées aux visiteurs. Les objets saisis font suite à des interventions des constables spéciaux ont tous fait l’objet d’une arrestation , indique le ministère de la Sécurité publique.

Dans certains cas, des objets sont abandonnés volontairement à l’entrée des palais de justice. Ils sont refusés puisqu’ils peuvent être dangereux ou être utilisés à mauvais escient, précise le ministère. En tout, 3680 objets désistés ont été dénombrés entre le 19 juin 2024 et le 31 mars 2025 dans les cinq palais de justice. Parmi les éléments les plus abandonnés, on retrouve des ustensiles (669), des couteaux (541), des objets pointus en plastique et en métal (503), des ciseaux (396), des couteaux de précisions de type Exacto (273) ainsi que des limes à ongles en métal (186).

Contrairement aux objets saisis, les objets désistés n’ont pas fait l’objet d’arrestation. Les items refusés sont détruits. Si la possession de l’objet a entraîné des poursuites judiciaires comme c’est le cas pour des objets saisis, Québec indique que les items sont conservés comme preuves au dossier jusqu’à l’ordonnance de destruction ou de libération des biens.
Des professionnels exemptés

Certaines personnes sont exemptées du processus de fouilles à l’entrée des palais de justice, qui disposent d’arches de détection de métaux. Les policiers ainsi que les agents de la paix, les avocats membres du Barreau, les juges, les sténographes judiciaires, les travailleurs sociaux de la DPJ, les employés qui travaillent au palais ainsi que les journalistes accrédités qui couvrent quotidiennement les activités judiciaires sont exemptés. À cela s’ajoute, toute autre personne munie d’une autorisation spéciale, délivrée par le ministre de la Justice ou par le ministre de la Sécurité publique ou leur délégué.
En vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires (t-16), d’autres personnes peuvent après s’être identifiées et avoir prouvé leur qualité auprès des personnes chargées de l’application des contrôles de sécurité, pénétrer dans l’immeuble ou la partie d’immeuble sans être assujetties à ces contrôles.
Une mesure saluée par le Barreau du Québec
Le Barreau du Québec, pour qui l’augmentation du niveau de sécurité dans les palais de justice du Québec était nécessaire, salue la mise en place d’arches de sécurité permettant d’intercepter les armes ou métaux susceptibles de nuisance ou de violences.
Le bâtonnier du Québec rappelle que le Barreau a été parmi les premiers à demander davantage de garanties de sécurité pour protéger le public et les professionnels qui œuvrent dans les palais de justice.
« Tous jouent un rôle essentiel au fonctionnement de notre système de justice et méritent de bénéficier d’un sentiment de sécurité dans les enceintes où ils travaillent », dit Me Nadeau.
Pas suffisants pour des procureurs aux poursuites criminelles et pénales

Depuis des années, l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales réclame davantage de sécurité pour les procureurs et les citoyens qui se présentent dans les palais de justice.
Le président de l’association, Guillaume Michaud, déplore qu'il faille un événement tragique pour que Québec installe des arches de sécurité dans certains palais de justice de la province. Il ne cache pas son inquiétude face aux items saisis par les constables spéciaux.
« Quand je regarde tout ce qui est saisi par les arches, par les constables spéciaux, ce n’est pas rassurant pour les palais de justice qui n’ont pas de tel système », témoigne celui qui représente les quelque 800 procureurs de l'État québécois.
Me Michaud souligne que les palais de justice sont fréquentés par une clientèle à risque pour ceux qui y œuvrent.
« Nécessairement, ces gens-là sont criminalisés, ils peuvent avoir des armes sur eux. Je ne suis pas surpris. Je suis inquiet pour les gens qui travaillent dans les palais de justice qui n’ont pas d’arches », confie-t-il.
Il rappelle que toute personne appelée à comparaître peut se désorganiser à n'importe quel moment. « Les constables le savent maintenant, lorsqu'il y a des fouilles et des arches, que la personne n’est pas armée », rapporte-t-il. « Quand on intervient, c’est beaucoup plus facile et moins dangereux pour les constables et pour les procureures ».
Depuis le début de l’année, 14 événements de sécurité se sont déroulés contre des procureurs, selon l’association.
« Ça veut dire des personnes qui ont menacé des procureurs, qui ont fait des voies de fait, qui ont intimidé. On en a bon an mal an autour de 20-25 par année. Ce ne sont pas des événements isolés. Quand on dit que c’est dangereux de faire notre travail, il y a des événements qui le prouvent. Il faut mettre les sous nécessaires pour améliorer notre sécurité », expose M. Michaud.
Il souligne que la plupart des procureurs sortent des palais de justice sans mesures de sécurité. Il soutient que la sécurité personnelle des procureurs n’existe à peu près pas en dehors des palais de justice.
Plus de protection demandée pour les procureurs
Depuis des années, l’association essuie des refus quant à ses demandes de stationnement sécurisé pour les procureurs.
« On saisit ce genre d’objets-là dans l’enceinte du palais de justice alors qu'est-ce qui se passe à l’extérieur quand le procureur se rend à son véhicule. Il n’est pas protégé. Il est seul », rappelle M. Michaud.
« C’est pas très rassurant. On trouve qu’on joue avec une ligne très mince. Il pourrait arriver un événement très malheureux, on ne le souhaite pas. Malheureusement, on est très inquiet par rapport à ça ».
L'association aimerait également que des systèmes de sécurité soient installés au domicile de l’ensemble des procureurs. L’objectif est, selon M. Michaud, de permettre aux procureurs qui travaillent au quotidien avec des criminels de se sentir en sécurité.