Il doit verser près de 165 000$ à un avocat marocain!

Élisabeth Fleury
2025-07-24 13:15:50
Un homme d’affaires montréalais vient d’être condamné à dédommager un avocat du Barreau de Casablanca…

La Cour supérieure ordonne à l’entrepreneur et youtubeur Hicham Jerando de verser près de 165 000$ en dommages moraux, punitifs et pécuniaires à Adil Said Lamtiri, un avocat du Barreau de Casablanca, au Maroc.
Le jugement a été rendu le 14 juillet par le juge Horia Bundaru.
Le demandeur, Adil Said Lamtiri, était représenté par Me Claude Lamarre, de Claude Lamarre Avocat inc.
Absent pendant le procès — il a seulement été interrogé au préalable —, le défendeur, Hicham Jerando, n’était pas non plus représenté.
Le litige portait sur une série de vidéos et de publications diffamatoires diffusées en ligne par Hicham Jerando, un ressortissant marocain installé à Montréal qui oeuvre dans l’industrie du vêtement et qui se présente comme un militant anticorruption.
Adil Said Lamtiri, qui pratique le droit depuis 1995 et jouit d'une excellente réputation, a été la cible d'attaques virulentes de la part de Hicham Jerando via sa chaîne « Tahadi » sur Facebook, TikTok et YouTube dès mai 2023. Le défendeur a accusé Lamtiri de crimes graves comme la corruption et le blanchiment d'argent.
Malgré une mise en demeure et une injonction interlocutoire prononcée en juillet 2023 ordonnant le retrait des vidéos – injonction à laquelle Jerando a refusé de se conformer, entraînant une condamnation pour outrage au tribunal en janvier 2024 –, les diffusions ont repris de plus belle en février 2025, juste avant le procès.
Selon le tribunal, Jerando a propagé des faussetés sans aucune vérification, amplifiant des informations glanées auprès de sources isolées et agissant avec l'intention de nuire.
Des dommages moraux, punitifs et pécuniaires
Le jugement accorde à Adil Said Lamtiri 70 000 $ à titre de dommages moraux pour l'atteinte à sa réputation, sa honte et l'angoisse qu'il a subie.
La cour a pris en compte la gravité des propos, la qualité de la réputation de Lamtiri en tant qu'avocat ainsi que l'ampleur de la diffusion des vidéos, qui ont totalisé plus d’un million de vues sur YouTube. Les réactions négatives du public ont également été considérées par le tribunal.
Jerando est également condamné à payer 85 000 $ en dommages punitifs au demandeur, une somme que le juge Bundaru espère assez élevée pour empêcher une récidive.
Hicham Jerando démontre, selon le magistrat, un « mépris flagrant » pour les ordonnances d’injonction interlocutoire émises par le tribunal.
Jerando devra en outre verser à l’avocat marocain une somme de 9514$ à titre de dommages pécuniaires.
Retrait des vidéos et publications diffamatoires
En plus des dommages financiers, la Cour supérieure ordonne à Hicham Jerando de retirer toutes les vidéos et publications diffamatoires déjà diffusées et lui interdit de diffuser à l'avenir des propos similaires.
Le tribunal n’a pas donné suite à la demande visant à ordonner à Jerando de publier le jugement sur le compte YouTube de sa chaîne Tahadi.
« Considérant que les dommages octroyés suffisent à compenser le préjudice subi par Lamtiri, le Tribunal ne fera pas droit à cette conclusion. Par ailleurs, une telle ordonnance n’apparaît pas souhaitable dans le présent cas, car elle risque d’avoir l’effet inverse à celui escompté : au lieu de mettre une fois pour toutes le couvercle sur la marmite, elle est susceptible de mettre de l’huile sur le feu et d’entraîner une nouvelle ronde de commentaires, voire de publications sur les réseaux sociaux », estime le juge Bundaru.
Hicham Jerando a affirmé à Droit-inc ne pas être au courant du jugement rendu par la Cour supérieure. « Je ne sais pas de quoi vous parlez », nous a a-t-il dit au téléphone avant de raccrocher promptement.
L’avocat du demandeur, Me Claude Lamarre, nous a assuré que le jugement lui avait été signifié et qu’il en avait même fait allusion dans une vidéo.
« C’est le premier jugement au fond qui est rendu contre lui, et il y a d’autres procédures d’engagées contre lui. J’espère qu’il va se conformer, cette fois », a commenté Me Lamarre.
Pas la première poursuite au Québec
En mars 2024, le journal La Presse écrivait que Jerando faisait face à une poursuite de 2 millions de dollars intentée par un ex-procureur général du Roi du Maroc, Najim Bensami, aujourd’hui conseiller du ministère de la Justice marocain.
Jerando, qui a aussi fait l’objet d’accusations criminelles, aurait suggéré sur sa chaîne YouTube que le juriste marocain soit « exécuté, puis ressuscité, puis encore une fois condamné et exécuté à mort ».
Najim Bensami est une figure connue au Maroc pour avoir notamment instruit les procès liés aux attentats terroristes survenus à Casablanca, en mai 2003. Ces attaques-suicides, menées par un groupe terroriste lié à Al-Qaïda contre le consulat de Belgique et plusieurs commerces tenus par des Juifs, ont fait 33 victimes.
Sur sa chaîne YouTube, Jerando aurait notamment accusé M. Bensami d’avoir « falsifié les aveux » d’accusés qui ont été condamnés à 20 ou 30 ans de prison au terme de ces procès.
Au Maroc, en mars, des membres de la famille de Hicham Jerando ont été arrêtés et accusés d’aider ce dernier à faire du chantage et à diffamer des individus. Le tribunal correctionnel de Aïn Sbaâ les a condamnés en mai à des peines allant de deux mois avec sursis à trois ans de prison ferme, condamnations qu’ils ont portées en appel.