Déclarations environnementales et Loi sur la concurrence

Beth Riley, Daniel G. Edmondstone Et Radha Curpen
2025-07-07 11:15:31

Le 5 juin 2025, le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») a publié la version définitive de ses lignes directrices d’application de la loi (les « lignes directrices ») énonçant son approche en matière d’interprétation des indications relatives à l’environnement et aux changements climatiques selon la Loi sur la concurrence (la « Loi »). Ces lignes directrices constituent l’aboutissement d’un important processus de consultation mené par le Bureau.
Elles fournissent des orientations sur les deux nouvelles dispositions sur l’écoblanchiment introduites le 20 juin 2024, qui exigent qu’une entreprise fonde ses indications relatives à l’environnement et aux changements climatiques sur une épreuve ou des éléments corroboratifs suffisants et appropriés.
Les lignes directrices visent à apaiser les préoccupations soulevées à l’égard de ces dispositions et proposent des outils qui permettent aux entreprises de faire des déclarations environnementales conformes à la Loi.
Bien que certains soutiennent qu’il est relativement simple de se conformer aux nouvelles dispositions, cette position ne tient pas compte des enjeux et des risques législatifs auxquels sont confrontées les entreprises qui souhaitent communiquer en toute transparence leurs mesures et objectifs environnementaux.
Voici des facteurs clés qui influenceront la décision d’une entreprise de faire des déclarations environnementales en application des dispositions sur l’écoblanchiment.
La formulation générale du libellé et l’incertitude connexe, y compris l’utilisation d’une terminologie non définie et non prise en compte par les tribunaux, de sorte que les entreprises ne disposent probablement pas des outils nécessaires pour se conformer aux nouvelles dispositions.
L’absence d’une période de transition permettant aux entreprises d’élaborer des politiques et des pratiques pour respecter la Loi. La communication publique des renseignements au 20 juin 2024 était donc assujettie aux nouvelles dispositions de corroboration, qui exigent des entreprises qu’elles fondent leurs déclarations sur des éléments corroboratifs et non simplement s’appuyer sur leur véracité.
Les sanctions importantes prévues par la Loi.
Le nouveau droit de recours par des parties privées, en vigueur depuis le 20 juin 2025 (pour la communication des renseignements faite dès le 20 juin 2024). Le Bureau ne sera donc plus le seul à pouvoir contester les déclarations environnementales visées par ces dispositions.
Ces facteurs ont entraîné une baisse de communication des entreprises sur les mesures bénéfiques pour l’environnement qu’elles prennent et leur engagement à atteindre certains objectifs environnementaux dans la lutte contre les changements climatiques.
La version définitive des lignes directrices adopte une approche ciblée et pratique dans l’interprétation des nouvelles dispositions sur l’écoblanchiment (ainsi que dans l’application possible des dispositions générales sur les indications trompeuses), bien que leur application nécessite encore des précisions. Il reste à déterminer si cette approche, qui limite la portée des dispositions sur l’écoblanchiment, encouragera les entreprises à communiquer des renseignements sur leurs mesures, résultats et engagements en matière d’environnement et si l’interprétation des lignes directrices sera finalement soutenue par le Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») ou les tribunaux.
Strictement, les lignes directrices ne seront pas contraignantes pour le Bureau, le Tribunal ou les tribunaux et ne peuvent pas limiter le droit des parties privées à prendre des mesures contre les entreprises en vertu des dispositions sur l’écoblanchiment. En conséquence, l’incertitude persistera jusqu’à ce que la jurisprudence soit établie.
Version définitive des lignes directrices – modifications par rapport à la version préliminaire
La version définitive a peu changé par rapport à la version préliminaire publiée le 23 décembre 2024. Les mises à jour renforcent l’approche ciblée et pratique du Bureau dans l’interprétation des nouvelles dispositions sur l’écoblanchiment (ainsi que dans l’application possible des dispositions générales sur les indications trompeuses), en plus d’inclure des exemples pratiques supplémentaires à titre d’orientations. Il convient de noter les différences ci-dessous.
Mandat de protection des consommateurs
La version définitive indique maintenant que le « Bureau s’intéresse aux indications données au public aux fins de marketing et de promotion, plutôt qu’aux indications données uniquement à d’autres fins ou à des fins qui sont réglementées par d’autres organismes gouvernementaux ».
Cette interprétation est conforme à l’objectif de la Loi, qui est de préserver et de favoriser la concurrence au Canada dans le but, entre autres, d’assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits. Comme l’a récemment fait remarquer le Tribunal, bien que les objectifs de la Loi soient plus larges que la simple protection des consommateurs, « [l]e consommateur se trouve au centre des dispositions relatives aux pratiques commerciales trompeuses (qui comprennent les nouvelles dispositions sur l’écoblanchiment)».
La version définitive comprend également un exemple de société cotée en bourse qui communique des renseignements de façon volontaire et obligatoire aux investisseurs actuels et potentiels. Le Bureau tente de rassurer les sociétés cotées en bourse en indiquant qu’elles ne sont pas visées par la communication aux investisseurs de « certaines déclarations environnementales » qui sont soumises à la réglementation sur les valeurs mobilières des provinces et territoires canadiens (les commissions des valeurs mobilières, par exemple).
Cette affirmation semble limiter l’approche du Bureau, en plus de laisser des questions en suspens. La communication des renseignements s’adresse-t-elle de façon générale à d’autres parties prenantes, en plus des investisseurs en valeurs mobilières, par exemple? Les commissions des valeurs mobilières décident-elles de ne pas exercer leur compétence à l’égard de cette communication, surtout à la lumière de l’annonce faite le 23 avril 2025 par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, selon laquelle elles suspendent leurs travaux visant l’élaboration d’un nouveau règlement sur la communication obligatoire de renseignements liés aux changements climatiques et les modifications des obligations d’information sur la diversité existantes pour les sociétés cotées en bourse au Canada?
Nonobstant l’approche du Bureau visant à limiter son rôle en matière de contrôle de la communication de renseignements, les lignes directrices prévoient désormais que si une « entreprise réutilise l’une des déclarations environnementales dans le but de promouvoir un produit ou des intérêts commerciaux en dehors de la vente de valeurs mobilières, le Bureau appliquera la Loi de manière appropriée ».
En l’occurrence, bien que le Bureau n’examine pas la communication initiale, la réutilisation subséquente des renseignements (leur affichage potentiel sur le site Web de l’entreprise ou leur communication ultérieure dans un communiqué de presse, par exemple) peut faire l’objet d’un examen et nécessiter des éléments corroboratifs en application des dispositions sur l’écoblanchiment. Il peut être difficile, en pratique, de limiter l’utilisation de déclarations environnementales au droit des valeurs mobilières.
Toute société cotée en bourse qui traite directement avec les consommateurs aura probablement de la difficulté à séparer la publicité liée aux valeurs mobilières de l’activité promotionnelle générale. Enfin, la capacité des parties privées d’appliquer ces dispositions de la Loi à compter du 20 juin 2025 signifie que l’intention du Bureau de restreindre sa sphère de compétence est beaucoup moins déterminante de l’évaluation des risques pour les entreprises.
Limitation de la portée des déclarations assujetties aux dispositions sur l’écoblanchiment
La version définitive des lignes directrices comprend un exemple de ce qui constitue une indication selon le Bureau. Son interprétation, restreinte, exempte certaines déclarations environnementales de l’application des nouvelles dispositions. L’exemple présente une déclaration d’une entreprise concernant la teneur en matières recyclées d’un produit. Le Bureau est d’avis qu’elle n’est pas considérée comme :
une déclaration concernant « le rendement ou l’efficacité d’un produit » ou « les avantages d’un produit pour protéger ou restaurer l’environnement ou pour lutter contre les changements climatiques », des éléments énoncés dans la disposition qui s’applique aux déclarations environnementales sur les produits;
une déclaration concernant « une entreprise ou une activité de l’entreprise », un élément énoncé dans la disposition qui s’applique aux déclarations environnementales sur les entreprises et les activités des entreprises.
Par conséquent, la déclaration ne ferait pas l’objet d’un examen en vertu des nouvelles dispositions sur l’écoblanchiment.
Bien que la clarté des lignes directrices soit bienvenue, il n’est pas mentionné explicitement si les parties privées ou le Tribunal sont du même avis à propos de cet exemple.
Orientations supplémentaires concernant la signification de « méthode reconnue à l’échelle internationale »
La version définitive des lignes directrices fournit des indications supplémentaires sur la signification de « méthode reconnue à l’échelle internationale » nécessaire à des déclarations environnementales étayées par des éléments corroboratifs. Elle précise de façon importante qu’une « reconnaissance peut provenir de diverses sources, y compris, sans toutefois s’y limiter, d’organismes de normalisation, d’autorités de réglementation ou même d’industries ou d’autres entités utilisant des méthodes généralement acceptées à l’échelle internationale ».
La version définitive confirme également que le « Bureau supposera que les méthodes requises ou recommandées par les programmes des gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux au Canada (…) sont compatibles avec les méthodes reconnues à l’échelle internationale ». S’il semble approprié que le Bureau considère que les mesures d’application de la loi qu’il prend ne doivent pas remettre en cause le bien-fondé de ces méthodes, il est peu probable que les parties privées se sentent liées par une telle préoccupation.
Le libellé de la loi ne rassure pas beaucoup les entreprises qui s’appuient uniquement sur des méthodes canadiennes, même si elles sont approuvées par des représentants gouvernementaux. La version définitive rappelle également aux entreprises que les déclarations environnementales conformes sont non seulement fondées sur des éléments corroboratifs appropriés, mais évitent aussi de donner une impression générale qui est fausse ou trompeuse sur un point important.
La version définitive comprend aussi des exemples supplémentaires de méthodes (le protocole de calcul des émissions de gaz à effet de serre ainsi que les normes ISO 5667-1 et ISO 5667-6 pour mesurer la concentration en nutriments).
Application des dispositions sur l’écoblanchiment à toutes les entreprises
La version définitive des lignes directrices élargit la notion d’« activité d’une entreprise » pour qu’elle corresponde à la définition du terme « entreprise » dans la Loi. Elle précise d’ailleurs que les nouvelles dispositions sur l’écoblanchiment s’appliquent également aux entreprises qui collectent des fonds à des fins de charité ou à d’autres fins non lucratives. Le Bureau reconnaît ainsi de façon explicite que toute entreprise qui fait des déclarations environnementales, et non seulement une entreprise typique, est assujettie aux dispositions sur l’écoblanchiment.
La version définitive précise que ces dispositions s’appliquent aux « entreprises étrangères qui font de la publicité au Canada ». À l’ère du numérique, il reste à définir ce qu’on entend par « publicité au Canada».
Principaux éléments des lignes directrices
Principes généraux : déclarations environnementales
Les lignes directrices énoncent six principes relatifs à la conformité pour aider les entreprises à déterminer si leurs déclarations environnementales sont conformes ou non aux exigences de la Loi. Ce sont en grande partie des principes standard de corroboration de la publicité qui sont presque identiques aux orientations fournies par le Bureau dans Le recueil des pratiques commerciales trompeuses — Volume 7 daté du 22 juillet 2024, à l’exception du principe 6 (décrit ci-dessous) qui évacue l’expression « déclarations ambitieuses concernant le futur » au profit de la formulation « déclarations environnementales sur l’avenir », plus générale. Les six principes sont les suivants :
Les déclarations environnementales doivent être véridiques et non fausses ou trompeuses.
Les indications de rendement et les avantages environnementaux d’un produit doivent être fondés sur une épreuve suffisante et appropriée.
Les déclarations environnementales comparatives doivent être précises quant à ce qui est comparé.
Les déclarations environnementales doivent éviter l’exagération.
Les déclarations environnementales doivent être claires et précises – et non vagues.
Les déclarations environnementales sur l’avenir doivent être étayées par des éléments corroboratifs et un plan clair.
Le Bureau indique que les déclarations prospectives doivent être dûment justifiées à l’aide d’une « méthode reconnue à l’échelle internationale », comme l’exigent les nouvelles dispositions de la Loi portant sur l’écoblanchiment. Voir ci-dessous « Orientations concernant les éléments corroboratifs des déclarations environnementales d’une entreprise».
L’objectif environnemental doit être bien défini et démontrer une compréhension claire des conditions requises pour réaliser l’objectif. Les entreprises doivent avoir un plan concret, réaliste et vérifiable, avec des cibles provisoires, des mesures significatives et des jalons.
Orientations concernant les éléments corroboratifs des déclarations environnementales d’une entreprise
Les lignes directrices contiennent des orientations sur la signification d’éléments corroboratifs « suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale » pour les déclarations environnementales ou activités d’une entreprise. En voici les concepts clés :
Une entreprise n’est pas tenue de suivre des normes (particulières), c’est plutôt la méthode utilisée (qui peut se trouver ou non dans une ou plusieurs normes) qui importe.
Une entreprise n’est pas tenue de s’appuyer sur la « meilleure » méthode.
La version définitive des lignes directrices confirme également que le « Bureau supposera que les méthodes requises ou recommandées par les programmes des gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux au Canada (…) sont compatibles avec les méthodes reconnues à l’échelle internationale ». S’il semble approprié que le Bureau considère que les mesures d’application de la loi qu’il prend ne doivent pas remettre en cause le bien-fondé de ces méthodes, il est peu probable que les parties privées se sentent liées par une telle préoccupation.
Le libellé de la loi ne rassure pas beaucoup les entreprises qui s’appuient uniquement sur des méthodes canadiennes, même si elles sont approuvées par des représentants gouvernementaux. La version définitive rappelle également aux entreprises que les déclarations environnementales conformes sont non seulement fondées sur des éléments corroboratifs appropriés, mais évitent aussi de donner une impression générale qui est fausse ou trompeuse sur un point important.
La reconnaissance d’une méthode peut provenir de diverses sources, y compris, sans toutefois s’y limiter, d’organismes de normalisation, d’autorités de réglementation ou même d’industries ou d’autres entités utilisant des méthodes.
Une méthode est dite « reconnue à l’échelle internationale» si elle est reconnue dans au moins deux pays (mais pas nécessairement par les gouvernements d’au moins deux pays).
Une méthode doit être suffisante et appropriée dans les circonstances, y compris en ce qui concerne le contexte canadien, selon le cas, comme la géographie et le climat.
Une méthode doit être fiable et robuste (ce qui augmenterait la probabilité qu’elle soit suffisante et appropriée).
La vérification par un tiers n’est pas nécessaire, sauf si la méthode reconnue à l’échelle internationale utilisée pour corroborer une déclaration exige une vérification par un tiers. Cependant, il convient de noter que la vérification par un tiers « peut améliorer la crédibilité » des déclarations du point de vue du consommateur.
Une entreprise peut s’appuyer sur des données utilisées dans le cadre de ses activités pour corroborer une déclaration, à condition que ces données aient été recueillies et évaluées à l’aide d’éléments corroboratifs obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale qui sont suffisants et appropriés.
La norme de corroboration ne requiert pas nécessairement des « épreuves ».
En ce qui concerne les déclarations « net zéro » en particulier, le Bureau reconnaît que de nombreuses normes existantes peuvent prévoir des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale. Ces déclarations doivent être étayées par des plans concrets, réalistes et vérifiables (comme c’est le cas pour toutes les déclarations sur l’avenir).
En ce qui concerne les « nouvelles technologies» pour lesquelles il n’existe aucune méthode reconnue à l’échelle internationale, une entreprise peut s’appuyer sur plusieurs méthodes différentes reconnues à l’échelle internationale qui, ensemble, peuvent créer les éléments corroboratifs de la déclaration ou bien s’appuyer sur des méthodes qui sont utilisées pour des déclarations semblables, sous réserve qu’une entreprise qui ne peut pas corroborer une déclaration ne doive pas la faire tant qu’une méthode reconnue à l’échelle internationale n’a pas été mise au point. Les entreprises doivent être attentives à l’évolution des méthodes qui peut nécessiter une mise à jour des déclarations.
Même si l’on peut considérer que les nouvelles exigences en matière de corroboration ont été respectées, les entreprises doivent rester attentives aux six principes généraux du Bureau afin de s’assurer que l’indication ne contrevient pas aux dispositions générales de la Loi portant sur les indications trompeuses (le sens littéral et l’impression générale donnée par l’indication ne doivent pas être faux ou trompeurs sur un point important). (Voir « Principes généraux : déclarations environnementales»).
Défense fondée sur la diligence raisonnable
Les lignes directrices confirment explicitement que les entreprises peuvent continuer d’invoquer le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable prévu au paragraphe 74.1(3) de la Loi en ce qui concerne les déclarations visées par les nouvelles dispositions sur l’écoblanchiment. Il est donc important que les entreprises élaborent, adoptent et tiennent à jour des programmes de conformité crédibles et efficaces afin de démontrer qu’elles ont fait preuve de toute la diligence voulue pour empêcher la contravention(5).
Les dispositions de la Loi portant sur l’écoblanchiment sont complexes et suscitent de l’incertitude. Ne pas les respecter pourrait avoir des conséquences importantes sur les entreprises. Ainsi, ces dernières devraient évaluer et peut-être même modifier leurs déclarations environnementales existantes et mettre en place des processus à suivre lorsqu’elles en font de nouvelles, de manière à cerner les préoccupations potentielles et à atténuer leur responsabilité.
À propos des auteurs
Beth Riley est une avocate chez McMillan qui possède une solide expertise en matière de concurrence, d’antitrust et d’investissements étrangers.
Daniel Edmondstone concentre sa pratique chez McMillan sur les questions impliquant le droit de la concurrence (y compris les questions de marketing et de publicité), le droit antitrust et les investissements étrangers, ainsi que la réglementation des produits.
Radha Curpen, associée chez McMillan, est une experte juridique prisée relativement aux questions d’environnement, de relations avec les Autochtones, de gouvernance, de réglementation, de changements climatiques, de droits de la personne, de gestion de crise et de durabilité.