Une avocate nommée Fellow


Me Despina Mandilaras, du cabinet Lavery, a récemment été invitée à rejoindre la Construction Lawyers Society of America (CLSA) en tant que Fellow, une reconnaissance prestigieuse dans le domaine du droit de la construction.
Spécialiste en litige commercial, Me Mandilaras intervient notamment dans les domaines de la construction, du cautionnement, des litiges contractuels et des différends entre actionnaires. Elle représente une clientèle variée des secteurs public et privé, devant tous les tribunaux et instances d’arbitrage.
Elle conseille également les acteurs de l’industrie, dont les entrepreneurs généraux et les sociétés de cautionnement, sur la gestion de projets et la résolution de réclamations.
Ce que représente cette distinction dans son parcours, les défis du droit de la construction et l’importance de la collaboration sur les chantiers : Droit-inc a jasé avec Me Despina Mandilaras.
Vous venez d’être admise à la Construction Lawyer’s Society of America. Que représente cette reconnaissance pour vous dans le cadre de votre parcours professionnel?
C’est évidemment un grand honneur pour moi d’être admise à titre de fellow à la Construction Lawyer’s Society of America. Mon parcours a commencé dans le domaine du droit du cautionnement au sein de l’industrie de la construction, ce qui m’a progressivement amenée à traiter des réclamations devant des tribunaux de toutes instances, mais aussi devant des tribunaux d’arbitrage.
Cette reconnaissance est le fruit de plusieurs années de travail acharné, d’engagement et de curiosité. Le droit de la construction ne se limite pas à des connaissances juridiques : il exige également une compréhension technique des projets. J’ai donc toujours cherché à approfondir mes connaissances de l’industrie et des aspects techniques des dossiers sur lesquels je travaille.
Mais au-delà de mon parcours personnel, cette distinction reflète aussi l’expertise et le travail de notre équipe chez Lavery. Les dossiers de droit de la construction sont souvent très complexes, avec une documentation volumineuse et des enjeux multiples. Cette réussite n’aurait pas été possible sans la collaboration, la compétence et la cohésion de notre équipe, des valeurs fondamentales pour nous.
Pour mieux comprendre votre rôle et son importance en droit de la construction, pouvez-vous nous expliquer les différentes facettes de votre travail et le type de dossiers sur lesquels vous intervenez au quotidien?
Nous représentons autant des entrepreneurs généraux que des sous-traitants, et nous intervenons sur des projets publics et privés. Dans le secteur privé, cela peut concerner, par exemple, la construction de cliniques médicales. Dans le secteur public, il peut s’agir de projets comme la construction de ponts ou même de dynamitage de routes. Nous traitons aussi des dossiers liés aux appels d’offres en droit de la construction.
Mon rôle inclut le conseil aux clients sur la gestion du chantier et l’accompagnement dans tout le processus de résolution de réclamations. Ces réclamations sont souvent très encadrées par le contrat et peuvent porter sur l’accélération des travaux, les retards ou encore les conditions particulières, comme l’impact de l’hiver sur le chantier. L’objectif est toujours d’assurer que le processus soit respecté tout en protégeant les intérêts de nos clients.
Quels sont les principaux défis que vous rencontrez dans le cadre de votre pratique en droit de la construction?
Un des principaux défis, c’est que les litiges naissent souvent alors que le chantier n’est pas encore terminé. Cela complique vraiment les choses, car l’intérêt de tous reste avant tout de terminer le projet. Si les parties s’opposent et décident de bloquer les travaux, cela entraîne des retards et des coûts supplémentaires, ce qui ne profite à personne.
Dans ce contexte, notre rôle consiste à mettre les différends « en pause » pour permettre la continuation des travaux, tout en protégeant les droits de nos clients. Cela implique souvent une lourdeur administrative et procédurale, avec des échanges fréquents de correspondances « sous réserve de droits ».
Un autre aspect compliqué des dossiers de construction, c’est la multiplicité des parties impliquées. On travaille avec des donneurs d’ouvrage, des entrepreneurs généraux, des sous-traitants, parfois même des banquiers. Chaque action entreprise par une partie peut affecter les autres, comme lorsqu’un donneur d’ouvrage retient des fonds contractuels dus à l’entrepreneur général : celui-ci a besoin de cet argent pour payer ses sous-traitants et poursuivre le chantier.
Il faut donc constamment équilibrer la protection des intérêts du client avec la réalité du chantier, en utilisant les outils juridiques appropriés pour naviguer ces défis.
Enfin, un autre défi majeur concerne les délais. Il y a ceux prévus par les contrats de construction pour déposer des réclamations ou des avis ; ceux liés aux tribunaux ou aux arbitrages ; et ceux liés aux chantiers eux-mêmes. Dans des dossiers multipartites, cela devient un véritable casse-tête de coordination pour respecter toutes les échéances tout en assurant la continuité du projet.
Pour continuer, y a-t-il un projet ou un dossier qui vous a particulièrement marqué et qui illustre bien votre approche en droit de la construction?
Dans ce domaine, il est crucial de regarder la « forêt » et pas seulement l’« arbre » : c’est-à-dire de considérer non seulement l’enjeu immédiat, mais aussi l’intérêt global du projet et de toutes les parties impliquées.
Il y a notamment eu un projet public financé par des deniers publics, où le donneur d’ouvrage avait décidé de résilier le contrat de l’entrepreneur général. Nous sommes intervenus et avons réussi à convaincre le donneur d’ouvrage de suspendre cette résiliation.
L’idée était d’ouvrir des canaux de communication entre toutes les parties prenantes : l’entrepreneur général et le donneur d’ouvrage, afin de trouver une solution qui permette de terminer le chantier tout en minimisant les dommages financiers et les retards. Bien sûr, tout cela s’est fait sous réserve des droits des parties.
Cela a impliqué des rencontres hebdomadaires, des échanges constants entre avocats, et une coordination étroite sur le chantier. Grâce à cette approche, le chantier a pu être mené à terme, évitant qu’un nouvel entrepreneur général soit engagé, ce qui aurait coûté beaucoup plus cher et retardé le projet.
Ce dossier illustre parfaitement mon approche : protéger les intérêts de mon client tout en mettant en avant l’intérêt du projet, en favorisant la communication et la collaboration entre les parties, afin que les différends se règlent après la complétion du chantier et non au détriment du projet.
Pour terminer, quels conseils donneriez-vous à un jeune avocat ou une jeune avocate qui se lance dans la pratique?
Le premier, c’est de ne pas avoir peur de se lancer, même si vous n’avez pas une expertise technique dans le domaine. Pour ma part, je n’avais jamais travaillé en dehors de la construction avant de commencer. J’ai eu la chance de collaborer avec des clients passionnés qui ont pris le temps de m’expliquer tous les aspects techniques des projets. Cela m’a permis de comprendre leur réalité, d’utiliser le bon vocabulaire et, finalement, de mieux répondre à leurs besoins.
La clé est la curiosité et la volonté d’apprendre : on n’a pas besoin de savoir construire une clinique ou dynamiter une route, mais il faut comprendre le processus, les termes et le fonctionnement des différents corps de métier pour pouvoir intervenir efficacement.
Le second conseil concerne la gestion de l’information. Les dossiers de construction impliquent une masse importante de documents et de données. Il est essentiel de maîtriser les outils technologiques et logiciels qui permettent d’organiser, classer et filtrer l’information de manière efficace. Cela facilite l’accès rapide aux documents, tant pendant le déroulement du dossier que lors d’un procès.
Chez Lavery, l’audace est une valeur fondamentale. Cela signifie être attentif aux nouvelles technologies et aux meilleures pratiques, et savoir les intégrer à notre travail. Par exemple, lors d’un procès de longue durée, nous avons pu retrouver en quelques secondes une information cruciale provenant d’une réunion de chantier parmi des centaines de documents, ce qui nous a permis de contredire efficacement un témoin.