Une juge canadienne sanctionnée par Washington!

Radio Canada
2025-08-21 11:15:25

Les États-Unis, qui accusent la Cour pénale internationale (CPI) « de politisation », ont sanctionné mercredi quatre de ses magistrats, dont une Canadienne, une décision qualifiée par la CPI d'« attaque flagrante ».
Les sanctions américaines visent la juge canadienne Kimberly Prost, pour son implication dans l'enquête de la CPI sur le personnel américain en Afghanistan; le juge français Nicolas Guillou, qui est impliqué dans le dossier du mandat d'arrêt visant le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou; ainsi que deux procureures adjointes, Nazhat Shameem Khan, des îles Fidji, et Mame Mandiaye Niang, du Sénégal.
Ils sont sanctionnés pour avoir directement participé aux efforts déployés par la CPI pour enquêter, arrêter, détenir ou poursuivre des ressortissants des États-Unis ou d'Israël, sans le consentement de l'un ou l'autre de ces pays, a déclaré le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, dans un communiqué.
Ces nouvelles sanctions viennent s'ajouter à celles annoncées, début juin, contre quatre autres magistrates de la CPI. Et en février, les États-Unis ont sanctionné le procureur de la CPI Karim Khan, qui avait mis en œuvre une procédure contre des dirigeants israéliens.
Marco Rubio, qui a dénoncé la politisation de la CPI, a souligné que l'institution établie à La Haye représentait une menace pour la sécurité nationale et a été utilisée comme un instrument de guerre juridique contre les États-Unis et leur proche allié Israël. Les États-Unis rejettent en particulier des procédures ayant visé des soldats américains en Afghanistan, suspectés de crimes de guerre présumés, ou encore les mandats d'arrêt de la CPI contre le premier ministre israélien et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant, soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité dans la guerre dans la bande de Gaza.
La précédente administration du démocrate Joe Biden s'était également insurgée contre ces mandats d'arrêt.
La CPI a qualifié les sanctions américaines d'attaque flagrante contre l'indépendance d'une institution judiciaire impartiale, selon un communiqué. La Cour a ajouté qu'elle soutenait fermement son personnel et les victimes d'atrocités inimaginables, et assuré qu'elle continuerait à remplir ses mandats, sans se laisser décourager et sans tenir compte d'aucune restriction, pression ou menace.
Interdiction d'entrée sur le sol américain
Les mesures annoncées consistent en une interdiction d'entrée sur le sol américain et le gel des avoirs éventuels détenus aux États-Unis ainsi que de toute transaction financière avec eux. La juge canadienne est sanctionnée pour avoir autorisé l'ouverture d'une enquête de la CPI sur des crimes présumés commis pendant la guerre en Afghanistan, y compris par les forces américaines. Le juge français est, lui, chargé d'une affaire dans laquelle un mandat d'arrêt a été délivré contre M. Nétanyahou.
Nicolas Guillou, juriste chevronné, a travaillé pendant plusieurs années aux États-Unis sous la présidence de Barack Obama, en tant que magistrat de liaison auprès du département américain de la Justice, pour y développer la coopération judiciaire avec la France. Pour leur part, les procureures adjointes Shameem Khan et Mandiaye Niang sont sanctionnées pour leur soutien aux actions illégitimes de la CPI contre Israël, notamment en ce qui a trait aux mandats d'arrêt.
Israël salue le geste de l'administration Trump
Le premier ministre israélien, visé depuis novembre 2024 par un mandat d'arrêt, a salué les sanctions américaines dans un communiqué publié par son bureau. C'est une action décisive contre la campagne de diffamation et de mensonges visant l'État d'Israël (et son armée) en faveur de la vérité et de la justice, a-t-il ajouté. La France a exprimé sa consternation, selon le ministère des Affaires étrangères.
Elle exprime sa solidarité à l'égard des magistrats visés par cette décision et estime que les sanctions américaines sont contraires au principe d'indépendance de la justice, a souligné un porte-parole du ministère. Ni les États-Unis ni Israël ne sont membres de la CPI, une juridiction permanente chargée de poursuivre et juger des individus accusés de génocide, de crime contre l'humanité et de crime de guerre. Ils ne reconnaissent pas sa capacité à poursuivre leurs ressortissants.
La CPI peut cependant engager des poursuites contre eux pour des crimes présumés commis sur le territoire d'un État partie – ce qui est le cas de la Palestine – ou d'un pays non membre reconnaissant sa juridiction. Au cours du premier mandat de Donald Trump, la CPI – en particulier sa procureure d'alors, Fatou Bensouda – avait déjà été la cible de sanctions américaines, levées par Joe Biden peu après son arrivée au pouvoir, en 2021.