CNESST- L’assignation temporaire : êtes-vous prêt pour le nouveau formulaire?
Claire Fournier
2022-12-08 11:15:00
Tout d’abord, à titre de rappel, il revient toujours au professionnel de la santé qui a charge du travailleur d’autoriser l’assignation temporaire. Tel que le législateur est venu le préciser, toute information médicale obtenue par ce formulaire ne peut faire l’objet d’une contestation via la procédure de BEM, donnant ainsi encore une primauté à l’opinion du professionnel de la santé qui à charge du travailleur.
Une importante nouveauté réside dans le fait que ce formulaire remplace tout autre formulaire et dorénavant, ce formulaire doit être utilisé et rempli par le professionnel de la santé. L’autorisation d’une assignation temporaire ne peut pas se faire verbalement ni par des commentaires remplis au rapport médical de suivi.
Ce nouveau formulaire prévoit que l’employeur doit indiquer le mode de rémunération pendant la durée de l’assignation. Il doit choisir entre 2 options :
1/ Verser au travailleur le salaire et les avantages liés à son emploi dont il bénéficierait s’il avait continué à l’exercer.
2/ Choisir une option salariale pour l’assignation temporaire à temps réduit :
- Verser au travailleur le salaire et les avantages liés à son emploi dont il bénéficierait s’il avait continué à l’exercer et, s’il le souhaite, dans les 90 jours suivant la fin d’une période de paie, faire parvenir à la CNESST une déclaration des heures travaillées par le travailleur afin d’obtenir un remboursement correspondant au salaire net versé pour les heures payées, mais non travaillées.
- Verser au travailleur le salaire et les avantages liés à son emploi dont il bénéficierait s’il avait continué à l’exercer, mais uniquement pour les heures de travail que comporte l’assignation temporaire.
- Le travailleur est-il raisonnablement en mesure d’accomplir ce travail?
- Ce travail comporte-t-il des dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique et psychique du travailleur, compte tenu de sa lésion?
- Ce travail est-il favorable à sa réadaptation?
Cette « Option » sur la rémunération est intégrée à l’article 180 qui prévoit également que l’option choisie ne peut être modifiée « qu’une seule fois pour une même assignation temporaire. »
L’interprétation à accorder à la notion « d’une même assignation » pourrait porter à confusion du moment où un nouveau formulaire d’assignation est rempli et autorisé par le professionnel de la santé.
Ainsi, une modification dans les tâches pour développer les capacités du travailleur permettrait de considérer qu’il s’agit d’une nouvelle assignation et ainsi de modifier le choix de rémunération, selon le cas.
Actuellement, nous constatons que la CNESST demande aux employeurs qui avaient déjà des assignations actives avant le 6 octobre de faire un choix d’option, lorsque l’assignation se poursuit selon un horaire à temps réduit.
Le nouveau formulaire comporte également une section où l’employeur doit présenter deux propositions d’assignation et y décrire le travail, les tâches proposées et l’horaire proposé.
Est-ce à dire qu’il est obligatoire de proposer des tâches et que vous ne pouvez pas utiliser un formulaire maison? Déjà, la jurisprudence exigeait que l’autorisation du professionnel de la santé porte sur un travail spécifique, avec une description suffisante du travail.
Par conséquent, l’employeur ne peut pas se contenter d’indiquer, par exemple, « travail de bureau », « travail léger » ou encore « travail dans l’entrepôt ».
De la même façon, l’autorisation par un professionnel de la santé de travaux légers sur un billet médical CNESST ne constitue pas une assignation temporaire valide, car aucun travail n’est mentionné. Ainsi, le professionnel de la santé qui a charge du travailleur qui n’autorise aucune tâche déterminée ni exécutée dans des conditions précises et dûment décrites, mais plutôt un retour à un travail léger, à temps partiel, et « selon tolérance » verra son assignation jugée invalide.
Bien que la forme ne devrait pas l’emporter sur la règle de droit que l’on tente d’appliquer, il demeure important que le professionnel de santé fournisse son opinion sur les trois questions suivantes (a.179 LATMP) :
Autre élément important, l’opinion du professionnel de la santé devra également être plus motivée, car il doit dorénavant se prononcer sur les limitations fonctionnelles temporaires en lien avec la lésion.
À titre d’exemple, si le site lésionnel est au niveau d’une épaule, la mention d’éviter de travailler avec le bras au-dessus de la hauteur des épaules peut s’inscrire à titre de limitations temporaires.
Il s’agit à notre avis d’une amélioration qui permet au gestionnaire un encadrement de l’assignation. Dans l’éventualité où le professionnel de la santé refuserait toutes propositions d’assignation, son opinion doit être motivée. Des précisions bien documentées permettront au gestionnaire d’élaborer une nouvelle offre d’assignation.
Enfin, le travailleur peut contester une assignation autorisée par son médecin en s’adressant à son comité de santé et sécurité, ou à défaut à la CNESST. (Art.37 à 37.3 LSST). Il pourra utiliser cette procédure s’il estime que l’employeur ne respecte pas la description des tâches autorisées par le professionnel de la santé.
Cette procédure n’a pas été modifiée. De même, un travailleur qui refuse sans motifs valables d’effectuer une assignation temporaire conforme s’expose à une suspension de ses indemnités (a.142 (2)e) LATMP).En conclusion, les modifications apportées en matière d’assignation temporaire représentent une bonne occasion de réviser les propositions d’assignation temporaire et ainsi de s’assurer qu’elles sont bien adaptées au type de lésion et toujours d’actualité dans vos milieux de travail.
Me Claire Fournier travaille au sein du cabinet Morency. Elle a débuté sa pratique au sein du contentieux de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.
Par la suite, elle a joint d’autres grands cabinets privés spécialisés en droit du travail et en droit de la santé et sécurité du travail, où elle a eu l’occasion de représenter, entre autres, des employeurs des secteurs forestiers, miniers, manufacturiers et des services de la santé.
En février 2003, elle a intégré le contentieux de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec où elle a occupé le poste de directrice aux affaires juridiques et politiques SST.
À ce titre, elle a supervisé une équipe juridique dédiée aux litiges relatifs à la santé et la sécurité du travail, pour les membres de l’APCHQ ainsi que pour diverses entreprises membres de mutuelles de prévention gérées alors par l’APCHQ.